Interview

Salil Roy, Président de la Planters’ Reform Association: «Les IPPs sont la vache sacrée à laquelle on n’ose toucher»

Salil Roy, Président de la Planters’ Reform Association
Le Président de la Planters’ Reform Association explique la déception de la communauté des planteurs, après l’annonce des mesures prises par le secteur sucrier par le ministre de l’Agro-industrie. Comment accueillez-vous les annonces du ministre Seeruttun ? J’aimerai d’abord faire un petit historique de la situation. Le ministre a mis sur pied un High-Level Implementation Committee pour travailler sur le rapport Landell Mills. Le rapport du comité devait être soumis en octobre, mais on n’a rien vu. Et soudain, vendredi dernier, le Conseil des ministres annonce que le rapport a été soumis. Or, nous avons des membres qui ont siégé sur le High-Level Committtee et ils n’étaient même pas au courant que le rapport était prêt!
Qu’en est-il des nouveaux prix pour la bagasse ? On s’attendait à bien plus que cela! On est passé de Rs 25 la tonne de bagasse à Rs 270, alors qu’à La Réunion, ils touchent Rs 1 500! C’est largement en deçà de nos attentes. On porte ce fardeau depuis 30 ans et j’ai tout le temps prévenu qu’il ne fallait pas revoir le prix à Rs 200 ou 300 pour venir dire ensuite qu’il y a eu une augmentation de 1 000 %. Dites-vous bien que si un horticulteur va acheter la bagasse auprès des usines, il le paiera Rs 2 000 la tonne.
[blockquote]« Le CEB contribue entre Rs 65 et 66 millions annuellement au Bagasse Transfer Price Fund, donc c’est le consommateur qui casque »[/blockquote]
Ce n’est pas suffisant pour freiner le phénomène d’abandon des terres sous canne ? Le ministre dit vouloir valoriser la bagasse pour que les planteurs n’abandonnent plus leurs terres, mais au final, c’est le CEB qui finance le tout. Il me semble que les autorités ont trouvé plus facile de démanteler l’empire Rawat que de changer la situation dans laquelle se retrouvent les Independent Power Producers (IPPs). Ils continuent à avoir la bagasse en cadeau en sus de toucher 50 % du Bagasse Transfer Price Fund. Le reste de la cagnotte est partagé entre la catégorie des millers and planters avec 12 % et les petits planteurs avec 38 %. Mais les IPPs ne sont-ils pas aussi planteurs ? Certains divisent leurs opérations entre différentes entités. Cela leur permet alors non seulement de toucher les 50 % alloués aux IPPs, mais aussi des autres tranches réservées aux planteurs. C’est tout à fait légal. Ils vous diront qu’il ne s’agit pas de la même entité, mais au final, on sait vers où va l’argent. Certains groupes sont en train de « cash in » dans les trois catégories. C’est là où le bât blesse : les IPPs sont la vache sacrée à laquelle personne n’ose toucher. C’est la méthode de distribution des revenus qu’il aurait donc fallu revoir selon vous? Il est évident que le système de distribution n’est pas juste. Le CEB contribue entre Rs 65 et 66 millions annuellement au Bagasse Transfer Price Fund, donc c’est le consommateur qui casque. Avec la somme additionnelle, c’est environ Rs 135 millions que le CEB contribuera. On s’attendait à une vaste réforme de ce mécanisme. La somme allouée aux planteurs est calculée sur la production de sucre plutôt que de la bagasse. Comment cela va affecter les planteurs? Cette année, nous avons un taux d’extraction très faible et les planteurs vont être pénalisés, même si leur canne affiche une haute teneur en fibres. Bien sûr, quand on présente la chose, on parle de Rs 1 265 par tonne, mais c’est par tonne de sucre. Si on rapporte ça à la bagasse, cela vous fait moins de Rs 300. Ça sonne moins bien. C’est la bagasse qui retient l’attention. La mélasse a été un peu oubliée dans l’affaire... Encore une fois, une mesure qui semble positive cache une situation moins rose. Les producteurs d’alcool paieront Rs 540 par litre au lieu de Rs 270. Mais on s’attend, cette année, à ce que nos revenus sur la bagasse baissent. Les mesures prises ne changent pas la nature profonde de l’industrie. On s’attendait, par exemple, à ce que les planteurs deviennent actionnaires de l’industrie à tous les niveaux, mais le ministre n’a même pas mentionné cette question. Le Mauritius Sugarcane Industry Research Institute (MSIRI) a été critiqué pour s’être bureaucratisé après son intégration au MCIA. La décision d’en faire une institution indépendante de nouveau est-elle justifiée selon vous ? Le MSIRI est un cess-funded institution (NDLR : le cess fund est destiné à financer les institutions qui offrent leurs services à l’industrie de la canne) et devrait, comme toutes les autres, se retrouver sous le chapeau du Mauritius Cane Industry Authority (MCIA). À qui répondra le MSIRI sinon ? Il faut dire que les planteurs se posent des questions sur les travaux du MSIRI également. À quoi bon faire des recherches pour l’Afrique. Qu’est-ce que cela rapporte aux planteurs locaux ? Y a-t-il quand même une mesure annoncée que vous trouvez bonne ? Il faut saluer l’imposition de la taxe de 15 % sur le sucre importé. Cela protégera le secteur contre ceux qui viennent faire du dumping sur le marché local. Mais ce n’est vraiment rien. Il faut considérer le fait que l’utilisation de la bagasse évite au pays d’importer 250 000 tonnes de charbon par an. Cela représente des économies à hauteur de Rs 1 milliard. Ce qu’on gagne en retour reflète-t-il cela? On aurait pu faire bien plus. Les métayers, par exemple, ont été complètement oubliés. On leur dit d’aller abandonner leurs terres en ne faisant preuve d’aucune reconnaissance pour leur contribution dans le secteur. On aurait dû mettre en place une structure pour leur permettre de devenir propriétaires.
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