Depuis 15 ans, Kathak Rochana Lukea-Gopaul enseigne la magie du Kathak aux enfants dans son école de danse, Nrutya Naad. Artiste accomplie, elle partage avec Le Dimanche/L’Hebdo, son odyssée empreinte de grâce et de passion.
Lorsque ses pieds frappent le sol, faisant résonner les « ghungroos » (clochettes) avec une cadence hypnotique, et que son corps s’élance en des pirouettes vertigineuses, Rochana Lukea-Gopaul se transforme en un instrument vivant, vibrant au rythme d’une histoire millénaire. Le Kathak, explique cette artiste accomplie, est bien plus qu’une danse, « c’est une histoire racontée à travers le corps ».
Le terme Kathak puise ses racines dans le sanskrit « katha », signifiant histoire, et « kathakar », le conteur. Cette danse classique indienne est caractérisée par des « tatkaars » percutants, la mélodie des « ghungroos », des pirouettes gracieuses et une maîtrise corporelle absolue.
« Le Kathak est la narration par le mouvement : des gestes des mains aux frappes complexes des pieds en passant par la souplesse corporelle et les expressions faciales », précise la danseuse. C’est cet art qu’elle transmet aux élèves de son école de danse, Nrutya Naad, depuis 15 ans.
La clé pour une belle performance sur scène ? « Elle réside dans les yeux et les pieds », répond la danseuse de Kathak. Les yeux transmettent les émotions tandis que les pieds racontent l’histoire.
Le Kathak, dont les performances intègrent fréquemment des ghazals et des instruments introduits durant l’ère moghole, est la seule forme de danse classique indienne enrichie d’éléments persans, poursuit Rochana Lukea-Gopaul, qui est diplômée en art et chorégraphie avec un Master en Kathak. Le rythme est souvent marqué par une cadence rapide et s’appuie sur des cycles rythmiques appelés « taals ». Rochana Lukea-Gopaul nous emmène dans les villes indiennes emblématiques du Kathak : Jaipur, Banaras, et Lucknow : « Le style de Jaipur est renommé pour son travail des pieds, tandis que ceux de Banaras et de Lucknow se distinguent par leurs expressions faciales et mouvements gracieux des mains. »
Avec nostalgie, Rochana Lukea-Gopaul raconte que sa passion pour la danse a débuté à l’âge de cinq ans, lorsque « Madame Dabee » l’a initiée au Bharatanatyam. Issue d’une famille imprégnée des arts et des traditions, elle se souvient d’une enfance baignée dans les chants et danses folkloriques dites « Jhakri ». Ses parents lui ont transmis cette passion. Son père, comédien primé dans les années 1980, a également joué un rôle clé dans son éveil artistique.
C’est à l’âge de 11 ans, lorsqu’elle est admise au collège Hindu Girls, qu’elle a découvert le Kathak grâce à Raveeta Salick Peetumber, sa nouvelle enseignante de danse. « C’est avec elle que j’ai découvert une passion indéfectible pour cette danse classique », confie Rochana Lukea-Gopaul. Elle a rapidement intégré les cours privés de son enseignante, et a eu l’occasion de participer à des événements prestigieux, accédant à des scènes internationales notamment à la Réunion, en Chine et en Espagne.
Comprenant que le Kathak fait partie intégrante de sa vie, Rochana Lukea-Gopaul rejoint l’Indira Gandhi Centre for Indian Culture à Maurice où elle obtient son diplôme avec distinction. Sa quête de perfection la mène ensuite en Inde. Bénéficiaire d’une bourse du programme Indian Council for Cultural Relations, elle entreprend un Bachelor in Arts (B.A) en Histoire de l’art et chorégraphie à l’Institut de Kathak Natya à Bangalore, sous la direction de la légendaire danseuse indienne, Maya Rao.
Malgré son statut d’étudiante étrangère, Rochana Lukea-Gopaul se hisse au niveau des artistes locaux en Inde en se produisant dans des festivals prestigieux tels que le Festival du Karnataka et celui de Khajuraho. « Durant mes études en Inde, j’ai également exploré d’autres disciplines comme le Bharatanatyam, la danse contemporaine, le sitar et le yoga. » Rochana Lukea-Gopaul poursuit ensuite un Master en Kathak à l’Université de Pune, donnant des récitals solos et participant à des événements culturels comme le Festival de Shaniwar Vada.
