En juin 2023, lors des Annual British Invention Show & Awards, Raj Balkee, 78 ans, a remporté la médaille d’or dans la catégorie Loisirs pour son invention, la Golden Ratio Desktop Toy Wheel. Découvrez l’histoire de cet habitant de Marie Jeanne, à Goodlands.
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Il n’est ni scientifique, ni ingénieur. Lui est inventeur. Détenteur de brevet pour son invention Tide and Wave Concertina Energy Conversion et créateur d’une Auto Wheel répertoriée auprès de l’Intellectual Property Office du gouvernement britannique, Rajendranath (Raj) Balkee vient récemment de toucher l’or en Angleterre avec sa nouvelle invention, la Golden Ratio Desktop Toy Wheel (voir plus loin). Ce dimanche, ce Mauricien âgé de 78 ans nous ouvre les portes de son histoire.
Si sa date d’anniversaire « officielle » est le 7 janvier 1946, l’habitant de Marie Jeanne, à Goodlands, affirme, dans un éclat de rire, qu’il est en réalité plus vieux de 14 mois. « Comment cela se fait-il ? » lui demandons-nous, intrigués.
Il explique qu’au moment de sa naissance, son père comme bon nombre de Mauriciens de l’époque, servait l’armée britannique en Afrique du Nord, pendant la Seconde Guerre mondiale. « Ma mère étant analphabète, elle a attendu le retour de mon père à Maurice. Donc, ma naissance a été déclarée le 7 janvier 1946. »
Et quelle est donc sa véritable date de naissance ? « Pour déterminer ma véritable date d’anniversaire, mon père s’est basé sur la naissance d’une cousine peu avant moi. Donc, c’est le 23 octobre 1944 », répond le septuagénaire. Et d’ajouter avec humour que depuis qu’il est marié et papa, il célèbre à la fois son vrai et son faux anniversaire. Nous apprenons que sa femme s’appelle Nirmala et qu’il a quatre enfants : Sonia, Devina, Rabin et Shaan.
Si une personne est intéressée à l’acheter et à produire, vendre et utiliser l’invention, elle pourra le faire»
Raj Balkee a grandi dans la misère. Il confie qu’il se rendait à l’école pieds nus et sans uniforme. « Nou ti bien mizer. Mo papa, kan linn retourn depi lager, linn gagn enn problem mantal. Mo mama ek mo gran frer inn bizin travay dan karo pou get nou. Mwa, monn koumans travay laz 8 an dan lakour dimoun pou ede dan lakaz. Mo ti pe gagn 7 sou », se remémore-t-il.
Il réussit l’école primaire et est admis au collège Magdalene, à Goodlands. « J’aimais étudier. Mais l’école était payante en ce temps-là et ma mère n’avait pas les moyens financiers. Monn apran pa paye term kan sorti premie. Mo ti pe fer tou pou resi pou mo mama pa bizin pay lekol », soutient Raj Balkee. En parallèle il travaillait comme « garson labourer » avant d’aller au collège pour aider sa famille.
Il réussit la Form I (Grade 7), puis il saute une classe et atterrit en Form III (Grade 9). « Monn apran ki ena enn Qualifying Test an angle pou bann zelev Form IV ek V pou SC. Mo ti ena enn konfians en mwa ki mo pou kav fer senior. Monn dir mo mama al deman mo prinsipal pou ki mo fer sa klas-la mem si mo ti dan Form III. Linn dir mo mama ki mo gagne, si mo fou kouma mo papa. Li pann les mwa sot klas. »
Mais Raj Balkee ne se laisse pas décourager pour autant. « Monn apran ki kav kompoz sa lekzamen-la an prive. Je devais débourser Rs 7. J’ai fait les démarches moi-même dans un bureau à Rose-Hill. Par la suite, une famille musulmane a prêté l’argent à ma mère. Monn apran par mo em ek monn pase. Ek monn kav fer mo SC. Mo ti gagn trwa Credit ek enn Pass », dit-il avec fierté.
Par la suite, vers l’âge de 17 ans, il commence à enseigner les mathématiques et l’anglais au collège Magdalene. Un an après, il fait une demande, comme de nombreux Mauriciens à l’époque, pour partir en Angleterre en tant que « Student Nurse » dans les hôpitaux. « J’ai exercé en tant qu’infirmier pendant deux ans dans un hôpital à Farnborough, Hampshire. Ensuite, j’ai trouvé un poste de Shipping Clerk au sein de la British Aircraft Corporation. »
Par la suite, il travaille pendant six ans en tant que Forex Clerk à la Barclays Bank, et pendant deux ans en tant qu’Accounts Supervisor pour la multinationale Cadbury Schweppes à St Albans. Il a également occupé le poste d’Assistant Manager chez Metal Co. à Luton avant de retourner à Maurice avec sa femme et ses deux filles à l’âge de 34 ans. « J’avais également obtenu un certificat en gestion industrielle grâce à une formation que j’avais suivie au Luton College of Higher Education », indique Raj Balkee.
