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Punition des enfants : une question de poigne

Le Children’s Act interdit la punition corporelle des enfants.
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Comme pour le sondage de StraConsult, les avis des parents qui ont bien voulu témoigner sur la punition corporelle divergent. Il s’avère également que chacun a son interprétation du châtiment corporel et de la violence.

«Une gifle ne fait de mal à personne. » Du reste, dit Jeanne, elle a elle-même été élevée par « une dame de fer ». « Et cela ne m’a pas traumatisée, bien au contraire », souligne-t-elle. 

Cette maman de deux filles, âgées aujourd’hui de 16 et 21 ans, fait-elle donc partie de ceux qui sont en faveur de discipliner les enfants en utilisant la force physique ? Selon une étude Afrobarometer, 54 % des 1 200 personnes sondées estiment qu’il est « parfois justifié » ou « toujours justifié » d’y avoir recours (voir en page 13). Jeanne nuance : « Je ne suis pas en faveur de la punition corporelle. » 

Nous lui posons la question : que comprend-elle par le terme « punition corporelle » ? « La punition corporelle est un bien grand mot », fait ressortir la quadragénaire, en ajoutant qu’elle n’a jamais frappé ses enfants à plusieurs reprises. « Je préfère utiliser le terme ‘donner une fessée’, car la punition corporelle s’apparente à ‘torturer’ un enfant », affirme-t-elle.

Jeanne confie avoir élevé ses filles en leur expliquant les choses, « mais parfois il m’a fallu donner une bonne gifle pour leur faire comprendre que les limites avaient été dépassées ». Cette pratique n’a été utilisée que lorsqu’elles étaient encore des enfants, précise-t-elle. « Aujourd’hui, ce genre de pratique n’a plus cours. Une fois qu’elles ont compris les limites et qu’elles ne devaient pas faire de bêtises, cela ne valait plus la peine de les corriger une nouvelle fois », dit-elle. 

En ce faisant, Jeanne dit avoir suivi l’exemple de sa propre mère pour élever ses enfants. La quadragénaire raconte avoir elle-même subi des punitions corporelles lorsqu’elle était enfant, comme la plupart des adultes de sa génération, et même avant. Elle précise qu’elle a été « corrigée » et non « battue ». « Ma maman était sévère. Il suffisait qu’elle lève les yeux pour que mes sœurs, mon frère et moi arrêtions de faire des bêtises. ». Et avant qu’une punition corporelle n’arrive, il y avait trois ou quatre avertissements au préalable, fait-elle savoir.

Jeanne déplore cependant que dans le quartier où elle habitait dans les basses Plaines-Wilhems, elle a vu ses voisins se faire battre par leurs parents sans que ces derniers leur expliquent pourquoi et ce qu’ils devaient faire ou ne pas faire. 

« Frapper un enfant sans que cela soit accompagné d’explications, ce n’est pas l’éduquer », lance-t-elle. Ce genre de comportement parental existe toujours, selon elle. « Être battu, c’est lorsque le parent affiche une très grande colère ou son énervement et frappe son enfant pour un rien », avance-t-elle.

Jeanne n’en veut absolument pas à sa mère de lui avoir infligé des punitions corporelles. Bien au contraire, elle la remercie pour avoir fait d’elle la femme forte qu’elle est aujourd’hui. « Nous avons été élevés par une dame de fer et cela a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Je suis sûre que mon frère et mes sœurs pensent la même chose », affirme-t-elle.

À l’instar de Jeanne, Nausheen, maman d’une fille de 16 ans, estime qu’il n’y a « rien de mal à punir pour éduquer ou corriger un comportement ». Au risque de choquer, elle affirme être en faveur de la punition corporelle. « Nombreux sont ceux qui ont été assagis ou sont devenus de bons enfants après avoir reçu une gifle ou par crainte d’en recevoir une nouvelle », fait-elle valoir. 

