Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, Mauriciens et touristes sont nombreux à s’intéresser à la chasse. Toutefois, être passionné ne suffit pas. La chasse est soumise à une réglementation stricte à Maurice. La saison prend fin le 30 septembre.
En battue, à l’approche (cerfs et cochons) et au petit gibier (lièvre et francolin gris d’Inde) sont les trois types de chasse pratiquée à Maurice. La saison de la battue mauricienne s’étire jusqu’au 30 septembre. Elle concerne les cerfs de Java ou rusa.
Lionel Berthault, guide chez Le chasseur mauricien, indique que la saison a débuté le 1er juin. « La battue mauricienne se pratique en hiver. La température n’étant pas trop élevée, la viande ne sera pas avariée. De plus, la période de gestation commence après le rut entre mi-juillet et mi-août », explique-t-il. Une partie de chasse se tient généralement dans la matinée.
La chasse ne se limite pas à appuyer sur la détente (gâchette) et à tirer. Lionel Berthault indique que cette activité se pratique pour trois raisons. « La chasse est d’abord un événement fédérateur, durant lequel les participants socialisent. Elle a aussi lieu pour des raisons écologiques et pour contrôler la population des cerfs dans la chasse », dit-il.
Des recensements sont menés régulièrement. Dans la chasse de Bel-Ombre, où opère Le chasseur mauricien, la population de cerfs se monte actuellement à 2 500. « Environ un tiers est abattu. Cela tourne autour de 800 grands gibiers », ajoute-t-il.
30 à 40 chasseurs sont accueillis par journée de chasse collective. Une dizaine de battues sont menées dans la saison. Cela équivaut à 70 animaux par séance, car chaque chasseur a droit à quatre cervidés maximum, selon l’avancée des quotas.
Halal Man
Après la chasse, les cervidés sont éviscérés le plus vite possible. Des bouchers sont sur place pour acheter la viande. « Cette viande n’est pas nulle en cholestérol et nourrit nos muscles. Elle est très appréciée par les différentes communautés de l’île. Les musulmans, par exemple, viennent sur place avec un Halal Man et disent une petite prière lors de la battue. Cela se fait devant chaque animal juste après le tir en respectant les consignes de sécurité », confie Lionel Berthault.
Il fait toutefois ressortir que cette viande est uniquement pour la consommation locale. Un kilo de viande peut coûter de Rs 160 à Rs 200 et elle est disponible à la boucherie de Bel-Ombre durant toute la saison. Le gibier et les recettes reviennent à la chasse. « L’activité peut coûter de Rs 40 000 à Rs 80 000 par an aux actionnaires, c’est-à-dire ceux qui viennent chasser. Il faut compter le pâturage, l’entretien de la chasse et le grillage, entre autres » souligne le guide. Il ajoute que le grillage contrôle le déplacement des cerfs, évitant ainsi les collisions avec les véhicules. Il décourage le braconnage. « Contrairement à d’autres pays, la chasse est strictement contrôlée à Maurice. Si nous laissons sortir les cervidés des sites, ils commettraient de lourds dégâts à la forêt endémique de Maurice et aux cultures de canne », fait-il observer.
En ce qu’il s’agit de la chasse touristique, il indique que des étrangers de plus de vingt pays du monde viennent à Maurice pour une ou deux journées. Il note également que les jeunes Mauriciens sont nombreux à s’intéresser à la chasse, de même que les épouses.
« Elles sont toujours présentes, ce qui donne une belle image d’une activité ancestrale pourtant perçue comme machiste. Ici, ce n’est pas le cas et nous ferons tout pour que cela reste ainsi, afin que cette tradition perdure au fil des générations », dit-il.
De 18 à 80 ans
Pour Frédéric d’Hotman, de Lavilleon Natural Forest, la chasse est une activité conviviale. Les femmes comme les hommes, les jeunes comme les moins jeunes s’y intéressent. « Nous accueillons régulièrement des passionnés de 18 à plus de 80 ans. Souvent, les chasseurs viennent avec leur groupe d’amis pour passer une journée mémorable », poursuit-il.
