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À Providence, Quartier-Militaire - Mymoon Soodhoo, centenaire  : «lavi ti bien difisil dan karo kann, lakaz lapay san dilo ek la-limyer»

Une partie de la famille réunie autour de Mymoon Soodhoo, assise au premier rang vêtue de blanc.

Le bonheur, la cohésion familiale et l’espoir. Ce sont les sentiments palpables chez la famille Soodhoo à la veille des célébrations des 100 ans de Mymoon Soodhoo, rencontrée chez elle à Providence, Quartier-Militaire, quelques jours avant dimanche 7 avril 2024, date de l’événement. Au-delà de son grand âge, Mymoon Soodhoo compte aussi parmi les dernières mémoires vivantes d’une autre époque aujourd’hui si lointaine.

Dans la petite ruelle où vivent les quatre fils, les épouses et enfants de Mymoon Soodhoo, les préparatifs étaient à la hauteur de l’événement ce vendredi 5 avril. « Se enn boner san paye, fait ressortir Abdool Rahim, l’un de ses quatre fils, célibataire endurci, chez lequel habite la centenaire. Momem mo pa kone ziska ki laz mo pu viv. » Autour de la centenaire, ce jour-là, il y a pêle-mêle Bibi Nazrine, l’épouse du fils Naseer, Ziyaad, fils de ce dernier, les deux autres fils, Mustapha, Jaynool et sa fille Bibi Salimah. Dans la cour familiale, le plus jeune de la tribu, Moushaba, n’a que 6 ans.

La disette

Comme celles et ceux qui ont vu le siècle s’écouler, Mymoon Soodhoo, née Sookroo, originaire de la localité d’Alma et l’aînée d’une fratrie de 4 enfants, a connu la disette. « Mo papa Ismael ti pe travay zardinie, mama pa ti travay. Tipti monn koumans koup kann dan tipti plantasion kot dimounn. Nou ti ena trwa vas », raconte-t-elle. La toiture de la maison éclairée à la lampe de pétrole, est en chaume, le sol et les murs étant un mélange de terre et de bouse de vache. Comme source d’eau, la famille va au puits. Les repas sont invariablement composés de riz, manioc, ‘batat’, ‘arwi kari’. Très jeune, Mymoon perd sa mère, son père se remarie. « Ti finn gagn enn move mama-belmer, li finn pass boukou miser », raconte sa belle-fille Bibi Nazrine les yeux remplis de larmes.

Les cyclones Carol et Alix

Vers ses 18 ans, Mymoon épouse Sheikh Abbas Saudhoo, un sirdar employé à FUEL et le couple emménage dans la cour actuelle à Quartier-Militaire. La jeune fille travaille alors sous les ordres de son mari, elle dépaille la canne, bêche les sentiers. Durant les cyclones Carol et Alix, la toiture de leur petite maison, comme des milliers d’autres à Maurice, est emportée. Le couple déjà parents de deux enfants, trouve refuge chez des voisins qui leur offrent aussi des vêtements. 

Après les cyclones, il reconstruit leur maison en pierre et tôle. « Mama finn travay dan moulin ziska 60 an ek apre li finn al travay pou bann ti-planter kann ziska 75 zan. Li finn extra travay pou elve so bann zanfan, Sa zame nou pou kapav blie », raconte Abdool Rahim. Leur père mourra à l’âge de 87 ans mais non sans avoir offert à son épouse des moments de bonheur dont elle se souvient encore. « Nou finn al lekours Senn Mars » dit-elle en souriant comme un enfant, ce qui provoque la joie autour d’elle. « Ou kone li bien kontan riye », précise Bibi Salimah, conseillère de village à Providence et qui semble partager une relation complice avec la centenaire.

Le confinement

Bien qu’elle soit la première centenaire dans la famille domiciliée dans la ruelle, avant elle, sa ‘poupou’ et son cousin ont vécu jusqu’à 103 et 100 ans. « Me nou pa tro kone kouma enn dimounn kapav viv ziska sa laz-la, s’interroge Bibi Salimah. Mo panse ki pa finn manz manze  ki ena tro move zafer, li finn res aktiv, ena boukou lafeksion famiyal  e Bon Die finn rekonpans li apre sa kantite soufrans-la. » Durant le confinement, elle n’avait pas trop conscience des menaces sur la vie humaine ni des problèmes économiques, indique Bibi Salimah. « Nou-mem nou pa finn anvi fatig so latet », précise Abdool Rahim. 

Une alimentation simple

Comme d’autres centenaires de l’île Maurice, Mymoon Soodhoo se contente d’une alimentation simple, avec son thé, du pain et du beurre et parfois du fromage pour le petit déjeuner. Vers 9h-10h, elle consomme une banane ou une mandarine et vers midi, Nazreen lui apporte son déjeuner. Dans la journée, après un somme, elle regarde les séries à la télé avant de prendre le repas du soir. « Depi sa bann dernier tan-la, li pe anvi manz minn Apollo. Donk nou donn-li. Aswar, li al dormi ver wit er », explique Nazreen qui aime bien que sa grand-mère lui raconte la vie d’antan. « Li inpe blie, me mo kontan ekout li. Parfwa mo sagrin ousi kan li rakont la-miser ki finn pase. Lerla mo panse ki zordi nou pe gagn tou, lakaz, manze, dilo ek elektrisite, telefonn portab kouma bann zafer normal » dit-elle. 

Cet âge si avancé et ‘béni de Dieu’ pour reprendre les mots de la famille Soodhoo permet à celle-ci de réfléchir aux années passées à l’île Maurice où la solidarité et le bon voisinage permettaient aux familles d’affronter les moments difficiles. « Lavi ti extra dir mem, me dimounn ti viv kouma frer-ser. Zordi sa lamitye-la pe disparet dan de-trwa landrwa dan Moris me dan nou lokalite, dimoun ankor ed zot vwazin. Kan mo get mo gran-mama kipe gagn 100 ans e kan mo ekout li rakont so lepok, mo pans kouma lavi zordi finn sanze avek aksidan, bann krim et pena respe pou personn. Nou nou fier ki nou pe resi gard sa bann valer-la », fait valoir Bibi Salimah.


Vinod Dookhit remercie amis et proches

« J’ai été très touché par cet immense témoignage de sympathie », déclare Vinod Dookhit après le décès, le 28 février 2024, de son épouse Anita, née Bangaroo  alors qu’elle prenait l’avion à Plaisance. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe et, le même jour, les témoignages de sympathie se sont exprimés au domicile même de Vinod Dookhit à Mont-Roches. 

Ce dernier, District Representative des associations de seniors de Lower Plaines Wilhems au sein du Senior Citizen Council et président de la Fédération des seniors de BB/RH, a vu affluer Fazila Daureeawoo-Jeewa, ministre de la Sécu, les députés Ivan Collendavelloo, Karen Foo Kune et Rajesh Bhagwan, la mairesse des villes-sœurs, Rajeneeadavee Mootoo Caroopen, des employés d’IBL où travaille la fille de Vinod Dookhit sans oublier ceux de la Sécu et de l’Environnement. « Cela m’a vraiment fait chaud au cœur et me permet de continuer mes activités au service des seniors du district et de la fédération. J’ai été sensible à cet élan de sympathie venant de tous les milieux sans oublier le réconfort apporté par mes deux enfants. Ça reste encore des moments difficiles », admet Vinod Dookhit.

 

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