Du reste, dit-elle, ils sont des milliers à être passés par cette étape. « Je suis convaincue que cela nous a aidés à être de meilleurs enfants, de meilleurs parents et de meilleurs citoyens », souligne Nausheen. 

Et même s’il y a beaucoup, comme elle, qui ont grandi sans avoir subi de punitions corporelles et qui brillent aujourd’hui dans la société, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils avaient la possibilité de tout se permettre. « Nou ledwa pa ti mem longer dan lakaz. » 

Nombreux ont également subi des réprimandes, contrairement à d’autres. Ainsi, pour Nausheen, une gifle, des réprimandes et des sanctions telles que l’interdiction de loisirs ou de télévision à la maison ne sont pas nocives pour un enfant en aucune façon, mais peuvent contribuer à son épanouissement.

Cependant, elle considère que la punition doit être proportionnée et non excessive afin de ne pas nuire à la santé physique et morale de l’enfant. « En tant qu’ancienne enseignante, surtout pendant la transition vers l’interdiction de la punition corporelle, je peux témoigner de la grande dégradation de la discipline dans les écoles, mais aussi dans la société, de la part de nombreux jeunes. Il en va de même à la maison », raconte-t-elle. 

Autre maman, autre perception. Bien qu’elle reconnaisse « crier » parfois sur son fils de 6 ans, Ansy R. se dit contre la punition corporelle ou toute autre forme de violence envers les enfants. « Je ne suis pas en faveur du châtiment corporel et je ne permettrais à personne de lever la main sur mon enfant car cela ne résout rien », affirme-t-elle.

Pourquoi cette posture ? « Je ne crois pas en l’efficacité du châtiment physique pour discipliner un enfant. J’ai été frappée pour des banalités quand j’étais enfant. Avec du recul, je réalise que c’était inutile », souligne la trentenaire.

Elle n’en veut toutefois pas à ses parents. « C’était une autre époque. J’appartiens à une autre génération et les mentalités ont beaucoup évolué depuis. » Pour Ansy R., la société doit évoluer avec son temps et prendre en compte les recherches effectuées par les experts. « Nous ne pouvons pas appliquer les méthodes du passé à toutes les générations et reproduire les mêmes comportements », insiste-t-elle.

D’autant qu’elle fait le constat que certains enfants ayant subi des punitions corporelles ont développé un comportement encore plus problématique ou n’ont pas changé leur attitude d’un iota. Cela lui fait dire qu’un enfant subissant des punitions corporelles peut vivre un véritable traumatisme, un schéma qu’il risque de reproduire à son tour lorsqu’il deviendra parent. « Plusieurs études ont démontré les séquelles engendrées par la punition corporelle. »

Ansy R. est convaincue qu’en cas de comportement « difficile » des enfants, des sessions de counseling ou une thérapie peuvent être préférables pour les aider à changer d’attitude. Elle reconnaît que certains parents peuvent avoir une opinion différente. Cependant, elle croit fermement que les sessions de thérapie peuvent bénéficier tant aux parents qu’aux enfants. Elle déplore toutefois le manque de professionnels dans ce domaine.

Pour la trentenaire, la communication peut aider dans toutes les situations. « Je suis plutôt en faveur d’un système de récompense ou de punition au lieu de punir. » En quoi consiste ce système ? Il s’agit, par exemple de retirer à l’enfant un de ses objets préférés, réduire son temps devant les écrans ou lui retirer son argent de poche. Ansy R. estime que ces approches sont plus valorisantes et éducatives que la punition corporelle, et qu’elles ne constituent en aucun cas un chantage envers l’enfant.

Les retombées de l’étude Afrobarometer

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54 % des 1 200 personnes sondées lors d’une étude Afrobarometer réalisée par StraConsult fin mars estiment qu’il est « parfois justifié » ou « toujours justifié » pour les parents d’utiliser la force physique pour discipliner leurs enfants. 