Nou ti bien mizer. Monn koumans travay laz 8 an dan lakour dimoun pou ede dan lakaz. Mo ti pe gagn 7 sou»
Lorsque le gouvernement britannique ouvre l’Open University à l’époque, il s’inscrit pour un Bachelor en Computer Science & Mathematics, dont la durée était de six ans. « Ma candidature a été acceptée et j’ai suivi ce programme en trois ans. » Comment ça ? « Pendant mon séjour en Angleterre, alors que je travaillais à la Barclays Bank, j’ai appris qu’une fille que j’avais connue lorsque j’étais enseignant au collège Magdalene était venue de Maurice pour travailler en tant qu’infirmière. J’ai cherché son numéro pour la rejoindre. Par la suite, nous nous sommes mariés. Cependant, nous avions promis à nos parents de retourner à Maurice en 1980. J’ai donc dû interrompre mes études à l’Open University. »
De retour à Maurice, il demande à cette institution universitaire d’organiser les examens de sa dernière année de cours sur l’île. Sa demande est acceptée et il participe aux examens à l’université de Maurice. Une fois son diplôme en main, Raj Balkee, alors âgé de 34 ans, éprouve cependant des difficultés à devenir enseignant. « Mes qualifications n’étaient pas reconnues par le ministère de l’Éducation », raconte le septuagénaire, qui conserve encore aujourd’hui sa carte d’étudiant de l’Open University dans son porte-monnaie.
Il se tourne vers le secteur privé. Ayant suivi un cours en gestion industrielle lorsqu’il travaillait en Angleterre, il utilise cette compétence pour décrocher un emploi dans une usine textile. « Par chance, le Manager, un Écossais, effectuait une étude de travail. Il m’a embauché », soutient Raj Balkee. Par la suite, il travaille dans une imprimerie qui publiait les journaux Le Militant et Mauritius Times. Ensuite, il est devenu Personal Manager dans des usines textiles à Triolet et Port-Louis, ainsi que dans une usine spécialisée dans le polissage des diamants près de Souillac et dans une autre produisant des barres en acier aux environs de Terre-Rouge, avant de prendre sa retraite. Raj Balkee reconnaît qu’il est le genre de personne qui ne peut pas rester longtemps dans le même poste.
Ce touche-à-tout est également l’auteur des ouvrages Not Your Day to Die et Harman Dahl’s Legacy. Et ce n’est pas tout. En juin 2023, lors de la 23e édition des Annual British Invention Show & Awards, en collaboration avec la British Inventors Society (BIS) à Londres, ce passionné des énergies renouvelables a, en tant que participant international, décroché la médaille d’or dans la catégorie « Leisure » pour sa création, la Golden Ratio Desktop Toy Wheel. Il a également été honoré du Double Gold Award pour le David Nicholas Awards for Most Innovative Design.
C’est une fois à la retraite qu’il s’est lancé dans l’invention de cette roue autonome, explique Raj Balkee. « Pendant les 20 dernières années, j’ai effectué plusieurs essais pour la faire fonctionner et j’ai finalement inventé la Golden Ratio Desktop Toy Wheel, qui a été primée lors des British Invention Show & Awards 2023 », dit-il avec fierté.
Mais concrètement, qu’est-ce que la Golden Ratio Desktop Toy Wheel ? « Il s’agit d’une roue basée sur les principes de la physique, et qui est actuellement en attente de brevet au Royaume-Uni. » Il la décrit comme fonctionnant un peu à la manière du pendule de Newton.
Comment cette idée lui est-elle venue ? « Je vivais en Angleterre. Mes amis et moi étions en voiture quand une amie m’a parlé de la Bhāskara Wheel. C’est une conception hypothétique de machine à mouvement perpétuel créée vers l’an 1150 par le mathématicien indien Bhāskara. Cette conversation est restée gravée dans ma mémoire », révèle Raj Balkee.
Pour donner forme à cette roue qu’il considère comme unique, il explique qu’il a utilisé le « Golden Ratio » ainsi que la spirale de Fibonacci. « La roue est astucieusement torsadée pour évoquer une fleur avec plusieurs pétales, tout en pivotant autour d’un axe central. Elle est équipée de cinq billes qui roulent indépendamment dans des jantes torsadées en forme de pétales, toutes séparées d’une roue alimentée par batterie, pendant qu’elle tourne sur son axe », détaille-t-il.
Selon l’inventeur, cette création pourrait être utilisée de la même manière que le pendule de Newton pour favoriser la détente mentale. « Elle pourrait également trouver sa place dans des bureaux, des salles de réunion et des foyers. »
Raj Balkee affirme que cette roue a le potentiel d’être agrandie pour des présentations lors de promotions en magasins, voire dans le cadre de fêtes foraines. Il évoque de plus la possibilité que sa roue puisse éventuellement être utilisée en tant qu’innovation mécanique autonome, bien que ce domaine n’ait pas encore été exploré.
Pour rendre cette roue totalement autonome, il faut, avance-t-il, dans un premier temps la concevoir à taille réelle. « Malheureusement, en raison du manque de ressources, j’ai dû me contenter de créer un prototype sous forme de jouet. Néanmoins, j’ai déposé une demande auprès de l’Intellectual Property Office du gouvernement britannique pour protéger mes droits intellectuels. Je ne suis ni scientifique, ni ingénieur, et je ne dispose pas des outils nécessaires. »
Raj Balkee a mis son idée en vente en ligne. « Si une personne est intéressée à l’acheter et à produire, vendre et utiliser l’invention, elle pourra le faire. Ce serait une source de satisfaction pour moi si je suis encore en vie. Et si je ne suis plus là, j’aurais laissé quelque chose aux générations futures qui se souviendront au moins de mon nom. »
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