
L’eau se fait de plus en plus rare à Maurice. Face à une sécheresse persistante et des réservoirs au plus bas, les robinets dans de nombreuses régions sont à sec, plongeant la population dans une détresse quotidienne.
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L’accès à l’eau est un droit fondamental. D’ailleurs, plusieurs conventions internationales le reconnaissent (voir encadré). Cependant, à Maurice, les robinets sont à sec dans de nombreuses régions. Le niveau des réservoirs inquiète, et les mesures d’urgence ne suffisent pas à résoudre les difficultés rencontrées par certains habitants.
À Cité Marjolin, la situation est critique pour les habitants comme pour les squatteurs. L’eau coule entre 5 heures et 8 heures du matin, puis il faut attendre tard dans la soirée pour voir le robinet fonctionner à nouveau. En l’absence d’alternatives, les résidents doivent stocker l’eau ou se ravitailler dans la rivière.
Jerry, un habitant, témoigne : « La situation que nous vivons est inimaginable. Certains sont connectés au réseau de la Central Water Authority (CWA), mais d’autres doivent contourner la loi pour s’approvisionner en eau. C’est illégal, mais c’est une triste réalité. »
Il regrette que plusieurs requêtes et pétitions pour connecter les squatters au réseau de la CWA soient restées lettre morte. « Nous sommes prêts à payer, mais aucune mesure concrète n’a été prise. Aujourd’hui, nous devons nous contenter d’un réservoir installé près de la gare de Résidence La Cure. On revient aux années 60 avec nos seaux d’eau sur la tête », dit-il.
Problème persistant
Au village du Morne, l’exaspération a poussé les habitants à manifester dans les rues. Ludovic Labeauté, ancien président du conseil de district de Rivière-Noire, explique que la situation aurait pu dégénérer sans l’intervention rapide des autorités. « Actuellement, l’approvisionnement se fait par camions-citernes pour les 1 400 habitants de la région. Mais ce problème ne date pas d’hier. Il faut une solution durable », martèle-t-il.
Par le passé, l’eau du réservoir de l’Embrasure était utilisée pour alimenter la région, mais des travaux mal planifiés ont perturbé cette source. Une autre solution, la rivière de Baie-du-Cap, est devenue inexploitable à la suite des pluies associées au cyclone Garance qui ont endommagé la pompe.
Dans la région de Bramsthan, la situation est toujours aussi critique. Selon Aukhez Lalchand, travailleur social, les habitants reçoivent de l’eau seulement une à deux heures par jour, et parfois, aucune distribution n’est assurée. « Souvent, nous devons attendre la nuit pour avoir un peu d’eau. Les camions-citernes ne viennent pas toujours, et certains sont contraints d’aller à la rivière pour avoir de l’eau », déplore-t-il.
Il affirme que ce problème perdure depuis des années. « Depuis plus de cinq ans, des habitants alertent les autorités sans résultat concret, multipliant manifestations et blocages de route. Le problème reste entier, alors que l’eau est une nécessité », tonne Aukhez Lalchand.
On revient aux années 60 avec nos seaux d’eau sur la tête»
Cependant, le travailleur social Cadress Rungen constate une situation contrastée. « Dans certaines cités, nous avons des coupures régulières, mais il n’y a pas d’‘outcry’ pour l’heure. L’eau est disponible au moins une partie de la journée, contrairement à d’autres localités où la situation est bien plus alarmante », fait-il remarquer.
Les habitants ont appris à s’adapter à la rareté de l’eau, selon lui. « Certains enfants apprennent à se brosser les dents avec un seul verre d’eau. Une discipline s’est installée, et la solidarité entre voisins permet de surmonter la crise. Par exemple, le centre d’accueil de Terre-Rouge n’avait pas d’eau, un voisin a partagé la sienne », souligne Cadress Rungen.
Gestion défaillante
Pour Anabelle Savabaddy, députée de la circonscription n˚4 (Port-Louis Nord/Montagne-Longue), la crise actuelle est en grande partie due à une mauvaise gestion des ressources par le précédent gouvernement. Elle rappelle que « l’ancien gouvernement avait promis une distribution 24/7, mais aujourd’hui, nous faisons face à une situation catastrophique ». Elle dénonce le gaspillage de fonds et le manque d’investissements dans les infrastructures, notamment la réparation des fuites d’eau sur le réseau de distribution.