Ce que dit la loi

Le châtiment corporel est interdit par l’article 14 du Children’s Act 2020 :

(1) No person shall inflict corporal or humiliating punishment on a child as a measure to correct or discipline the child. 
(2) Any person who contravenes subsection (1) shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to a fine not exceeding 200,000 rupees and to imprisonment for a term not exceeding 5years. 
(3) In this section – “corporal or humiliating punishment” means any form of punishment which causes pain or suffering to a child through, but not limited to, the use of force or use of substances. 

Questions à…Mylène Lecoq-Bamboche, Docteure en psychologie de la santé communautaire : «Infliger de la douleur à des enfants révèle des parents qui ont perdu le contrôle» 

myleneLa force physique ne devrait en aucun cas être utilisée pour inculquer la discipline à nos enfants, explique le Dr Mylène Lecoq-Bamboche, Docteure en psychologie de la santé communautaire et chargée de cours en psychologie à l’université de Maurice. La discipline doit être appliquée de manière bienveillante, dit-elle.

Selon le sondage d’Afrobarometer réalisée par StraConsult, 54 % des 1 200 personnes interrogées sont d’avis qu’il est « parfois justifié » ou « toujours justifié » pour les parents d’user de la force physique pour discipliner leurs enfants. Quelle est votre réaction par rapport à ces résultats ?
Les résultats de cette étude interpellent. Malgré les lois en vigueur dans le pays, cela démontre que plus de la moitié des personnes interrogées croit réellement que le recours à la force physique est un moyen acceptable d’éduquer les enfants en matière de discipline. Cela me pousse à spéculer que les gens admettent qu’ils peuvent recourir à la force physique avec des enfants. Nous ne devrions en aucun cas l’utiliser pour inculquer la discipline à nos enfants. Cela cause beaucoup de torts physiques ou psychologiques. Dans des cas extrêmes, la vie des enfants pourrait être en jeu.

L’étude révèle aussi que la punition corporelle est favorisée par les hommes, pratiquée par des personnes ayant un niveau moyen d’éducation, présente davantage dans les régions rurales mais aussi parmi ceux qui vivent dans des situations précaires. Comment expliquer cela ?
Tout d’abord, plus nous sommes instruits, plus nous sommes exposés à divers types de connaissances, développons des capacités de pensée critique et comprenons mieux notre environnement et les lois. Ici, un niveau moyen d’éducation peut laisser supposer qu’il y aurait un manque d’exposition aux différents moyens de communication et de discipline. L’ignorance des outils appropriés pour éduquer les enfants conduit souvent à des situations de frustration et si une personne a grandi dans un environnement où elle a été exposée à certaines violences pendant l’enfance, elle peut croire que c’est l’outil approprié et acceptable à utiliser pour éduquer sa progéniture. 

Un point que je peux ajouter ici est que, dans certains cas, certaines personnes ayant fait des études supérieures ne signalent pas ces pratiques, mais peuvent quand même avoir recours aux punitions corporelles dans leurs foyers, là où les enfants et les épouses ne peuvent pas signaler les cas d’abus à cause de leur « high socio-economic status ». 

Si nous examinons d’autres études comparant les milieux ruraux et urbains à travers le monde, on observe souvent que certains environnements ruraux, par rapport aux environnements urbains, sont beaucoup plus ancrés dans des croyances et pratiques culturelles et traditionnelles très fortes qui éclairent les comportements. Et le recours aux punitions corporelles est souvent considéré comme une pratique traditionnelle.

D’autres croyances traditionnelles en général aussi sont souvent liées à des comportements genrés, où on attend de l’homme une certaine démonstration de force physique pour exprimer sa colère, un comportement intériorisé dès un jeune âge. 

De plus, certains facteurs socio-économiques ont un gros impact sur les familles. Confrontés à des problèmes tels que la perte d’un emploi, le chômage, le fait de ne pas gagner suffisamment d’argent pour leur famille, la pauvreté, pour n’en nommer que quelques-uns, les parents ont des situations très stressantes à gérer. On vit en mode « survie ». Dans certaines communautés, le recours à la violence est perçu comme un moyen d’attirer l’attention sur des états psychologiques fragilisés, en souffrance et comme un appel à l’aide.

