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Subhas Chandra Dutt Sadeo, ex-superintendant de police et senior citizen : «Nous sommes dans un état de guerre contre la drogue»

Subhas Chandra Dutt Sadeo est président de l’association des seniors de Quatre Cocos et de la Fédération de Flacq Senior Citizens.

C’est un rare ex-haut gradé de la force policière à consentir à raconter son métier, mais sans livrer des détails sur des sujets sensibles. À 75 ans, Subhas Chandra Dutt Sadeo, ex-superintendant, préside l’association des seniors de Quatre-Cocos et la Fédération de Flacq Senior Citizens. Il se confie et exprime ses inquiétudes sur l’île Maurice d’aujourd’hui.

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C’est un homme dont l’humilité et le calme frappent d’emblée. « Aujourd’hui, je suis à la retraite. Je suis devenu un peu assagi, mais quand il fallait, j’ai haussé la voix et frappé sur la table », nuance l’ex-policier qui a exercé la majorité de son temps dans les rangs du CID. « Dans ce service, il vous faut conjuguer le calme, l’observation et le bon sens. Il y a toujours de mauvaises personnes, mais il n’y avait pas autant de médias comme aujourd’hui. La société mauricienne n’est plus la même, les rapports entre les gens ont changé. Aussi n’est-il pas totalement exact d’affirmer que les gens étaient meilleurs avant », fait-il observer.

Marié, père de deux enfants, natif de Quatre-Cocos, Subhas Sadeo est le second d’un couple qui compte trois enfants, parmi une fille. « Mon père possédait un charriot qui transportait les cannes à sucre de notre champ à l’usine de Constance. Nous n’avions pas un grand champ. D’ailleurs, après mon SC au collège Eastern, mon père n’avait pas les moyens pour payer les frais de HSC. Moi-même, j’ai travaillé dans le champ pour creuser la terre, couper l’herbe pour nourrir nos cabris. Même après que j’étais devenu policier, j’ai continué à couper la canne », confie-t-il.

Figure de notable

À Quatre-Cocos, la famille Sadeo, même d’extraction modeste, fait déjà figure de notable. Premier policier de la localité, Subhas fait lui la fierté de sa famille. « Lorsque j’ai intégré la force policière, il fallait évidemment suivre les entrainements à la SMF. C’était plus dur qu’aujourd’hui. Je versais l’intégralité de mon salaire de Rs 216 à ma famille. C’était une bonne somme pour l’époque, il me fallait aider au mariage de mon frère. La solidarité avait alors un sens », se souvient-il encore. 

Il a 30 ans lorsqu’il se marie après avoir économisé pour celui de sa sœur. Des années après, avec le soutien de son benjamin et ses économies, il s’achète enfin un terrain. « Le propriétaire avait accepté que je lui verse le reliquat durant une année », indique-t-il, avant de préciser : « Puis, petit à petit et avec des économies, j’ai agrandi la maison jusqu’à ce qu’il devienne ce qu’à ce qu’on peut voir aujourd’hui. » 

Tragédies…

Jusqu’à sa retraite à 65 ans, Subhas Sadeo a été témoin des évolutions économiques, sociales et culturelles de Maurice, mais aussi de certaines tragédies restées gravées dans sa mémoire. Il en garde une mémoire vivante et en parle avec recul. « Alors que j’étais à la SMF, on était en train de grimper la montagne Saint-Pierre, quand il s’est produit un éboulement qui a entrainé un collègue. Moi, j’ai réussi à me caler avec mon fusil. Je l’ai vu faire des ‘coustics’, parmi des roches. Pourtant, je l’avais prévenu », relate-t-il. 

Je me souviens que Paul Bérenger demandait qu’on lui apporte des livres. Il lisait beaucoup. (…)»

Durant ces mêmes années 70, une autre tragédie a lieu cette fois-ci sur la montagne Pieter Both. « La foudre s’était abattue sur un jeune médecin anglais, sa femme et leur enfant », raconte-t-il. « On a escaladé la montagne où a retrouvé la mère et l’enfant foudroyés. Les deux corps étaient carbonisés. Le mari avait été lui projeté au bas, il a fallu descendre avec des cordes, car il n’y avait pas encore d’hélicoptère à l’époque. Il fallait avoir le mental fort », confie-t-il. 

