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Pr Khalil Elahee, de la faculté d’ingénierie de l’UoM : «Plus de voitures que de bébés qui naissent chaque année»

Cinq ans après son lancement, le métro léger a-t-il tenu ses promesses ? Embouteillages persistants, projets d’infrastructure contestés et dépendance aux importations pétrolières… Le point avec le Pr Khalil Elahee, chargé de cours à la faculté d’ingénierie de l’université de Maurice (UoM). 

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Le métro léger a été proposé comme un moyen pour réduire les embouteillages, notamment dans la capitale et entre Curepipe et Port-Louis. A-t-il eu les résultats escomptés ?
Remontons à 2013, au projet Maurice île durable (MID), qui confirmait non seulement l’option de la « reintroduction of rail transport », mais aussi une approche intégrée pour ce qui allait être appelé le métro. Il ne suffit pas d’avoir des trains sur les rails, c’est un ensemble qu’il faut mettre en place.

Il faut rappeler le cafouillage de 2014, lorsque le gouvernement d’alors a d’abord rejeté ce projet avant de faire volte-face. Entre-temps, le projet MID, qui devait assurer une prise en compte de toutes les dimensions de ce mode alternatif de transport, a disparu. On se retrouve donc avec un projet de métro qui n’est pas systémique. 

Je pense néanmoins qu’il n’est pas trop tard, car cinq ans, ce n’est rien. Le métro de Londres a plus de 160 ans. Celui de Hong Kong, qui est parmi les plus rentables, n’a pas généré de profits immédiats non plus.

Diverses autres mesures ont été mises en place : autoponts, routes de contournement... Il y a aussi un pont surplombant Grande-Rivière-Nord-Ouest reliant la route A1 à l’autoroute M1. Quel a été leur impact ?
Souvent, on fait appel aux experts, mais ce sont parfois les « inperts » qui nous donnent les meilleures solutions. Un « inpert » peut être un chauffeur de taxi ayant une vaste expérience du terrain. Il vous donnera des réponses plus réalistes. En collaborant avec les spécialistes et autres décideurs, nous pourrions éviter d’investir dans des solutions qui ne font que déplacer le problème des embouteillages.

Je crois qu’il y a unanimité sur le fait que les « park and ride » sont insuffisants et qu’il existe un problème d’accès aux centres-villes et au métro. Encore une fois, il faut une approche systémique, en intégrant l’aménagement du territoire, comme cela se fait dans d’autres villes.

Je ne suis pas hors sujet en affirmant que l’échec de l’autonomisation des collectivités locales n’a pas aidé à une bonne planification du projet de métro. Certaines fausses bonnes solutions ont été mises en place sans prendre en compte tous les facteurs, car la prise de décision n’était ni démocratique ni fondée sur des évidences scientifiques. Cette façon de faire va-t-elle changer ?

Il y a quelques années, une « Ring Road » avait été proposée à partir de Pailles pour rejoindre Port-Louis via un tunnel sous la montagne, ainsi qu’un « Harbour Bridge » reliant Pointe-aux-Sables à la capitale en passant par la baie de Port-Louis. Ces projets sont-ils viables ?
Encore une fois, ne nous limitons pas à ma réponse ou à celle d’un consultant en particulier. La bonne gouvernance exige l’implication de toutes les parties prenantes, mais aussi une capacité à penser autrement au lieu de se cantonner au « Business as Usual ». Je ne sais pas si ces projets sont viables, mais il faut un mécanisme pour les évaluer en toute transparence, à la lumière d’une méthodologie rigoureuse.

Au moment de sa suppression, le projet MID avait déjà développé des « compliance criteria » pour garantir la durabilité, ainsi qu’un mécanisme de mise en place et de suivi. Bref, à votre liste, nous pouvons aussi ajouter le transport maritime ou encore la distinction entre transport et mobilité. 

Avec la pandémie, nous avons aussi découvert d’autres façons de travailler en ligne. Qui décide de la viabilité d’un projet et comment, alors que les idées ne manquent pas ?

Le parc automobile mauricien ne cesse d’augmenter, mais le développement du réseau routier ne suit pas le même rythme. Quoi faire pour améliorer la circulation ?
Je pense qu’il faut aussi revenir sur un problème épineux qui m’a toujours interpellé : notre dépendance aux importations coûteuses de produits pétroliers. Les carburants et les véhicules représentent presque Rs 35 milliards d’importations chaque année. Les chiffres du PIB ou des importations varient, mais il y a là un potentiel énorme pour renforcer notre résilience si nous nous attaquons à la racine du problème. Pourquoi importons-nous autant ?

Nous avons plus de voitures mises en circulation tous les ans que de bébés qui naissent. La voiture est devenue un symbole de notre époque. Mais à quel prix ? Construire toujours plus de routes sur une île où la densité routière est déjà parmi les plus élevées au monde n’est pas une solution.

Je reviens sur l’idée qu’il faut se concentrer davantage sur la manière dont nous faisons les choses plutôt que sur ce que nous faisons. J’aurais souhaité un retour à un projet MID, ne serait-ce que pour garantir la mise en œuvre de solutions à temps, mais aussi durables. En procédant ainsi, des possibilités immenses s’ouvriront à nous, dans la bonne direction, avec la participation de tout le monde, y compris la nature, avec laquelle nous devons nécessairement composer. Le discours-programme du gouvernement n’a pas cet outil essentiel pour le guider.
 

 

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