Dire que ‘les enfants d’aujourd’hui sont difficiles’ est une manière très intéressante pour les adultes de dire qu’ils ne sont peut-être pas capables de s’occuper de certains enfants»

Il est indéniable que nous vivons dans une société de plus en plus violente. Ne pensez-vous pas que cette violence est lentement mais sûrement intégrée, même jusque dans nos maisons ?
Beaucoup de violence est observée dans les comportements sur les réseaux sociaux par exemple. L’accès à ces plateformes et une utilisation non réglementée et inappropriée des médias sociaux auront certainement un impact sur la morale et les comportements. Souvent, nous voyons des adultes et même des jeunes s’exprimer avec beaucoup de violence dans la langue, avec des jurons dans chaque phrase, ce qui cause beaucoup de tort à notre société et nos familles. Il y a une dégradation de nos valeurs sociétales. Les enfants y sont exposés très tôt via leur téléphone et ont accès à des plateformes de médias sociaux. Le contrôle parental dans ce sens est très important.

Dans d’autres situations, il suffit de penser à la façon dont les gens subissent la violence autour d’eux, que ce soit dans les transports publics, à l’école ou sur leur lieu de travail. Nous avons vu des gens se retrouver dans des incidents qui ont dégénéré en blessures physiques sur les routes par exemple. Et cela… même avant la pandémie qui n’a fait qu’aggraver la situation.  

Nombreux sont ceux qui estiment que les enfants d’aujourd’hui sont « plus difficiles » et qu’ils ont un mauvais comportement en société. Est-ce que ce sont les enfants qui sont plus difficiles ou les parents qui sont dépassés, exaspérés, manquent de patience et sur les nerfs en raison de leurs nombreuses responsabilités et les pressions qu’ils subissent au quotidien ?
Dire que « les enfants d’aujourd’hui sont difficiles » est une manière très intéressante pour les adultes de dire qu’ils ne sont peut-être pas capables de s’occuper de certains enfants. Il semble que l’enfant soit blâmé pour son propre comportement, alors que les parents ont normalement la responsabilité d’éduquer et d’aider les enfants à s’autoréguler et à gérer leurs émotions. N’oublions pas que les enfants ne possèdent pas un cerveau pleinement « mature » et qu’ils ont besoin de nous, les adultes, pour leur offrir un environnement sécurisé pour mûrir pleinement et sainement. 
Il est également vrai que pour certains, la parentalité est une expérience bouleversante, surtout s’ils ne sont pas équipés d’outils pour éduquer ou s’ils sont en souffrance psychologique.

Le châtiment corporel est une douleur physique que l’on inflige à quelqu’un»

Comment définir la punition corporelle ? Pour certains parents, une gifle est « acceptable ». Certains parents disent avoir été « élevés à la dure » et qu’ils n’en sont pas morts et remercient même leurs parents de les avoir rendus plus responsables. Qu’en pensez-vous ?
Le châtiment corporel est une douleur physique que l’on inflige à quelqu’un. Cela peut aller de pousser ou tirer, gifler, pincer, forcer certains à rester dans une position inconfortable, à certaines pratiques plus extrêmes telles que donner des coups de poing, des coups de pied, etc. Infliger de la douleur à des enfants est un non-respect de leurs droits et une atteinte à leur dignité. C’est humiliant pour eux et cela révèle des parents qui ont perdu le contrôle et qui n’ont pas été capables de gérer sainement une situation avec les enfants.

Que répondez-vous à ceux qui disent : « spare the rod and the child gets spoilt » ?
Ne pas recourir aux punitions corporelles ne signifie pas que les enfants seront « gâtés ». C’est une façon d’élever les enfants dans un environnement familial où ils peuvent réellement développer un sentiment de sécurité, ce qui contribue à leur bien-être. Permettre à nos enfants d’adopter les bons comportements ne les « gâtera » certainement pas. Ils disposeront de meilleurs outils pour affronter le monde en n’ayant pas recours à la violence. 

