Le nouveau président de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius (OTAM) est optimiste quant à l’avenir du secteur de l’externalisation et des centres d’appels. Mais, il estime que la vigilance est de mise et qu’un plan d’action cohérent est requis afin d’assurer la pérennité du secteur.
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« Certaines entreprises font du débauchage en proposant des salaires qui faussent la réalité salariale du marché. »
À la suite à la démission de Ganesh Ramalingum, vous redevenez le président de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius (OTAM). Quelles sont les priorités de ce secteur ?
Oui, effectivement, faisant suite à une décision de Ganesh Ramalingum de se retirer avec effet immédiat pour des raisons personnelles, le comité exécutif m’a proposé, au cours de la réunion du 30 octobre, à l’unanimité, d’assumer la présidence de l’OTAM. Étant déjà un ancien président de l’association, les collègues membres m’ont convaincu de revenir, quoique j’assumais jusqu’à tout récemment le poste de secrétaire général. Pour ce qui est des priorités, il est impératif de mettre tous les atouts en notre faveur afin d’adopter une formule pour trouver les compétences, voire assurer une croissance soutenue et appréciable. Pour cela, nous devons établir un véritable plan d’action afin de gagner en compétitivité, rester visible sur le marché mondial, être la plate-forme d’excellence et positionner Maurice comme un leader régional. Nous devons aussi accroître l’accès à la formation qualifiante et valoriser des métiers, mais également comprendre et ausculter les nouveaux enjeux du secteur.
Au niveau du Business Process Outsourcing (BPO), Maurice est de plus en plus concurrencé par d’autres marchés émergents comme Madagascar, le Vietnam, la Tunisie, mais aussi des pays de l’ancien bloc soviétique. Est-ce que ce créneau est-il voué à disparaître à Maurice ?
Non, pas du tout, ce créneau n’est pas voué à disparaître si on applique les points que je viens d’énumérer plus tôt. Nous possédons le potentiel nécessaire, mais il faut insister auprès de l’ensemble des acteurs économiques afin qu’il y ait une stratégie opérationnelle, surtout pas cosmétique et tout cela en parfaite cohérence avec les réalités du secteur. Le BPO reste en pleine mutation, il faut constamment s’adapter et en matière de segmentation le BPO pèse quand même un peu plus de 30 % dans le secteur.
Quels sont les dangers ?
Les dangers pourront être le manque de compétences en temps voulu avec les sociétés qui pourraient alors décider de partir ailleurs. Si nous perdons en productivité et en compétitivité, si nous perdons le contrôle sur la grille salariale et par rapport aux débauchages qui se pratiquent par certains, ce sera difficile pour nous. Certaines entreprises pratiquent le débauchage en proposant des salaires qui viennent fausser la réalité salariale du marché. Ça, c’est un vrai danger. L’OTAM va bientôt venir avec une charte sur ce point précis.
On parle depuis plusieurs années de problèmes de formation et de manque de main-d’œuvre dans le secteur de l’externalisation. Est-ce toujours le cas ? Si oui, quelles sont les solutions ?
Aujourd’hui, quasiment presque toutes les sociétés du secteur forment le personnel qu’elles recrutent. Certains programmes de formation durent jusqu’à trois mois afin que la personne soit productive. Elles ont leur propre centre de formation. Mais cela ne suffit pas pour alimenter le bassin. J’ai l’avantage aujourd’hui de bien connaître et comprendre le système et les besoins du secteur. Je suis en train de suivre l’évolution depuis bientôt 14 ans. Si ce n’était que moi, et si j’étais le policy maker on aurait pu trouver une solution avec la participation du Human Ressource Development Council (HRDC) et même du Mauritius Institute of Training and Development (MITD). À travers ces instances, nous aurions pu trouver les moyens de résoudre ce manque de main-d’œuvre qualifiée.
Mais le HRDC et le MITD, malgré leur bonne volonté, restent quand même limités de par leur mandat et fonctions. Les plans tels que NSDP (National Skills Development Program) , GTES (Graduate Training Employment Program) et SSDS (Sectoral Skills Development Scheme) existent, mais j’aurais souhaité qu’on élargisse les mandats et fonctions du HRDC afin que cette institution puisse jouer un rôle beaucoup plus dynamique et stratégique . J’ai prévu de prendre ce point avec les responsables du Sectoral Committee du ICT / BPO. D’autre part, les pourparlers avec les universités afin d’adapter les modules par rapport aux demandes du secteur sont on going. Et puis, il y a Rodrigues, qui a un potentiel à ne pas négliger. Rodrigues est maintenant connecté à travers la fibre, donc il faudra l’intégrer dans notre stratégie numérique. À terme, on pourra y avoir un bassin d’emploi de 2 000 à 2 500 personnes.
Le gouvernement avait promis une institution de formation pour cette industrie en collaboration avec l’OTAM. Où en sommes-nous ?
Si vous faites référence à l’ICT Academy, non, ce n’est plus d’actualité. Les données ont changé depuis. Je vous ai donné quelques éléments de réponse plus tôt. Il faut bien comprendre que chaque sous-secteur de l’ICT/BPO a ses propres besoins en formation, et ils diffèrent en fonction des filières. Il peut donc y avoir des formations en masse dite générique et d’autre types de formations individuelles et là, à part le HRDC, on aurait pu se tourner vers les universités pour des formations plus poussées.
Est-ce qu’il va falloir, comme c’est déjà le cas dans beaucoup d’autres secteurs, faire appel massivement à de la main-d’œuvre étrangère ?
Cela fait plus de 10 ans que je tire la sonnette d’alarme concernant le recrutement de la main-d’œuvre étrangère, qui au fil du temps est devenu nécessaire. Le temps m’a donné raison et les autorités viennent de prendre la décision de faire appel à la main-d’œuvre étrangère pour les autres secteurs aussi. J’ai toujours dit oui à la main-d’œuvre étrangère, mais pas au détriment des Mauriciens qui restent avant tout notre force de frappe majeure. Si Maurice a de l’ambition, il faut agir et prendre des décisions stratégiques car aujourd’hui les entreprises doivent s’adapter encore plus rapidement qu’avant, notamment en réaction aux pressions du marché ainsi qu’en quête de meilleurs niveaux d’efficacité. Il est impératif de suivre le rythme du changement, mais qu’on sache le conduire aussi dans la bonne destination.
Avons-nous l’expertise nécessaire pour continuer à faire croître cette industrie ?
Aujourd’hui, on peut dire que nous avons l’expertise dans le domaine. Le nombre d’entreprises qui se distinguent, et pas n’importe lesquelles, prouve qu’avec le temps nous avons gagné en expérience, maturité, stabilité et professionnalisme. N’empêche que nous devrons toujours cravacher dur afin de garder notre niveau de compétence, voire développer plus et en gardant toujours la qualité de service. Je pense que les équipes opérationnelles sont bien organisées et répondent aux attentes, D’un autre côté, je pense aussi que les équipes managériales et surtout les ressources humaines ont un gros défi, car il ne faut pas oublier que ce secteur a un grand besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et abondante. L’humain est à la base de tout et souvent les responsables des entreprises l’oublient. Et là, nous avons devant nous un vaste chantier.
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