Elle cite l’exemple de Ti Rodrigues, où un réservoir de 9 000 mètres cubes a été installé pour répondre aux besoins urgents des habitants. « Nous ne pouvons pas priver un citoyen de l’accès à l’eau. C’est un droit humain fondamental », insiste-t-elle.
En attente de la pluie
Face à la crise, elle ajoute que le ministre des Services publics, Patrick Assirvaden, multiplie les efforts pour améliorer la distribution et garantir une répartition équitable des ressources. Des mesures ont été mises en place, notamment la régulation des horaires de distribution et la suspension des lavages de voitures.
Elle explique que les espoirs se tournent vers la pluie pour remplir les réservoirs et soulager les populations affectées : « Nous prions tous pour que la pluie tombe, pas pour inonder nos maisons, mais pour alimenter nos réserves d’eau. »
Ti-Rodrig : un cas d’exception ?
Contrairement à d’autres régions touchées par des coupures, à Ti-Rodrig, l’eau coule en continu. Selon nos sources, environ 200 à 300 familles contournent le réseau officiel et s’alimentent directement à partir d’un réservoir de Résidence La Cure. « C’est une situation illégale, mais elle est devenue une normalité », confie-t-on.
Sollicités, les responsables du ministère de l’Énergie et des Services publics affirment ne pas avoir reçu de plainte à ce sujet. Cependant, la CWA a été alertée et des officiers se rendront sur place pour enquêter. Deux réservoirs ont été installés sur une base humanitaire pour soulager les habitants.
Les risques sanitaires liés à l’eau non traitée
En période de sécheresse, certaines familles n’ont d’autre choix que d’utiliser l’eau des rivières. Pourtant, cette pratique représente un danger pour la santé. Le Dr Fazil Khodabocus met en garde contre les risques sanitaires. « Même si l’eau paraît propre, elle peut être contaminée par des bactéries comme la Salmonella ou la Campylobacter. Il est essentiel de la faire bouillir avant consommation », dit-il.
L’utilisation d’une eau insalubre peut entraîner des infections gastro-intestinales et d’autres maladies. Une sensibilisation accrue est nécessaire pour prévenir ces risques.
Sans pluie, scénario catastrophe d’ici fin avril
La catastrophe se profile à l’horizon : si la sécheresse prolongée persiste, Maurice risque de se retrouver dans une situation critique avec des réservoirs dont le niveau pourrait chuter sous la barre des 15 % de leur capacité d’ici la fin du mois d’avril, rendant l’eau disponible inutilisable. C’est ce qu’a fait savoir le ministre des Services publics et de l’Énergie, Patrick Assirvaden, mardi au Parlement, en réponse à la Private Notice Question du leader de l’opposition, Joe Lesjongard.
Le taux de remplissage des réservoirs étant actuellement à 41,3 % (voir tableau), le gouvernement a déployé plusieurs mesures d’urgence. Depuis janvier 2024, il a intensifié les forages de nouveaux puits dans différentes régions du pays, ajoutant ainsi 7 500 mètres cubes d’eau par jour au réseau de distribution. Ces efforts comprennent également l’achèvement de nouveaux forages à Constance La Gaité et Fond-du-Sac, et un forage en cours à Mapou, avec cinq autres prévus. Afin d’apporter un soutien aux foyers les plus vulnérables, un programme de subvention pour l’achat de citernes d’eau a également été mis en place, aidant 310 familles depuis décembre 2024. De plus, un programme de collecte des eaux de pluie a été instauré, avec 6 400 demandes enregistrées et 609 coupons déjà distribués.