D’autres font l’amalgame entre laxisme, « éducation bienveillante » et absence de punition corporelle, ce qui fait que certains enfants deviennent « incontrôlables » et font tout ce qu’ils veulent sans que les parents puissent intervenir. Est-ce que les parents sont perdus eux-mêmes, finalement ?
Nous devons comprendre la différence entre le laxisme, une éducation bienveillante et l’absence de châtiments corporels. Le laxisme consiste à permettre aux enfants de faire ce qu’ils veulent. Il est vrai que le laxisme des parents peut conduire à des enfants très indisciplinés parce qu’on ne leur a pas donné les bons paramètres pour leur comportement. 

Le contraire du laxisme n’est absolument pas d’avoir recours aux châtiments corporels. Il s’agit davantage d’utiliser les bonnes compétences parentales pour aider les enfants à s’autoréguler comme la façon dont ils gèrent leurs émotions, grâce à une éducation bienveillante. Dans de nombreux cas, j’observe que de nombreux parents ne savent pas comment gérer efficacement les crises de colère, ainsi que l’expression d’autres émotions de leurs enfants.

De nombreux parents ne savent pas comment gérer efficacement les crises de colère, ainsi que l’expression d’autres émotions de leurs enfants»

Il y a aussi les réprimandes. Et là les propos peuvent souvent dépasser la pensée et le langage peut être déplacé. Concrètement, où s’arrête la discipline et où commence l’abus ?
La maltraitance peut également être verbale. Les propos humiliants et dénigrants, les insultes, les cris ou l’usage d’un langage grossier sont également considérés comme des abus. La discipline doit être appliquée de manière bienveillante, en encourageant ou en décourageant les comportements, en utilisant un système de récompenses et de sanctions approprié, respectueux de l’enfant dans tout son être.

Quels sont les effets négatifs du châtiment corporel sur les enfants ? 
Les conséquences immédiates et à long terme sont multiples. Les conséquences physiques incluent des douleurs physiques, des cicatrices et certaines atteintes légères à graves du système nerveux et du système cardiovasculaire, qui, dans certains cas, peuvent entraîner la mort. Certains enfants peuvent également présenter des retards de croissance physique, ainsi qu’une amygdale hypersensible (partie du cerveau qui régule les émotions).

Sur le plan psychologique, de nombreuses études ont montré que les punitions corporelles ont des effets néfastes sur les enfants. En plus des états de peur, de colère, de honte et de culpabilité, les enfants peuvent éprouver un manque de confiance, une faible estime de soi, des émotions très anxieuses et perturbées, et des problèmes relationnels et de communication. 

Dans certains cas, on peut noter des états d’hypervigilance, des troubles anxieux, un trouble de stress post-traumatique, un manque de discernement moral, des comportements antisociaux, des états dissociatifs, des comportements d’automutilation et des tentatives de suicide. De nombreux enfants peuvent également reproduire un comportement agressif chaque fois qu’ils se trouveront exposés à des facteurs déclencheurs, que ce soit à l’école ou dans d’autres contextes. De mauvais résultats, le décrochage et un abandon scolaire peuvent aussi être observés.

Des effets ultérieurs peuvent survenir à l’âge adulte si aucune intervention thérapeutique n’a été effectuée, par exemple, l’adoption de comportements violents et criminels ainsi que l’apparition de troubles mentaux, notamment de troubles dépressifs, d’anxiété, de stress, d’alimentation, troubles dissociatifs ou liés à des substances et des troubles relationnels. On observe aussi qu’ils manifestent des comportements violents à l’âge adulte. Cela explique, en quelque sorte, que les parents utilisant les punitions corporelles ont des antécédents de discipline par la force physique durant leur enfance, c’est-à-dire qu’ils ont eux-mêmes subi des traumatismes infantiles. Le parent violent peut avoir été maltraité durant son enfance.

