Le paysage politique s'apprête à subir des transformations importantes avec l'adoption des recommandations émises par l’Electoral Boundaries Commission (EBC) et qui ont été adoptées au Parlement en décembre 2023. Une série de recommandations avait aussi été faites par divers acteurs de la scène politiuqe au moment des consultations. En effet, afin de garantir une prise de décision éclairée, l’EBC avait organisé des audiences publiques, au cours desquelles 35 individus ont témoigné, représentant tant leurs propres opinions que celles des organisations qu'ils représentaient.
Publicité
Augmentation du nombre de circonscriptions
Parmi les principales recommandations de la Commission, on note l'augmentation du nombre de circonscriptions à Maurice. Cette mesure vise à mieux refléter la diversité et la complexité des enjeux locaux, offrant ainsi aux citoyens une représentation plus précise de leurs intérêts au sein de l'Assemblée nationale.
Fusion des circonscriptions
Une autre proposition importante consiste en la fusion de certaines circonscriptions afin de créer de nouvelles entités électorales. L’esprit de cette démarche consistait à contribuer à une meilleure efficacité dans la représentation politique, tout en tenant compte des changements démographiques et des dynamiques socio-économiques dans certaines régions.
La question de l'inégalité chez le nombre des électeurs
Les ajustements proposés visent à garantir une représentation plus équitable, en veillant à ce que chaque citoyen ait une voix égale dans le processus démocratique.
Inclusion et suppression de certaines circonscriptions
Par ailleurs, la Commission a examiné attentivement l'inclusion ou la suppression de certaines localités d'une circonscription à une autre. Ces ajustements territoriaux sont conçus pour refléter au mieux les besoins et les préoccupations spécifiques des communautés locales, cela afin de consolider le lien entre les électeurs et leurs représentants.
Trois élus pour Rodrigues
Enfin, une recommandation phare concernait l'augmentation du nombre de représentants de Rodrigues à l'Assemblée nationale, passant de deux à trois. Cette mesure vise à renforcer la représentation de cette région spécifique, tenant compte de sa diversité culturelle et de ses enjeux particuliers.
L'avis de deux constitutionnalistes
Datant de trois ans, le rapport de l'Electoral Boundaries Commission (EBC) préconise des modifications significatives dans la délimitation de plusieurs circonscriptions. Les délais prescrit pour la concrétisation des recommandations lors d’une année électorale suscitent en effet des préoccupations profondes au sein de l'opposition, qu'elle soit représentée au Parlement ou en dehors de celui-ci. La principale critique des membres de l'opposition réside dans le fait que le rapport, préparé et rendu public il y a trois ans, a été présenté au Parlement de manière discrète par le gouvernement. Des incertitudes planent quant à l'idée que l'application de ce redécoupage électoral pourrait favoriser le Mouvement socialiste militant (MSM) et ses alliés, étant donné que le gouvernement, en particulier le Premier ministre, a le pouvoir de décider du calendrier électoral.
Milan Meetarbhan, constitutionnaliste, met en avant la possibilité que la décision de mettre en œuvre ce rapport ait été prise bien avant, suscitant ainsi des interrogations quant à l'équité du processus. Dans ce contexte particulier, introduire d'importantes modifications aux délimitations des circonscriptions pendant une année électorale, en raison de la dissolution automatique du Parlement prévue par la Constitution, engendre des implications à deux niveaux, selon ses dires. “Ces modifications, remettront en cause l'organisation traditionnelle de la campagne électorale, qui repose généralement sur la structure des circonscriptions. Ainsi, apporter des changements aux limites des circonscriptions au cours d'une année électorale compromet l'organisation déjà en cours par les partis politiques quelques mois avant les élections » » explique-t-il.
Parvez Dookhy, également constitutionnaliste, compare la situation à la France, soulignant que l'exercice de modification des circonscriptions ne peut se faire un an avant les élections. Selon lui, un tel exercice appliqué dans un court laps de temps avant les élections générales avantagerait certaines formations politiques au détriment des autres, les partis au pouvoir en tirant souvent le plus grand bénéfice dans de tels cas de figure.
Notre interlocuteur ne peut aussi s'empêcher de faire une autre comparaison avec l'organisation des élections générales de 2019, soulignant qu'elles avaient été l'objet de nombreuses critiques en raison du fait qu'un grand nombre d'électeurs ne figuraient pas sur le registre de la Commission électorale. Il met en lumière que c'est dans la circonscription No 1 qu'une modification plus importante a été observée, avec un nombre d'électeurs de cette circonscription migrant vers la circonscription No 2.
« La question qui se pose est de savoir si la commission sera en mesure de garantir que tous ces électeurs qui rejoignent une nouvelle circonscription seront effectivement inscrits sur la liste électorale. Il est également important de souligner que nous sommes dans un pays où l'enregistrement des électeurs ne se fait pas de manière continue, car la commission électorale le réalise en deux phases au cours d'une année. Quand on ajoute tous ces paramètres, tout indique qu'il y aura une grande confusion dans l'organisation des prochaines élections », appréhende-t-il.
Course contre la montre pour les partis de l’opposition
La deuxième préoccupation exprimée par de nombreux observateurs ainsi que par certains opposants politiques réside dans le fait que, conformément à la loi, la Commission électorale publie la liste des électeurs en août de chaque année. Cela suscite la question de savoir si une nouvelle liste sera établie sur la base des nouvelles délimitations, impliquant ainsi que le registre des électeurs ne serait disponible qu'après août. Dans cette éventualité, si de nouvelles élections devaient se dérouler en utilisant cette liste modifiée, les partis politiques auraient un temps très limité pour ajuster leurs campagnes, font-ils remarquer.
D'un autre côté, le gouvernement, qui a théoriquement la possibilité d'organiser les élections plusieurs mois après la dissolution, pourrait soutenir qu'il est nécessaire de donner à tous suffisamment de temps pour s'organiser en fonction des nouvelles délimitations et de la nouvelle liste des électeurs. Ceci pourrait être utilisé comme un prétexte par le gouvernement pour prolonger son maintien au pouvoir pendant une période supplémentaire, soulignant également le fait que le gouvernement détient un contrôle total, et le principe fondamental dans une démocratie est d'éviter toute redélimitation des circonscriptions pendant une année électorale.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !