Interview

Rashid Imrith, syndicaliste : «Chacun perdra Rs 327 000 si la retraite passe à 65 ans»

Les consultations pré-budgétaires sont dominées par la politique fiscale dans le camp des syndicats comme dans le celui des patrons. Les négociations pour le salaire minimal et la réforme de la pension complètent le tableau des enjeux. Rashid Imrith jette un éclairage sur ces sujets.

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« Il est inacceptable qu’un citoyen doive quémander sa pension de vieillesse qui est, somme toute, son dû. »

Comment se sont déroulées les consultations pré-budgétaires avec le Premier ministre ?
Cette année, Pravind Jugnauth a opté pour des discussions bipartites au lieu de tripartites. Il nous a donné l’impression qu’il nous écoutait attentivement. Il consultait même ses collaborateurs pendant l’exercice. Comme dit le dicton, c’est à l’œuvre qu’on connaît l’artisan. On jugera Pravind Jugnauth tout comme on juge l’arbre à ses fruits. Le lendemain de la réunion, le chef du Cabinet du ministère des Finances m’a informé qu’il a reçu l’instruction de tenir une réunion cette semaine pour trouver une solution au problème lié à la pension de ceux recrutés après décembre 2012.

Les syndicats réclament l’élimination de la taxe pour ceux qui perçoivent jusqu’à Rs 30 000 par mois. Pourquoi avoir proposé ce chiffre en particulier ?
Durant les dernières décennies, la politique des différents gouvernements a été de soulager ceux ayant des revenus mirobolants, en rabaissant, par exemple, le taux de taxation de 70 % à 15 %. Pour ceux au bas de l’échelle, une politique d’équité a été mise en place, même si cette voie n’a pas été une grande réussite. En revanche, la classe moyenne s’est appauvrie. Beaucoup ont rejoint la classe pauvre. Ils ne reçoivent aucun soutien de l’État.

La plupart se sont endettés jusqu’au cou soit pour la construction de leur maison, soit pour financer les études de leurs enfants. Nous nous attendions à ce que le gouvernement prenne cela en considération. Il ne faut pas sous-estimer la classe moyenne. La politique fiscale est un moyen de soulager cette classe en souffrance.

La solution idéale pour davantage de justice sociale ne serait-elle pas l’abolition des impôts uniformes pour plusieurs tranches d’imposition ?
Nous avons proposé 3 Tax Bands : 5 %, 10 % et 15 %.

La Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI) réclame une « Corporate Tax » de 12  %, un taux inférieur à celui de la taxe payée par les individus. Votre avis ?
La Corporate Tax a été ramenée de 25 % à 22,5 % en 2006 et de 22,5 % à 15 % le 1er juillet 2007.  Cela représente un manque à gagner annuel de Rs 730 millions pour l’État. Si le gouvernement accède à la requête de la MCCI, le secteur privé bénéficiera de Rs 940 millions annuellement.

Il y a un lobby pour que les fonds du Corporate Social Responsibility (CSR) puissent aussi aller vers les syndicats. Le CSR ne serait-il pas mieux utilisé pour des projets sociaux ?
Les syndicats devront pouvoir bénéficier de ce fonds pour les besoins de formation des membres et de projets d’entraide. Mais aucune ficelle ne doit être attachée à ce projet.

Le Premier ministre a plusieurs fois parlé de la nécessité de revoir la pension de vieillesse. Qu’attendez-vous dans le prochain Budget ?
Il y a cette crainte que le gouvernement utilise le Finance Bill pour apporter des amendements au plan de pension, comme cela a été le cas en décembre 2012. Cette année-là, des modifications majeures avaient été apportées par l’Assemblée nationale sans qu’il n’y ait de débats, privant d’une pension les employés intégrant la Fonction publique à compter de janvier 2013.

Nous avons soulevé la question avec le Premier ministre quand nous l’avons rencontré le mardi 2 mai. Nous exigeons que tous les partis politiques, représentés à l’Assemblée nationale, puissent s’exprimer. C’est un débat purement politique.

