Après Nando Bodha et Roshi Bhadain, voilà que Sherry Singh se présente officiellement comme prétendant au poste de Premier ministre, avec la création de sa plateforme One Moris. Quel signal pour la vie politique mauricienne ? Décryptage.
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Un nouveau prétendant au fauteuil de Premier ministre (PM). Jamais ce poste n’aura été autant convoité. Du moins, de manière aussi ouverte. Outre les traditionnels prétendants, comme Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam, d’autres leaders politiques, à l’exemple de Nando Bodha, Roshi Bhadain et, à présent, l’ex-Chief Executive Officer (CEO) de Mauritius Telecom (MT) Sherry Singh, ont tous manifesté leur ambition de devenir Premier ministre.
Des questions se posent toutefois : « Quel signal ce genre d’ambition affichée est-il en train d’envoyer au pays ? » ; « Cette convoitise est-elle saine ? » ; « Reflète-t-elle le désir de ces leaders de donner un nouveau souffle au pays ? » ; ou « Est-ce là l’ambition de vouloir à tout prix devenir l’homme le plus puissant du pays avec tous les pouvoirs que confère la Constitution au chef du gouvernement ? »
Faizal Jeeroburkhan, observateur politique et membre du Think Mauritius, ne passe pas par quatre chemins pour parler « d’obsession » des leaders politiques pour le poste de PM. « Nous savons bien que le chef du gouvernement a droit à des pouvoirs inimaginables et nous avons aussi pu témoigner que l’actuel Premier ministre a utilisé tous ces pouvoirs dans la plus grande largesse possible. Il a franchi certaines lignes rouges », explique-t-il.
Il est d’avis qu’avant que quelqu’un n’envisage de prétendre à devenir PM, il doit avant tout répondre à certains critères établis. « Il faut être une figure nationale, une figure charismatique et être accepté par une grande partie des Mauriciens. Cette personne doit également avoir un parcours politique exemplaire et un rayonnement international. »
L’observateur politique se pose donc la question : tous ces prétendants répondent-ils aux critères susmentionnés ? « Ils pensent, eux, y répondre mais ce n’est pas le cas pour tous. Même ceux qui ont un long parcours en politique ne sont pas nécessairement des modèles car ils traînent beaucoup de casseroles », ajoute-t-il.
L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low avance, quant à lui, que cet intérêt grandissant pour accéder au poste de PM est « le reflet du déclin » qu’est en train de connaître les partis politiques à Maurice. « Le problème que nous avons à Maurice est que toutes les formations politiques sont la propriété privée des leaders. On voit donc des partis personnels et non pas des partis avec un collectif », déplore-t-il.
Commentant spécifiquement le cas de l’ex-CEO de MT, Jocelyn Chan Low tient à rappeler que « sa plateforme n’est ni plus ni moins qu’un ‘one-man show’ et que cela va dans la même direction que les autres partis traditionnels ». « On peut clairement voir que la plateforme qui a été créée par Sherry Singh tournera, encore une fois, uniquement autour du leader. On est tout simplement en train de répéter le même schéma. Mais un parti politique ne peut tourner autour d’une seule personne », avance-t-il.
Selon Jocelyn Chan Low, il est grand temps que les partis politiques à Maurice commencent à s’inspirer du modèle anglais où un Premier ministre peut facilement être révoqué par son parti s’il ne répond plus aux aspirations. « C’est un modèle qui témoigne de l’esprit du collectif et démontre que le parti ne peut être pris en otage par un leader », souligne-t-il.
Cette obsession premier ministérielle n’inspire rien de bon pour l’avenir. C’est du moins l’avis partagé par l’ex-député et linguiste Dev Virahsawmy. « Voir une autre personnalité publique faire part de ses ambitions de devenir Premier ministre démontre, encore une fois, que tous les partis politiques se ressemblent. Il y a uniquement des débats agaçants sur ce poste de Premier ministre sans qu’aucun parti politique daigne engager une réflexion profonde sur nos véritables enjeux », explique-t-il.
La sécurité alimentaire, le nombre d’enfants qui sont laissés-pour-compte par le système scolaire sont des thèmes qui devraient, selon Dev Virahsawmy, être au centre des préoccupations des partis politiques. « Mais ce n’est pas le cas, car engager de telles réflexions n’apporte pas de votes aux élections générales », dit-il.
Ces aspirants PM et leurs points faibles
Roshi Bhadain
Il l’a dit en plusieurs occasions : « J’ai la capacité de servir mon pays en tant que Premier ministre. » Si beaucoup de ses collaborateurs et ex-collaborateurs voient en lui un « véritable bosseur », ils avancent cependant que « Roshi Bhadain a trop tendance à vouloir se la jouer solo et oublier qu’il opère au sein d’une équipe ». « Plusieurs de ses décisions, lorsqu’il était ministre, ont été prises à l’insu du Conseil des ministres. Il n’aime pas être contrôlé et veut souvent opérer comme un électron libre », affirme un de ses anciens collaborateurs. Au sein du Mouvement militant mauricien (MMM), ils sont nombreux à être d’avis que c’est en raison de son « one-man show » que Roshi Bhadain n’arrive plus à se faire accepter au sein d’une alliance.
Nando Bodha
L’ex-ministre des Infrastructures publiques et des Affaires étrangères aura beau témoigner ses plus belles intentions pour écrire une nouvelle page de Maurice, mais il arrive difficilement à faire oublier qu’il a, pendant des années, fait partie du gouvernement MSM. La passivité des autorités, notamment du ministère des Affaires étrangères sur le cas de Jean Hubert Celerine, alias Franklin, est un cas parmi tant d’autres qui démontrent le déficit de crédibilité de Nando Bodha.
Sherry Singh
L’ex-CEO de Mauritius Telecom avait jusqu’ici été épargné par l’enquête initiée par la firme américaine FTI Consulting, qui a été mandatée pour faire la lumière sur les contrats alloués entre 2015 et 2022. À l’Hôtel du gouvernement, on annonce que Sherry Singh devrait très bientôt être rattrapé par les conclusions de ce rapport. L’enquête de l’Independent Commission against Corruption a d’ailleurs été relancée la semaine dernière, après qu’un membre de la direction de MT s’est entretenu avec les enquêteurs de l’Icac pour discuter du rapport de FTI Consulting.
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