On ne naît pas parent, on le devient. Pensez-vous qu’il faut davantage de sessions de formation à l’intention des parents afin qu’ils aient les outils nécessaires pour mieux élever leurs enfants ?
Certainement. Les gens pensent que le rôle parental est davantage un processus d’essais et d’erreurs, alors que des recherches ont montré que les compétences parentales positives peuvent s’acquérir comme n’importe quelle autre compétence. Ils visent à amener les parents à créer un environnement sécurisé pour leurs enfants, à faire preuve d’assurance en étant fermes, à communiquer des attentes réalistes à leurs enfants, et également à prendre soin d’eux-mêmes.

Un parent peut gagner beaucoup en effectuant des recherches, en lisant et en assistant à des conférences ou formations sur la parentalité. Un très bon moyen consiste à rechercher les outils et l’approche appropriés auprès d’un psychologue ou d’un « counsellor ».

Nous devons comprendre la différence entre le laxisme, une éducation bienveillante et l’absence de châtiments corporels»

La punition corporelle est interdite également à l’école. Quelles sont les alternatives qui s’offrent aux enseignants pour inculquer la discipline et le respect en classe, en prenant en considération que dans certains cas, ce sont les enseignants eux-mêmes qui sont brutalisés par les parents en voulant mettre de l’ordre dans leur classe ?
Il est très regrettable que de telles situations se produisent dans les écoles qui devraient être des lieux sécurisés. Il est recommandé d’être formés aux stratégies et techniques de gestion de classe, et de surtout adopter une approche pédagogique tenant compte des traumatismes et visant comprendre l’impact du traumatisme sur l’apprentissage et le comportement. 

En ce qui concerne la brutalité par les parents, des « policies » claires concernant le harcèlement et les agressions à l’école doivent être expliquées aux parents et les cas de brutalité peuvent nécessiter l’application de la loi et d’autres conséquences. La communauté scolaire en général tire profit de la création d’un partenariat solide avec les parents.

Les enfants sont sensibilisés à leurs droits, qu’en est-il de leurs devoirs sur lesquels l’accent ne semble pas être mis ?
Les droits sont soulignés dans la mesure où les enfants sont considérés comme un groupe vulnérable qui a besoin d’une protection et d’une sécurité supplémentaires pour soutenir leur développement. Les droits aident également les enfants à reconnaître les situations de maltraitance. 

Outre les droits, les responsabilités doivent toujours être expliquées et discutées avec les enfants, pour qu’ils comprennent quels comportements sont attendus d’eux dans différents contextes. Dans ce sens également, les enfants admirent les adultes qui leur servent de modèles dans leur développement, ce qui signifie que les adultes eux-mêmes doivent comprendre et démontrer la notion de droits et de responsabilités dans leur propre comportement.

Aneeta Ghoorah, Ombudsperson for Children : «L’éducation à la parentalité est essentielle»

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Face à la discipline physique des enfants, l’Ombudsperson for Children plaide pour la parentalité positive comme alternative.

« C’est surprenant. » L’Ombudsperson for Children ne cache pas sa surprise devant les résultats de la récente étude Afrobarometer menée par StraConsult. Celle-ci a démontré que 54 % des 1 200 personnes interrogées soutiennent le châtiment corporel pour discipliner leurs enfants. « En 2024, il y a tant de recherches et d’informations facilement disponibles sur internet sur les conséquences négatives de la punition corporelle sur les enfants », souligne Aneeta Ghoorah. 

À une certaine époque, fait-elle comprendre, « c’était la seule façon pour nos parents et éducateurs » de nous « corriger ». Cependant, prévient-elle, en perpétuant cette pratique, nous continuons le cycle de la violence. 

