Interview

Punition corporelle - Me Neil Pillay: «Nos lois doivent être axées sur la réhabilitation de nos jeunes»

Neil Pillay Neil Pillay

La punition corporelle est devenue un sujet à polémique. Me Neil Pillay évoque qu’un enseignant peut être poursuivi pour avoir infligé une punition corporelle à un élève . Un élève peut  aussi être sujet procès au pénal avec la nature du délit dépendant des faits. Pour l’avocat, il faut revoir nos lois.

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C’est quoi la punition corporelle ? Que dit notre législation ?
Une punition corporelle est une sanction physique infligée à quelqu’un en faisant usage de la force physique ou d’un ou de plusieurs objets. Cela, au lieu d’imposer une punition non-physique, comme par exemple, une restriction à l’accès à la télévision ou une interdiction de quitter sa chambre pour un certain temps à un enfant. Et l’utilisation de la force physique veut dire donner des coups à quelqu’un. D’une façon populaire, on dirait donner la fessée à un enfant ou une gifle à autrui.

Avant de vous parler de punition à l’aide d’objets ou d’outils, je voudrais faire appel à nos souvenirs. Je crois que bon nombre d’entre nous se souviendront du dicton anglais : « Spare the rod and spoil the child », qu’on traduit littéralement en français : « Épargner le fouet, c’est gâter l’enfant » au temps où il était légal en Angleterre d’infliger des châtiments corporels à ses enfants. Cela n’est plus le cas au pays de Sa Majesté comme dans beaucoup de pays d’ailleurs. Dans les pays scandinaves, c’est tout bonnement illégal !

La punition peut aussi consister à l’utilisation d’un objet ou d’un outil afin d’infliger des sévices. À titre d’exemple, l’utilisation d’un « rotin bazar », dans notre jargon, ou plus grave, d’appareils de torture.

En vertu de l’article 13 de la Child Protection Act, la maltraitance d’un enfant est interdite. Et toute personne reconnue coupable est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 10 000 et d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas deux ans. Cela à la discrétion de la Cour. Il y a aussi le délit d’agression en vertu de l’article 230 du Code pénal, qui reste une autre possibilité de poursuites judiciaires.

Que doit faire une victime de punition corporelle ?
Une victime peut rapporter l’affaire à la police ou à la Child Development Unit (CDU) ou même à la Family Protection Unit (FPU).

«En général, un mineur risque les mêmes peines qu’un adulte. Cela peut aller d’une amende de plusieurs milliers de roupies à une peine d’emprisonnement»

Que risque un enseignant qui inflige une punition corporelle à un élève ?
En vertu de l’Education Act, notamment l’article 13, alinéa 4, il est clairement interdit d’infliger une punition corporelle à un élève. L’article 34 de la même loi va dans le même sens en autorisant des sanctions autres que des punitions corporelles.

Un enseignant qui frappe un élève risque d’être poursuivi par la police sous diverses lois, dépendant des circonstances. Et cela peut même vouloir dire qu’il peut être suspendu et faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Il peut aussi se voir infliger des sanctions plus drastiques suivant un verdict de culpabilité devant un comité disciplinaire, selon la gravité des faits.

Que risque l’élève qui a manqué de respect envers son enseignant ? Que ce soit sous forme de langage abusif ou d’agression, entres autres ?
L’élève peut être puni selon les règlements de l’école et selon la gravité des faits, il peut même être expulsé de l’école. D’autre part, il peut faire face à des poursuites au pénal, si son enseignant ou le recteur de l’établissement rapporte l’affaire à la police. La nature des faits déterminera aussi le type de délit sous lequel des poursuites pourraient être engagées.

Par exemple, si y a eu agression physique, l’article 230 du Code pénal  peut aussi entrer en jeu ou s’il y a eu langage abusif sur téléphone par messagerie ou même sur Internet, cela demeure un délit en vertu de l’article 46 (h) de l’Information and Telecommunication Technologies Act (ICT Act).

Qu’encourt-il ?
Dans ces cas, c’est la Juvenile Offenders Act qui entre en jeu. Mais il est difficile de vous dire ce que risque l’élève, car cela dépend des faits et circonstances, du délit commis, entre autres.

En général, un mineur risque potentiellement les mêmes peines qu’un adulte. Cela peut aller d’une amende de plusieurs milliers de roupies à une peine d’emprisonnement. Ainsi, entre en jeu le Rehabilitation Youth Centre (RYC) au lieu de l’emprisonnement à la prison de Beau-Bassin. Je dois souligner qu’un mineur de moins de 14 ans ne peut être emprisonné. Un mineur ayant plus de 14 ans, mais moins de 18 ans, ne peut être condamné à la servitude pénale.

Il faut noter que la Cour peut ordonner à ce que le parent ou la personne responsable du mineur paie l’amende qui lui a été infligée. Il existe aussi des articles dans notre loi (par exemple, sous la Juvenile Offenders Act,  qui autorisent la Cour à se montrer plus clémente au vu de l’âge du mineur et des circonstances et faits propres à l’affaire.

Pensez-vous que notre législation est assez dissuasive ?
Je pense qu’aujourd’hui, nous devons plus que jamais éduquer nos enfants et les préparer à leur vie d’adulte à travers le dialogue. Nous devons réviser nos lois et les réactualiser au contexte actuel. Nos lois devraient avoir une vocation moins punitive et être plus axées sur la réhabilitation des jeunes.

Récemment, j’ai vu un programme à la télé sur des « boot camps » pour jeunes délinquants aux États-Unis. C’est dur, impressionnant. Mais ça ne donne pas toujours des résultats garantis. Cependant, ça a le mérite de montrer la voie aux jeunes qui ont pris une mauvaise direction. Surtout à ceux qui ont perdu leurs repères et qui veulent s’en sortir. Je pense que c’est une bonne idée et que l’on devrait réfléchir à son introduction à Maurice, surtout avec l’actualité quotidienne impliquant des mineurs. Si nous n’investissons pas dans nos jeunes, dans notre société de demain, qui le fera ?

 

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