Une partie coûte à partir de Rs 12 000. Elle commence aux alentours de 7 heures, après une présentation des animaux et de la chasse. Frédéric d’Hotman rappelle que les cerfs ont été introduits à Maurice par Adrien Van Der Stel, gouverneur hollandais de l’île en 1639.
L’espèce Cervus timorensis rusa fut choisie par les Hollandais pour sa résistance naturelle et les cerfs furent élevés dans des enclos pour leur viande. On s’accorde à dire que les cerfs s’enfoncèrent dans la nature pendant un cyclone et qu’ils peuplèrent toute l’île, profitant de la végétation luxuriante et n’ayant pas de prédateurs naturels.
« La bonne gestion des terrains de chasse permit de réguler la population du cerf de Java et en 1989, dans le cadre d’un programme de réintroduction dans la nature, des spécimens mauriciens furent transférés à Java, où l’espèce avait été déclarée en danger d’extinction », fait-il ressortir.
Une première école de chasse en 2019
Lionel Berthault annonce le lancement de la première école de chasse l’année prochaine. Il souhaite former les jeunes et les adultes, car tout le monde n’a pas la chance d’avoir un parent chasseur. La chasse apprend le partage, l’écologie, la patience et l’abnégation. Les connaissances doivent être nombreuses et le respect de la sécurité toujours présent.
L’art culinaire dans la préparation de la viande est aussi un point incontournable de sa future école. L’école sera probablement à Bel-Ombre. Un diplôme sera attribué après les cours. « Nous sommes actuellement en pourparlers avec le gouvernement mauricien, afin que le diplôme soit reconnu », indique-t-il.
Comment obtenir ses permis ?
Les Firearm Licence et Game Licence sont délivrés par le commissaire de police. Les demandeurs doivent être majeurs, être en bonne santé physiquement et psychologiquement, ne pas avoir de casier judiciaire et n’avoir commis aucun délit.
Une demande formelle de Competency Certificate (CC) doit d’abord être envoyée au commissaire. Un exercice de vérification va alors démarrer. Ensuite, le demandeur devra se soumettre à une formation au tir à l’arme à feu. S’il répond à tous les critères et passe la formation, il est éligible à un CC. Puis, il devra envoyer une lettre et le CC au commissaire pour obtenir le permis de port d’arme à feu et/ou de Game Licence. D’ailleurs, pour cette dernière, le demandeur doit aussi se munir d’une attestation écrite des responsables de la chasse.
Une fois les permis obtenus, le demandeur doit respecter certains critères, notamment conserver l’arme à feu et les munitions dans un coffre sécurisé conçu à cet effet. L’arme à feu ne doit pas être chargée. Il n’a pas non plus le droit de prêter son arme. Le permis de port d’arme à feu doit être renouvelé chaque année.
Au mois de décembre, des comptoirs spéciaux sont mis à la disposition des chasseurs pour qu’ils effectuent le paiement. Ils doivent se munir de leur arme à feu et de leurs munitions pour inspection. Ils s’acquittent d’un montant de Rs 1 500 pour obtenir le CC, de Rs 2 000 pour le Firearm Licence et de Rs 2 500 pour le Game Licence. Ce processus ne s’applique qu’aux Mauriciens.
Sauvegarder les intérêts des chasseurs
La Société des chasseurs de l’île Maurice a été fondée en 1921, avec pour objectif de sauvegarder les intérêts des chasseurs. « Nous veillons aussi à ce que nos membres aient une certaine éthique de la chasse et respectent les lois en vigueur à Maurice, avec un accent particulier sur la sécurité », fait ressortir le président de la société, Jean-Pierre de Sornay. La Société des chasseurs de l’île Maurice compte environ 750 membres. Il explique qu’il y a une centaine de terrains de chasse à Maurice, privés ou loués à bail du gouvernement.
« Pour y chasser, il faut être membre d’un club de chasse. On chasse principalement le cerf et le cochon marron, utilisant la carabine ou le canon lisse. Les lois sur les armes sont très réglementées à Maurice. Un chasseur ne peut posséder plus de deux armes et la quantité de cartouches est limitée selon un quota annuel », dit-il.