Je vous rappelle que le ciblage de la pension de vieillesse était en vigueur jusqu’en 1976. Les gens voulant bénéficier de la pension devaient prouver leur pauvreté aux officiers de l’assistance publique. C’est à la suite d’une décision de sir Seewoosagur Ramgoolam, en 1976, que la pension de vieillesse est devenue universelle. Il y a bel et bien eu une tentative de réintroduire le ciblage en 2004. Cela a coûté cher au gouvernement d’alors.

Vous faites partie du comité qui travaille sur la réforme du système de pension. Arriverons-nous à obtenir une entente entre les syndicats, les patrons et le gouvernement ?
Il y a le High-Level Committee, composé notamment de sept ministres, qui a été mis sur pied par le Cabinet des ministres avec trois attributions. Le premier rôle de ce comité est d’examiner le système de pension. Il est aussi chargé de trouver le moyen d’améliorer la pension contributive des employés du secteur privé. Le comité est également tenu de conseiller sur la viabilité de notre système de pension.

Puis il y a le comité technique, une émanation du High-Level Committee, chargée de le conseiller. À ce jour, aucun ministre du comité ne s’est prononcé sur la réforme de la pension de vieillesse. Nous avons l’impression qu’ils ont laissé le soin aux fonctionnaires qui siègent au comité technique de le faire.

Soit on va vers le paiement de la pension de vieillesse à 65 ans au lieu de 60 ans ou on opte pour une réduction considérable du quantum de la pension. Les représentants du gouvernement et ceux du patronat semblent être sur la même longueur d’onde. Les syndicalistes, eux, prônent le statu quo. Le paiement de la pension de vieillesse à 55 ans pour certains a aussi été évoquée par les syndicalistes.

Nous maintenons que la pension de vieillesse est contributive. Chaque citoyen, dès sa naissance, paie la Taxe sur la valeur ajoutée de 15 % à l’État et la contribution va au Consolidated Fund. C’est un vol si le gouvernement repousse l’âge de la retraite à 65 ans. Chaque citoyen se verra voler Rs 327 000. C’est faux de dire que la pension de vieillesse est payée du National Pension Fund. Nous pensons qu’il est inacceptable qu’un citoyen doive quémander sa pension de vieillesse qui est, somme toute, son dû.

Le salaire minimal est aussi au cœur des débats depuis plusieurs mois. Quelle a été l’attitude du Premier ministre sur le sujet quand vous l’avez rencontré ?
La question n’a pas été soulevée.

Les relations entre les syndicats et le président du National Wage Consultative Council, Beejaye Appanah, sont-elles toujours aussi tendues ?
Un froid et un sentiment de méfiance se sont installés entre les membres du conseil et Beejaye Appanah lorsque ce dernier a donné l’impression qu’il avait déjà opté pour une fourchette de Rs 7 500 à Rs 8 000 comme montant pour le salaire minimal. Personne ne comprenait comment un salarié pourrait vivre décemment avec de tels revenus quand, dans la pratique, on dépense en moyenne Rs 18 000 à Rs 20 000 par mois. Quand le président du NWCC a compris qu’un malaise s’était installé, il s’est vite rattrapé.

L’objectif de l’introduction du salaire minimal en janvier 2018 sera-t-il atteint selon vous ?
Il faut que chacun joue le jeu. Nous nous attendons à ce que chaque comité termine ses délibérations et que tous les partis politiques, y compris ceux au pouvoir, proposent leurs points de vue et leurs chiffres. Il faut aussi développer une formule en vue de compenser ceux qui subiront une Disturbance in Salary Relativities avec l’introduction du salaire minimal. Si on donne les ressources nécessaires au conseil, je suis convaincu qu’on respectera le délai imparti et que le salaire minimal deviendra une réalité en janvier 2018.

 

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