En 2009, elle revient à Maurice et fonde la Nrutya Naad School of Dance. Initialement avec une dizaine d’élèves dans une petite salle à Glen-Park, son école de danse s’est rapidement développée pour compter, aujourd’hui, quatre branches à travers l’île, encadrant plus de 75 élèves de 5 à 40 ans. Rochana Lukea-Gopaul donne des cours hebdomadaires à Quatre-Bornes, Rivière-Noire et Glen-Park. Parmi ses élèves, on retrouve de nombreuses femmes et filles qui découvrent non seulement le Kathak mais aussi des danses folkloriques comme le Garba, le Dandiya, le Jhakri ainsi que les styles classiques Bollywood et contemporains.
En classe, elle transmet bien plus qu’une technique. Elle offre une véritable évasion vers un art où la beauté et l’émotion se rencontrent à chaque pas. Transmettre cet art ancestral à ses élèves est une source profonde de satisfaction pour elle. « J’aime partager ma passion avec la communauté. » Elle reconnaît que devenir enseignante de Kathak exige un dévouement total. Cependant, la récompense est immense, car enseigner cette forme de danse, c’est aussi renforcer la confiance en soi, cultiver l’art de la performance et créer des connexions humaines. En tant qu’enseignante de Kathak, Rochana Lukea-Gopaul se dit fière d’être le maillon d’une chaîne de transmission. « Nous apprenons de nos enseignantes et nous passons le flambeau à nos élèves, qui, à leur tour, pourront devenir des enseignantes. Il y a quelque chose de profondément gratifiant dans cette transmission d’un savoir et d’un art », affirme-t-elle.
Sur le plan physique, le Kathak est une forme d’exercice complète, tandis que sur le plan émotionnel, cette forme de danse classique enseigne des compétences essentielles telles que la persévérance, la responsabilité et la communication. « En dansant ensemble, les élèves apprennent à mieux se comprendre, eux-mêmes et les autres. La danse est un moteur de croissance cognitive. Elle impacte globalement le corps et l’esprit. »
Pour Rochana Lukea-Gopaul, « à travers la danse, nous créons des connexions, développons la confiance et acceptons notre vulnérabilité. Lorsqu’une danseuse de Kathak monte sur scène, on voit son courage, sa croissance personnelle et comment cela influencera son avenir ». C’est pourquoi elle encourage ses élèves à se produire sur scène, car cette expérience leur apprend à travailler en équipe, à développer leur créativité, leur langage corporel et leur concentration.
Affectueusement surnommée « Taayi » par ses élèves, la danseuse a su faire de son école, une institution reconnue pour l’excellence de ses performances. Que ce soit lors de spectacles nationaux ou d’émissions de télévision, les élèves de Nrutya Naad ont toujours livré des performances saluées pour leur rigueur et leur perfection.
Malgré les défis, notamment le manque de lieux adaptés et la difficulté à susciter l’intérêt pour le Kathak face à la popularité de la danse Bollywood ou encore les contraintes financières liées à l’organisation de spectacles, Rochana Lukea-Gopaul reste déterminée à promouvoir la danse classique indienne à Maurice. Son engagement ne se limite pas à la technique ; elle vise à former des danseuses disciplinées, motivées, créatives, capables de concilier passion artistique et vie quotidienne.
Aujourd'hui, Rochana Lukea-Gopaul continue à développer Nrutya Naad School of Dance, avec l’ambition de propager l’amour du Kathak sans limites. Elle exprime sa gratitude envers ses élèves, leurs parents et ses bienfaiteurs pour le soutien indéfectible qu’ils lui ont apporté durant les 15 dernières années. « Mon rêve est de voir les arts s’épanouir et de sensibiliser la société mauricienne à l’importance de la culture », dit-elle.
Chorégraphe accomplie
Rochana Lukea-Gopaul travaille régulièrement sur des spectacles pour des programmes variés, y compris à l’échelle nationale. Collaborant avec des groupes de danseurs à travers l’île, elle a aussi eu l’opportunité de travailler avec des artistes internationaux, ce qui a perfectionné ses compétences. Rochana Lukea-Gopaul a dirigé des productions artistiques impliquant jusqu’à 100 artistes simultanément et elle a supervisé l’intégralité des aspects créatifs, de l’écriture des scripts à la conception des costumes, en passant par la gestion des artistes et la mise en scène. Son expertise s’étend également aux ballets de danse classique et contemporaine où elle a orchestré chaque détail technique, artistique et organisationnel. Son esprit flexible et innovant ainsi que sa connaissance approfondie de divers styles de danse, de musique et de théâtre, lui permettent d’exceller dans ses entreprises créatives.