De plus, le gouvernement a pris des mesures pour optimiser l’exploitation des ressources en eau disponibles, telles que la mobilisation des barrages du Central Electricity Board et des réserves privées. Par ailleurs, plusieurs initiatives ont été lancées, telles que la suspension temporaire de l’irrigation des champs de canne, la réparation accélérée des tuyaux poreux, l’installation de réservoirs d’eau à travers le pays, ainsi qu’une campagne de sensibilisation pour limiter le gaspillage. Malgré ces efforts, la situation reste critique
Ces solutions de canalisation et de redistribution possibles
La baisse du niveau des réservoirs à Maurice devient une préoccupation majeure. Toutefois, selon l’hydrologue Farook Mowlabaccus, des ajustements peuvent être faits pour mieux gérer les ressources en eau disponibles.
« Le niveau de Mare-aux-Vacoas est en train de baisser, comme c’est le cas pour les autres réservoirs », constate-t-il. Une des solutions envisageables, selon Farook Mowlabaccus, est la canalisation de l’eau de Mare-Longue vers Mare-aux-Vacoas afin de ralentir la baisse du niveau du plus grand réservoir du pays : « Pour pallier la baisse du niveau des réservoirs, nous pouvons canaliser l’eau de Mare-Longue qui se dirige actuellement vers Tamarin Falls pour la production hydroélectrique. L’eau de Mare-Longue devrait être redirigée vers Mare-aux-Vacoas. Cela viendrait supplémenter les réserves d’eau de Mare-aux-Vacoas et ainsi, son niveau baissera plus lentement. »
Ce type de canalisation n’est pas une nouveauté, et selon l’expert, la Central Water Authority (CWA) a déjà l’expérience et les infrastructures nécessaires pour mettre en place cette déviation : « La CWA l’a déjà faite dans le passé. Ce ne sera pas un gros problème à mettre en œuvre. »
Il propose également de revoir certaines pratiques existantes en matière de distribution d’eau, notamment en ce qui concerne Midlands Dam et La Nicolière. « Le système Grande-Rivière-Sud-Est/Midlands Dam doit cesser d’alimenter la station hydroélectrique de Champagne », préconise l’hydrologue.
Autre ajustement possible : « L’eau du tunnel de Pierrefonds doit être envoyée vers Port-Louis. Cela a déjà été fait, il ne devrait donc pas y avoir de problème. L’eau de la rivière Plaines-Wilhems ne doit plus alimenter le canal La Ferme, mais doit plutôt être dirigée vers Port-Louis. Cela allégera la situation et permettra à l’eau de rester disponible un peu plus longtemps. »
Cependant, précise Farook Mowlabaccus, si ces mesures peuvent apporter un certain soulagement, « rien ne peut remplacer la pluie. J’espère que les averses seront pour bientôt et que cela aidera à remplir nos réservoirs. Les pluies sont vraiment en retard ».
Le taux de remplissage des réservoirs s’élève à 41,3 %

Les sept principaux réservoirs ont vu leur taux de remplissage grimper de quelques millimètres à la suite des récentes pluies. Le taux de remplissage moyen à mercredi était de 41,3 %. Cependant, la situation reste toujours critique.
L’eau et la dignité humaine
L’eau potable est essentielle à la dignité humaine, car elle est indispensable à la vie, à la santé et au bien-être général. L’accès à une eau salubre permet de prévenir de nombreuses maladies, assure une hygiène adéquate et garantit des conditions de vie décentes. Sans eau potable, les individus sont exposés à des risques sanitaires majeurs, ce qui compromet leur capacité à vivre dignement.
Plusieurs conventions internationales reconnaissent l’accès à l’eau comme un droit humain fondamental :
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) : Bien que ce pacte ne mentionne pas explicitement le droit à l’eau, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies a interprété en 2002 que le droit à l’eau est implicite aux articles 11 (droit à un niveau de vie suffisant) et 12 (droit à la santé) du PIDESC.
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) : L’article 14(2) de cette convention stipule que les États parties doivent assurer aux femmes des conditions de vie adéquates, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en eau.
Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) : L’article 24 de cette convention reconnaît le droit de l’enfant à la santé et souligne l’importance de l’accès à une eau potable salubre.
En outre, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté en 2010 la résolution A/RES/64/292, qui reconnaît que le droit à une eau potable salubre et à l’assainissement est un droit de l’homme essentiel à la pleine jouissance de la vie et de tous les droits de l’homme.
(source: Internet)

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