À ceux qui prétendent que l’absence de punition corporelle a contribué à la création de l’« enfant roi », Aneeta Ghoorah réplique : « Qui a créé l’enfant roi ? Ce sont les parents. Être un enfant roi n’est pas dans l’intérêt de l’enfant concerné. Les parents doivent apprendre à dire non aux caprices des enfants », fait-elle comprendre. Du reste, ajoute-t-elle, « il ne faut pas oublier que ce sont les parents qui ont le devoir de bien éduquer leurs enfants dès leur plus jeune âge ».

L’Ombudsperson for Children met, en effet, les parents face à leurs responsabilités. « L’article 5 de la Convention relative aux droits de l’enfant accorde aux parents le droit et le devoir d’assurer le développement des capacités de leurs enfants », rappelle-t-elle. 

L’école a également un rôle à jouer. L’article 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui concerne les objectifs de l’éducation, stipule que l’école doit permettre à un enfant de développer sa personnalité et ses capacités, lui faire comprendre le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, lui transmettre le respect de sa culture, le préparer à assumer des responsabilités dans la société, lui inculquer le respect d’autrui, explique-t-elle. « Inculquer le sens de responsabilité et de devoir à la même importance que la sensibilisation sur leurs droits. Au fait, les 3 R – ‘Rights, Respect and Responsibilities’ - marchent de pair. Les paramètres permis doivent être définis. »

Ce sont les parents qui ont le devoir de bien éduquer leurs enfants dès leur plus jeune âge»

Face à la discipline physique des enfants, l’Ombudsperson for Children plaide pour la parentalité positive comme alternative. « La Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît que l’enfant n’est pas un objet ou une possession de ses parents, mais une personne à part entière, un détenteur de droits. Les alternatives commencent par le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et de sa dignité », souligne Aneeta Ghoorah.

Aucun enfant n’est violent à sa naissance, fait-elle ressortir. « C’est l’environnement familial, éducatif ou la société qui détermine le comportement de l’enfant. » Pour elle, à aucun moment l’enfant ne doit se sentir rejeté par ses parents ou éducateurs. « Il faut dissocier l’enfant de l’acte qui doit être corrigé, et non infliger des punitions corporelles. Chaque cas doit être traité en fonction des problèmes, en gardant en tête le bien-être de l’enfant », insiste-t-elle.

C’est pourquoi, affirme l’Ombudsperson for Children, l’éducation à la parentalité est très importante. « Inculquer le sens de discipline et des valeurs doit commencer dès le plus jeune âge. La majorité des parents croient que subvenir aux besoins matériels de l’enfant suffit. Or un enfant a besoin de ‘Quality time’ des parents qui doivent prêter attention à leur développement psychologique et socio-émotionnel. Les parents et éducateurs doivent être un ‘role model’ pour les enfants », insiste-t-elle.

Quels sont les moyens dont disposent les enfants pour dénoncer les cas de punition corporelle ? « Il y a la hotline de la CDU 113. Il y a aussi l’école à travers les cellules d’écoute. L’école a l’obligation de rapporter les cas suspects aux autorités concernées », indique Aneeta Ghoorah.

Recommandations internationales, réalités locales…

Lors de l’examen de Maurice au Comité des droits de l’enfants l’année dernière, l’interdiction du châtiment corporel envers les enfants a été salué. Cependant, une experte du comité, Sopio Kiladze, avait posé des questions sur l’application effective de la loi, évoquant « la persistance de châtiments corporels à la maison et à l’école ». Il a également été recommandé que le gouvernement crée un mécanisme permettant aux enfants de dénoncer les châtiments corporels et autres violences qu’ils pourraient subir.

Nous avons sollicité le ministère de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille pour savoir où en est ce mécanisme. On nous a fait savoir que « c’est quand des cas sont rapportés au 113 ou à travers les enseignants et conseillers que la Child Development Unit entre en jeu. Il y a aussi des causeries dans les écoles pour sensibiliser les enfants et leur expliquer que la punition corporelle est interdite ».

Nous n’en saurons pas plus.

 

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