Réforme des pensions : quand le gouvernement se contredit

cab En 2016, il avait été question d’introduire le ciblage de la pension.

Étienne Sinatambou assure qu’il n’a jamais été question que le gouvernement touche à la pension universelle. Or, Pravind Jugnauth lui-même affirmait le contraire en 2016 et les procédures avaient déjà été enclenchées dans le budget de la Sécurité sociale.

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En 2016, alors que Pravind Jugnauth venait tout juste de retrouver sa place au Cabinet comme ministre des Finances, blanchi dans l’affaire MedPoint, la question de ciblage de la pension universelle était bel et bien prise au sérieux. Le ministre des Finances avait lui-même donné le La lors d’une fonction dans sa propre circonscription, à Saint-Pierre. Sauf que la récente polémique entre le syndicaliste Rashid Imrith et le ministre de la Sécurité sociale, Étienne Sinatambou, sur les ondes de Radio Plus durant le week-end indiquent clairement que le gouvernement a changé son fusil d’épaule. D’ailleurs, c’est depuis l’accession de ce dernier à ce fauteuil que le comité technique ne se réunit plus. La dernière réunion a eu lieu en mars 2017.

C’est le 25 juin 2016 que Pravind Jugnauth semble lancer un ballon sonde lors d’une fonction officielle à Saint-Pierre en faisant la déclaration suivante : « Concernant la Basic Retirement Pension, ceux qui touchaient Rs 100 000, Rs 200 000 par mois touchent également la pension de vieillesse de Rs 5 000. Est-ce un bon système ? Est-ce un système juste ? Je vous demande de réfléchir là-dessus. »

Gradation

Suivit alors dans le budget, quelques mois plus tard, la création d’un High Powered Committee composé de plusieurs ministres pour « look into the issue, hold wide consultations and come up with recommendations. » C’est ce comité qui a mis sur pied le comité technique qui a recommandé la gradation de la pension et le recul de la pension à 65 ans, entre autres. Pravind Jugnauth, dans son discours du Budget, justifiait cette décision : « Ageing population is putting significant pressure on the pension system. Today, there are six employees to support a pensioner and by 2030, there will be only 3. This is a challenge that we cannot ignore. »

Il est également un fait que le ministère des Finances se préparait déjà à cette réforme avant même la présentation du Budget. Pour l’année financière 2015-2016, le ministère de la Sécurité sociale affichait un budget supplémentaire de Rs 1 milliard, dont Rs 715 millions attribuées pour mener à bien une réforme de la pension universelle. C’est encore Pravind Jugnauth qui le confirme lors d’un discours prononcé à l’Assemblée nationale pour expliquer les dépenses supplémentaires de 2015-2016 : « Budgetary provision for the Ministry of Social Security was made on the basis that certain pension reform measures would be implemented in the course of the year based on a study carried out by the IMF. »

Le Secrétaire financier, Dev Manraj, rendait les choses plus explicites dans une déclaration au Défi Quotidien dans son édition du 6 juillet 2016 : «  Ces dépenses supplémentaires ne concernaient pas que le passage de l’âge de pension à 65 ans, mais l’ensemble des mesures. » Toutefois, une deuxième source des Finances confirmait qu’il s’agissait principalement de la pension de vieillesse, basé sur les recommandations du Fonds monétaire international dans son rapport intitulé Pension Reforms in Mauritius : Fair and Fast - Balancing Social Protection and Fiscal Sustainability. Il était alors encore question d’appliquer les recommandations du rapport.

Sauf qu’après le déni total d’Étienne Sinatambou durant le week-end, une source de l’Hôtel du gouvernement indique également que la volte-face doit aussi s’étendre au Premier ministre et à tout son gouvernement : « Ce qu’il a pu dire à Saint-Pierre à l’époque pouvait refléter son opinion, mais je peux vous confirmer qu’à l’heure actuelle, il n’est pas question de toucher à la pension universelle. »

La réforme de la pension est donc un projet mort-né. D’ailleurs, la dernière réunion du comité technique remonte à plus d’un an. Ce qui a poussé l’un des membres, l’économiste Pierre Dinan, à démissionner. En septembre 2017, Bojrazsingh Boyramboli, alors Permanent Secretary (PS) du ministère de la Sécurité sociale et président du comité technique, expliquait au Défi Quotidien : « Le comité technique n’est pas enterré. Nous ne nous réunissons pas, car il y a un travail de recherche qui est mené sur les best practices à travers le monde. » Un travail effectué, disait-il, par des techniciens qui devaient soumettre un rapport permettant de guider le comité technique. Après un an, personne n’a jusqu’ici entendu parler de ces techniciens, personne ne les a rencontrés et leurs conclusions demeurent inconnues.

La prochaine réunion du comité, prévue le 22 mai, devrait confirmer le rejet définitif de la réforme des pensions. Sur les ondes de Radio Plus, dimanche 13 mai, Étienne Sinatambou a annoncé la couleur : il va demander au comité de tout réévaluer en se basant sur plusieurs scenarios de croissance économique. Une intervention conclue par la déclaration suivante : « Le gouvernement de Pravind Jugnauth n’est pas d’accord qu’on touche à le pension des gens modestes. »

 

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