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Rendre le permis à points plus efficace

Navin Ramgoolam avait annoncé la réintroduction du permis à point la semaine dernière au Parlement.

Le Premier ministre Navin Ramgoolam a confirmé que le gouvernement compte réintroduire le permis à points. Celui-ci avait été supprimé par le précédent gouvernement. Cette annonce a été faite en réponse à une question du député Franco Quirin. L’objectif est clair : renforcer la sécurité routière face à l’augmentation des accidents, dont ceux qui impliquent des conducteurs qui sont drogués. Comment s’assurer que cette mesure soit plus efficace qu’auparavant ?

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Mal nécessaire

Le permis à points est perçu comme un outil essentiel pour améliorer la sécurité routière et pour modifier le comportement des conducteurs. Pour Barlen Munusami, expert en sécurité routière, ce système, bien que perçu comme une contrainte, est une nécessité pour instaurer une meilleure discipline sur les routes locales.

« Dans de nombreux pays européens qui ont fait des progrès en matière de sécurité routière, le permis à points a montré son efficacité. Ce système associe le permis de conduire à un compteur de points », dit-il. Il poursuit que chaque infraction entraîne une perte de points, rendant la sanction plus personnelle et incitant le conducteur à changer d’attitude.

Récupération des points

Toutefois, il explique que la mise en place de ce système à Maurice en 2013 comportait de grandes lacunes, dont l’absence d’un stage de récupération de points. « Un stage de récupération permettrait aux conducteurs d’éviter la disqualification de leur permis en réapprenant les bases d’une conduite responsable. Il faut que ceux qui ont quelques points au compteur puissent avoir une formation en vue de récupérer quelques points. Sinon, il y a un problème. Par exemple pour les chauffeurs de camion, la disqualification peut avoir des conséquences économiques graves », fait-il observer. 

Barlen Munusami soutient que le système initial du permis à points met sur le même plan les infractions mineures et celles qui sont graves comme la conduite dangereuse. Ce qui est aussi le cas avec les Cumulative Road Traffic Offenses.  

« Depuis son introduction en 2015, le système de cumulative offenses a été modifié plusieurs fois. Au départ, onze infractions en vingt-quatre mois entraînaient une suspension. En 2018, le seuil a été réduit à cinq infractions. Puis, il est passé à quatre en 2023. En juin 2024, la liste des infractions est passée de onze à vingt-trois. » 

Selon lui, il faut que les offenses graves soient sanctionnées immédiatement. Il ajoute que si le système actuel est plus strict que le permis à points, il demeure silencieux. « Avec un permis à points bien conçu, chaque conducteur connaîtrait clairement l’état de son permis et sera plus incité à adopter un comportement responsable. »

L’expert en sécurité routière indique que pour être efficace, la réintroduction du permis à points devrait s’appuyer sur une concertation avec des experts et des acteurs concernés. « Un bon système de points doit sanctionner uniquement les conducteurs irresponsables, sans punir inutilement ceux qui ont une bonne conduite. Il doit être accompagné de mesures ciblant le comportement et l’attitude des usagers de la route. » Selon lui, le permis à points n’est pas une « solution miracle », mais il peut significativement contribuer à la sécurité routière. 

Pour Alain Jeannot, président de Prévention routière avant tout, il est essentiel d’analyser les failles du système précédent. « Il n’avait pas fait l’unanimité et son application était lourde », explique-t-il. 

Plus d’efficacité

Pour lui, l’efficacité du système dépend en grande partie de son rapport avec la réalité mauricienne. Il estime que pour l’améliorer, il est essentiel d’analyser ses faiblesses initiales et de comprendre pourquoi il n’a pas fait l’unanimité au départ. « Le permis à points a été décrié, car son application était trop lourde. Il faut éliminer les aspects qui compliquent son exécution et veiller à ce qu’il corresponde à nos spécificités locales », avance-t-il.

Parmi les infractions courantes à Maurice, certaines sont particulièrement dangereuses, comme les dépassements hasardeux. « 78 % des accidents sont liés à des dépassements imprudents. Il est crucial de prendre en compte ces réalités et de renforcer la dissuasion. » 

Cependant, si le permis à points a déjà fait ses preuves comme outil de prévention dans plusieurs pays, il ne constitue pas une solution miracle. « Certains pays comme l’Afrique du Sud et la Malaisie ont un permis à points, mais enregistrent toujours un taux de mortalité routière élevé – soit de 25 décès pour 100 000 habitants en Afrique du Sud. À Maurice, il est de 11,5 pour 100 000 habitants », met en avant notre interlocuteur. 

Pour Alain Jeannot, la réussite du permis à points passe par une meilleure communication et une prise en compte des différents facteurs contribuant à l’insécurité routière. « Le système a souffert d’un manque de communication et d’une mauvaise infrastructure. Qui doit être tenu responsable des routes mal entretenues, des marquages effacés, des feux de signalisation défaillants ? » demande-t-il. 

Cadre plus large 

Il fait observer que la congestion routière engendre également du stress et de l’agressivité chez les usagers. Car la flotte de véhicules est en constante augmentation. Selon lui, la mise en place du permis à points doit s’inscrire dans un cadre plus large, comprenant une amélioration des infrastructures et un renforcement de la surveillance. « Il est primordial de multiplier les caméras de surveillance et d’identifier les zones à risque. Maurice compte environ 300 km de routes, il est possible de mieux cibler les interventions. »

Un autre point essentiel : la prise en compte des deux-roues. « Il faut encourager l’utilisation d’autres moyens de transport et mener des campagnes de sensibilisation sur le dépassement. Jusqu’à présent, aucune campagne d’envergure n’a été organisée sur ce sujet. »

Alain Jeannot plaide pour une consultation à grande échelle et une approche globale pour intégrer le permis à points dans un système de sécurité routière cohérent. « Le permis à points est une mesure efficace qui a fait ses preuves ailleurs, mais son efficacité repose sur un ensemble de facteurs. Si l’on ne prend pas en compte tous ces aspects, on risque d’en limiter la portée », conclut-il.

Structure et efficacité

Manoj Rajkumar, président de la fédération des moniteurs d’autoécoles, accueille favorablement l’idée du permis à points. Cependant, il insiste sur la nécessité d’une structure bien définie afin d’assurer son efficacité.

Selon lui, il est primordial de catégoriser les infractions en fonction de leur gravité et d’accorder des points en conséquence. « Certaines infractions ne devraient pas être incluses dans le système de pénalités, tandis que les fautes graves, comme la conduite en état d’ébriété ou les délits majeurs, devraient entraîner une suspension immédiate du permis », estime-t-il. 

Mesures d’accompagnement 

Il poursuit que pour les autres infractions, un système de points permettrait de sanctionner les comportements à risque sans pour autant provoquer une perte automatique du permis. Toutefois, il précise qu’il est essentiel que ce système soit accompagné de mesures d’accompagnement et de rééducation.

Il plaide pour l’instauration d’organismes spécialisés capables de prendre en charge les conducteurs sanctionnés. 

« Ceux qui perdent leur permis devraient suivre une formation dans des écoles agréées afin de pouvoir le récupérer. Cette formation inclurait un certain nombre d’heures de rééducation, suivies d’un test de compétences pour s’assurer d’une réelle amélioration du comportement routier », recommande-t-il. 

De plus, il met en avant l’importance d’une formation psychologique pour aider les conducteurs à changer leur attitude sur la route. Une fois cette étape franchie, ils pourraient alors repasser un examen et récupérer leur permis dans de meilleures conditions.

 

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