Des membres du MMM détenus…

Durant ses trois années passées au sein de la Special Supporting Unit (SSR), l’ancêtre de la Riot Unit, il aura le ‘privilège’ d’être parmi les soldats affectés à la surveillance des membres du MMM incarcérés au centre de détention des Casernes centrales. « Je me souviens que Paul Bérenger demandait qu’on lui apporte des livres. Il lisait beaucoup. Il y avait aussi là Dev Virahsawmy et Hervé Masson, entre autres. Il y avait un respect mutuel entre eux et nous. Dev voulait sa radio portative. On plaisantait bien entre nous », se souvient encore Subhas Sadeo.

Durant sa carrière, il n’a jamais cessé de lire afin de s’améliorer comme policier. « Je prenais des notes dans des cahiers. En 1979, alors que je ‘fréquentais’, je demandais déjà à ma future femme de prendre des notes pour moi. Ça m’a servi lorsqu’il fallait être aux côtés de médecins légistes durant une autopsie. Mes notes, comme celles d’autres collègues, m’aidaient pour mes enquêtes », raconte notre interlocuteur.  

Au poste de police de Flacq où il est affecté au service du CID alors qu’il a 40 ans, il observe que les cas les plus fréquents qui y sont consignés ont trait à des accidents de route, des disputes familiales ou des vols dans des hôtels. « À Flacq, on n’avait qu’un seul Morris Minor. On n’avait pas de gros moyens, mais l’uniforme imposait le respect et la crainte de la police. On ne plaisantait pas avec nous. On comptait déjà sur des informateurs, on les payait de nos poches avec nos ‘clothing allowances’ », indique-t-il. 

… des drogués volent et tuent leurs propres parents, leurs voisins et des trafiquants sont aux portes de nos écoles et collèges. C’est cela le défi de notre temps.»

Plus tard, il rejoindra la Land Fraud Squad logée aux Casernes. « J’avais suivi des cours délivrés par un instructeur anglais et intitulés ‘ Principles of Criminal Investigations and Presentation Skills’. Ces cours m’ont aidé à peaufiner pour mener mes enquêtes. Plus tard, j’ai pu à mon tour instruire des sergents et des inspecteurs. En 1999, j’ai rejoint la Major Crime Investigation Time. La police est une école sociale où il faut apprendre sur tout ce qui touche aux comportements humains. J’ai tellement bouquiné que j’ai été amené à lire le Code Civil. J’ai vu des personnes qui étaient innocentes, mais qui s’accusaient. Toutefois, on vérifie lors des descentes des lieux. Elles permettent de vérifier si les affirmations des présumé(e)s sont vraies ou non ».

Érosion des valeurs morales

Durant plus d’un quart de siècle au sein du CID, il dit avoir appris à écouter et à cultiver le doute, mais il a aussi assisté à la lente érosion des valeurs morales. « Je vois des familles se désintégrer avec, entre autres, le déclin de la spiritualité qui, autrefois cristallisait l’unité des communautés ». 

À chaque fois qu’il entend à la radio des saisies de drogues qui valent des millions, une question s’impose à lui immédiatement : « Visiblement, ce trafic rapporte beaucoup à leurs trafiquants. Cela implique qu’il faut dans le même temps, mobiliser des moyens proportionnés pour les traquer, dont la formation des policiers, l’acquisition des équipements modernes et renforcer le service de renseignements. De plus, il faut informatiser le service à tous les niveaux. La situation a dépassé toutes nos craintes : des drogués volent et tuent leurs propres parents, leurs voisins et des trafiquants sont aux portes de nos écoles et collèges. C’est cela le défi de notre temps. Avec les drogues partout, nous sommes dans un état de guerre », fait-il valoir.

 

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