Bien plus qu’une passion, un parcours personnel
À travers les années, et les défis, le Kathak a transformé la vie de nombreux danseurs et danseuses, en offrant bien plus que des mouvements gracieux sur scène. Cette danse a enrichi leur développement personnel, leur confiance en eux et leur bien-être général. Des élèves de la Nrutya Naad School of Dance se confient à Le Dimanche/L’Hebdo.
Rachna Goorwapa apprend le Kathak depuis qu’elle a 4 ans à la Nrutya Naad School of Dance. Au fil de ces 11 années, le Kathak est devenu une partie intégrante de sa vie. « Je suis de nature introvertie. Apprendre le Kathak m’a permis de sortir progressivement de ma timidité. Cette pratique artistique a également contribué à mon développement personnel en me rendant plus courageuse et audacieuse dans ma vie quotidienne », confie-t-elle.
Le Kathak, explique Rachna Goorwapa, est, pour elle, bien plus qu’une passion. « C’est une source d’expression profonde. Cette danse me réconforte lorsque je suis triste, me calme lorsque je suis en colère et me dynamise lorsque je suis heureuse », dit-elle, avec le sourire. Cela l’aide également à se concentrer sur ses études. « Danser améliore ma capacité à travailler en équipe et à coordonner mes efforts avec mes amies », ajoute-t-elle. Sans le Kathak, souligne Rachna Goorwapa, elle ne serait pas la personne qu’elle est aujourd’hui. Elle exprime sa profonde gratitude envers son mentor Rochana Lukea-Gopaul, qui a joué un rôle crucial dans son voyage artistique et personnel.
Élève à la branche de Rivière-Noire de la Nrutya Naad School of Dance depuis 12 ans, Nishi Luximon partage également son expérience. « Le Kathak m’a appris la discipline en matière de timing et de synchronisation avec les mouvements des autres danseuses. J’ai aussi appris la persévérance et le dévouement, ce qui a amélioré mes capacités à évoluer en tant que danseuse, mais aussi en tant que personne », dit-elle. Pour elle, la condition physique est essentielle. Ainsi, le Kathak l’aide à maintenir la forme tout en lui permettant d’évacuer le stress quotidien.
C’est à l’âge de 4 ans que Toshika Purahoo a commencé à apprendre le Kathak à la Nrutya Naad School of Dance. Aujourd’hui âgée de 11 ans, elle est un rayon de soleil à chaque performance sur scène, dotée d’une élégance naturelle. À Le Dimanche/L’Hebdo, elle exprime sa joie d’apprendre le Kathak, l’une des neuf grandes formes de danse classique indienne. « Le Kathak m’a toujours passionnée. En conséquence, j’ai persévéré et j’ai développé une certaine élégance, devenant plus gracieuse dans mes mouvements et dans l’exécution de pas complexes au fil du temps », indique-t-elle.
Toshika Purahoo aime particulièrement le fait que le Kathak lui permet de s’exprimer à travers les gestes et les expressions faciales. Elle aime aussi porter des accessoires tels que les « ghungroos » et des tenues spécifiques. « Je suis particulièrement heureuse lorsque la période festive approche et que je peux danser lors des cérémonies religieuses », sourit-elle.
À Le Dimanche/L’Hebdo, Kenisha Mohesswa confie que le Kathak a développé de nouvelles compétences en elle. « En apprenant cette danse classique, je me suis fait de nouvelles amies et j’ai pu participer à divers événements », ajoute-t-elle. De plus, l’apprentissage du Kathak a renforcé sa confiance, a consolidé son estime de soi et l’a aidée à découvrir son potentiel artistique. « Je suis convaincue que dans le futur, le Kathak apportera une touche de positivité dans ma vie », dit-elle.
Priya M., quant à elle, soutient que l’apprentissage du Kathak nécessite beaucoup de concentration et de dévouement. « Les pas de danse et les gestes des mains étaient très difficiles au début, mais avec le temps et la patience, je m’améliore dans la coordination de la posture, la mémorisation des séquences de danse et des rythmes, et je continue de progresser. »
Elle ajoute que le Kathak l’aide à évacuer le stress lié à son travail et que c’est une manière de se détendre et une forme d’exercice bénéfique pour la santé. « Le Kathak a eu un impact positif sur ma vie personnelle en renforçant ma confiance en moi et en me permettant de découvrir l’aspect culturel de cette danse classique. Je considère le Kathak comme une forme d’art magnifique et profonde et j’apprécie l’expérience et l’accomplissement d’apprendre cette danse classique », raconte-t-elle.
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