Le bureau de l’Ombudsperson for Children a lancé son rapport annuel 2022-23 hier. Celui-ci met l’accent sur une approche inclusive pour les enfants en situation de handicap, tout en mettant en lumière les conséquences directes du changement climatique sur les enfants.
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Malgré le soutien financier de l’État, les enfants en situation de handicap sont encore trop en marge du système éducatif. Rita Venkatasawmy constate le manque d’utilisation optimale des équipements et des matériels pédagogiques spécialisés dans les écoles spécialisées.
Ce n’est pas tout. L’Ombudsperson for Children constate qu’« un modèle de salle de classe traditionnelle est encore largement utilisé dans de nombreuses institutions SEN (Special Education Needs), regroupant des enfants de différents âges dans la même classe, avec le même programme de travail ».
Elle intervenait hier, au Caudan Arts Centre, dans le cadre de la présentation du dernier rapport 2022-23 de l’Ombudsperson for Children, intitulé « Cultiver l’amour de la nature chez chaque enfant de la République de Maurice », dont les thèmes centraux sont la protection des droits des enfants à l’éducation inclusive et face au changement climatique. Rita Venkatasawmy souligne que ces enfants ont peu d’occasions d’interagir avec leurs pairs sans handicap, car la plupart des structures d’accueil et d’éducation à Maurice et à Rodrigues ne sont pas préparées à les recevoir. Elle pointe du doigt le manque de formation des enseignants, l’inadaptation de l’infrastructure et la résistance du personnel et des parents. « Leur ségrégation affecte leur développement, leurs compétences en socialisation et leur estime de soi », affirme-t-elle.
Pour remédier à cette situation, elle appelle à une transformation progressive des unités intégrées existantes dans les écoles en classes inclusives, dotées de ressources financières, de personnel et de matériel adéquats. Elle plaide également pour une formation obligatoire de tous les enseignants aux besoins éducatifs spéciaux.
Faisant référence à un document publié par le METEST (2017) intitulé « Education inclusive pour les enfants et les jeunes ayant des besoins spéciaux à Maurice : du concept à la réalité », Rita Venkatasawmy estime que l’éducation inclusive peut révolutionner la façon de voir le handicap. Elle y voit une opportunité de passer d’un modèle médical qui réduit les personnes handicapées à leurs déficiences à un modèle des droits de l’homme qui reconnaît leur dignité et leur potentiel. Mais pour que cette politique soit efficace, il faut changer le regard porté sur le handicap et les besoins éducatifs spéciaux, insiste-t-elle. « Les enfants en situation de handicap ne doivent pas être considérés comme ‘moins capables’ ou traités comme des victimes souffrant de leurs déficiences, mais plutôt comme des individus ayant des droits. »
Pour favoriser l’inclusion scolaire, Rita Venkatasawmy propose de transformer les écoles spécialisées en centres régionaux. Ces centres auraient pour mission de fournir un soutien spécialisé aux écoles ordinaires qui accueilleraient les enfants ayant des besoins spécifiques. Elle demande aussi une réforme juridique pour protéger le droit à l’éducation de ces enfants. Elle insiste sur la nécessité d’investir dans l’infrastructure des écoles existantes et de construire de nouvelles écoles adaptées aux besoins de tous les élèves. Elle espère ainsi créer un environnement scolaire inclusif et respectueux de la diversité.
Incidents dans des crèches : « Les bébés ont des droits »
L’Ombudsperson for Children a également réagi aux incidents survenus dans des crèches et aux descentes du ministère de l’Égalité des genres et de la police qui ont obligé plusieurs crèches illégales à fermer leurs portes. « Les bébés ont des droits, et il est inadmissible que des crèches illégales fonctionnent à Maurice. Il est indispensable de faire appliquer les normes, et je félicite le travail de la police et du ministère de l’Égalité. Il faut multiplier les opérations. Le bureau de l’Ombudsperson peut aussi veiller à ce que les crèches agissent dans l’intérêt supérieur des enfants », souligne Rita Venkatasawmy.
Changement climatique : appel à la mobilisation collective
L’Unicef a qualifié la crise climatique comme la « crise des droits de l’enfant », rappelle Rita Venkatasawmy. Afin de mieux en comprendre l’impact sur la vie quotidienne des enfants à Maurice, elle propose, dans le rapport annuel, des fiches d’information qui pourraient être utilisées par les parents, les éducateurs et d’autres intervenants travaillant avec les enfants pour développer le vocabulaire de ces derniers. Des informations sur différents organismes gouvernementaux locaux et des ONG concernées par le changement climatique sont également fournies, ainsi que des recommandations basées sur les droits de l’enfant pour agir contre les effets néfastes du changement climatique au niveau local. Elle appelle à une mobilisation collective pour le bien-être des enfants. Elle insiste sur la nécessité d’une approche participative, d’un réseautage efficace et d’une formation approfondie des personnes travaillant avec les enfants. « Ce sont des composantes essentielles pour protéger les enfants contre toute forme de préjudice », affirme-t-elle.
Rita Venkatasawmy: « On ne peut rien atteindre en solo »
À l’issue de la présentation du rapport, Rita Venkatasawmy s’est adressée à la presse. Elle s’est appesantie sur les enfants en situation de handicap et leur droit à l’éducation inclusive. « Beaucoup de progrès ont été accomplis, notamment avec la création de la SENA, qui a apporté de l’ordre dans l’éducation spécialisée. Cependant, la bataille pour l’inclusion doit encore être remportée à Maurice. Nous devons passer d’un modèle médical à un modèle axé sur les droits de l’homme, en respectant les droits fondamentaux. Les barrières sont en train d’être levées. Il est essentiel de comprendre que les enfants en situation de handicap ne sont pas des malades, mais des individus ayant des droits et le droit à une éducation de qualité. Nous insistons sur ce point », déclare-t-elle.
Rita Venkatasawmy ajoute que le travail en réseau est également crucial. « À Maurice, de nombreuses instances travaillent pour les enfants, notamment la SENA, le NCC, les écoles, les collèges, et bien d’autres. Ce que je trouve essentiel, c’est d’améliorer la qualité des services en travaillant en réseau. J’ai réalisé qu’on ne peut rien accomplir en solo. Si nous ne travaillons pas ensemble, l’intérêt supérieur des enfants sera en péril », s’exclame-t-elle.
Concernant le changement climatique, l’Ombudsperson for Children rappelle que même si Maurice émet peu de gaz à effet de serre, il est touché par les changements climatiques. « Il est crucial de comprendre comment ces changements affectent les enfants, notamment avec des phénomènes comme les inondations soudaines qui empêchent parfois les enfants d’aller à l’école. Nous devons repenser nos écoles, les rendre plus aérées et adaptées aux hausses de température qui peuvent affecter la concentration des élèves. Les crèches et les droits des bébés doivent également être pris en compte », estime-t-elle.
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