Seuls les firearm dealers ont le droit de vendre des armes et des munitions. Il faut détenir des permis (Game Licence et Firearm Licence) pour s’adonner à la chasse. « Il faut être majeur pour utiliser une arme. La chasse est un loisir qui s’est démocratisé. Les Mauriciens ont plus de moyens et peuvent pratiquer cette activité qui coûte, somme toute, cher », dit-il.
Témoignages
Ils sont de plus en plus de jeunes à s’intéresser à la chasse. Témoignages de quelques-uns d’entre eux.
Alexis Rouillon, 22 ans : «La chasse, c’est un partage»
Alexis Rouillon a baigné dans cet univers depuis qu’il est tout petit. Il tient sa passion pour la chasse de son grand-père. À 22 ans, il maîtrise à la perfection les rouages de cette activité. « Ce monde me fascinait. Je voyais mon grand-père rentrer avec un morceau de cerf à la main, son bâton et son fusil », raconte-t-il. Il confie que c’est à l’âge que 6 ans que son grand-père l’initia à la chasse. « Je l’accompagnais dans les chasses et il me donnait des consignes : ‘ne bouge pas tes mains’, ‘ne fait pas de bruit’, etc. Ce jour-là, il avait tué trois cerfs, dont un grand. » Avec le temps, Alexis prend conscience de l’endroit extraordinaire dans lequel il vit et de l’importance du respect de l’animal. « Au fil des années, j’ai appris comment tenir un fusil entre mes mains et mon grand-père m’expliquait les règles. » Aussitôt majeur, il fait le nécessaire pour avoir son permis. « Chasser procure une très belle sensation. J’ai déjà chassé seul deux fois, mais je préfère être accompagné, car la chasse, c’est un partage. Nous sommes comme une famille. J’aime beaucoup l’ambiance après la chasse, qui s’accompagne de rires et de rafraîchissements. » La chasse permet au jeune homme de faire le vide. Plus qu’un sport, c’est une passion. « Ce n’est pas juste le fait de chasser, c’est aussi de réaliser que cela va nourrir des familles. » Il chasse une à deux fois par semaine, les jeudis et les dimanches.
Loïc Perdrau, 22 ans : «La chasse nous permet de mettre nos sens à l’épreuve»
Loïc Perdreau ne rate jamais une occasion de chasser avec les siens. Il fait partie de la quatrième génération de chasseurs de sa famille. C’est à travers son père et son grand-père qu’il découvre les rudiments de la chasse. « À 5 ans, je voulais déjà découvrir cet univers unique. En grandissant, je développais un amour pour la nature. J’aime le fait de me sentir libre, en plein air, de pouvoir utiliser tous mes sens et de les mettre à l’épreuve », relate-t-il. Adolescent, il apprend la bonne éthique du chasseur, notamment ne jamais tuer une biche accompagnée de son petit. À l’âge de 18 ans, il décide de mettre ce qu’il a appris en pratique. « J’aime être en symbiose avec la nature. C’est aussi une privation, se faire violence, guetter et être plus malin que sa proie. Mon premier coup de fusil s’est terminé avec un bleu à l’épaule, mais le deuxième jour a été le bon et j’ai réussi à tuer un cerf. » Loïc chasse avec son père et son grand-père tous les quinze jours.
Géraldine Hannelas, 33 ans : «La chasse n’est pas barbare comme certains peuvent le penser»
C’est une activité à laquelle Géraldine Hannelas s’adonne depuis peu. Elle a découvert sa passion pour la chasse à travers un collègue et ami cette année. Elle prend vite goût à l’adrénaline que cela dégage. « Ma première expérience date de mai 2018. Lorsqu’on me l’a proposée, j’ai tout de suite accepté, surtout par curiosité, car j’ai toujours voulu savoir comment cela se passait. » La chasse requiert une préparation. « Il faut porter des vêtements de camouflage, des bottes adaptées, préparer son équipement et ne pas mettre de parfum. » C’était une séance de chasse à l’arc. Installée dans son mirador, ce jour-là, elle guettera sa proie. « Lors de cette journée d’initiation, j’ai appris l’éthique du chasseur, comme ne pas blesser l’animal. La chasse n’est pas barbare, comme certains peuvent le penser. » Sa première journée de chasse a été fructueuse et elle est reparti avec un singe et un cochon marron, qui ont été servis au dîner une semaine plus tard.
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