Le 18 juillet 2024, la Cour suprême a ordonné la confiscation des biens du couple Ramloll, pour un montant supérieur à Rs 609 millions. Ce qui laisse entrevoir l’espoir pour les victimes du « Ponzi Scheme » Sunkai de récupérer leur argent. Rencontre avec l’une d’entre elles.
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Assis dans son fauteuil, ce fonctionnaire de 48 ans raconte le « stress » que sa famille et lui ont vécu. L’homme est courtois et répond sans ambages. Douze ans déjà qu’il attend de récupérer l’argent investi dans le plan frauduleux de la compagnie Sunkai de Bimla Ramloll. Marié et père d’une adolescente de 14 ans, c’est un homme pieux qui se présente à nous, un gomukhi attaché à la main. Vêtu d’un polo-shirt et d’un pantalon noir, il nous accueille dans sa maison à étages située dans un petit village central de l’île.
Dans cette région, ils sont plusieurs à avoir investi dans le plan frauduleux de la compagnie Sunkai. Le quadragénaire ne cache pas avoir lui-même recommandé environ 50 personnes à rejoindre le plan d’investissement. « Ma mère et ma grand-mère ont elles aussi mis de l’argent dans Sunkai. Je connais des policiers qui ont aussi investi. Tout avait l’air en règle. Il y avait un contrat écrit. »
Nous sommes en 2011. Sa fille unique a deux ans. « Ma femme et moi avions constaté qu’elle tardait à marcher et n’arrivait pas à se tenir sur ses jambes. Plus tard, après avoir consulté des médecins, nous avons appris qu’elle souffrait de paralysie cérébrale. Ce que nous avons compris, c’est que les parties du cerveau qui contrôlent ses mouvements n’arrivaient pas à envoyer les bons signaux à ses muscles pour lui permettre de marcher correctement. »
En allant se recueillir à son lieu de prière, il rencontre un ami, domicilié à Vacoas, qui lui parle du plan d’investissement de la compagnie de Bimla Ramloll. « Au départ, je n’étais pas intéressé. Plus tard, j’ai pensé à un moyen de financer moi-même le traitement de ma fille à l’étranger. »
En 2012, sa mère avait réuni Rs 40 000 et lui, avait pu mettre de côté Rs 10 000. « J’ai décidé de tenter ma chance. À cette époque, plusieurs personnes m’avaient parlé de ce fameux plan et des sommes d’argent qu’elles avaient pu obtenir en retour. Cela me paraissait authentique », poursuit le père de famille.
Il va à la rencontre de Bimla Ramloll à son bureau, rue Vandermeersch, à Beau-Bassin. Il fait un premier investissement de Rs 50 000. En vertu de ce premier contrat signé, il devait toucher Rs 100 000 après deux mois. Le délai arrivé à échéance, « j’ai emprunté Rs 200 000 à la banque et j’ai fait un nouvel investissement pour la somme totale de Rs 300 000. Nous sommes alors en décembre 2012. Je devais toucher Rs 600 000 fin février 2013. »
Estimant la somme insuffisante, il se rend à nouveau au bureau de la compagnie Sunkai. Bimla Ramloll lui fait alors la proposition de toucher cette fois-ci Rs 1,5 million s’il investit les Rs 600 000. « J’avais parlé de l’état de santé de ma fille à Bimla Ramloll. Elle m’a dit que je pourrais prendre cet argent et payer son traitement en Inde. » Il se laisse convaincre, sans se douter qu’il ne verra pas la couleur de cet argent.
« Le 30 mars 2013, j’étais en route pour aller rencontrer Bimla Ramloll, lorsque surviennent les inondations meurtrières dans la capitale. J’ai rebroussé chemin avec Rs 160 000 en ma possession. C’était l’argent que m’avaient confié des amis qui voulaient investir dans le plan d’investissement », relate le fonctionnaire.
Quand l’affaire Sunkai éclate, le père de famille est arrêté dans le cadre de l’enquête policière. Il est suspendu de ses fonctions en novembre 2013, soupçonné d’être un complice de la femme d’affaires. « J’ai eu toutes les peines du monde à réunir de l’argent pour aller en Inde pour le traitement de ma fille. En plus, il fallait rembourser l’emprunt à la banque », déclare le fonctionnaire.
Après un court séjour en Inde avec sa fille, il se voit contraint de rentrer au pays, faute d’argent. Heureusement, le médecin traitant s’est rendu à Maurice et sa fille a pu poursuivre le traitement. Aujourd’hui, elle fréquente une école spécialisée.
C’est avec une certaine amertume que le fonctionnaire relate son histoire. En 2016, après trois ans de suspension, il réintègre son poste après que les accusations ont été abandonnées contre lui. « C’était dur à vivre. Je suis une victime dans cette affaire et j’attends toujours qu’on me rembourse », confie-t-il.
Genèse de l’affaire
29 mars 2013
La police fouille les bureaux de Sunkai Company Limited situés à la rue Vandermeesch, Beau-Bassin. Rs 22 463 750 en espèces, 170 chèques à l’ordre de la compagnie, pour un montant total de Rs 63 336 795, ainsi qu’une liste d’investisseurs sont saisis. Le même jour, la défunte Financial Intelligence Unit obtient un ordre de saisie provisoire sur les biens suivants du couple : trois appartements à Trianon, Flic-en-Flac et Blue Bay Holiday Resort. L’enquête révèle que la somme totale reçue par Sunkai Company Limited via des investissements, entre septembre 2012 et mars 2013, s’élevait à Rs 690 668 800.
14 septembre 2016
Un procès au pénal est engagé contre le couple Ramloll devant la cour intermédiaire. Bimla Ramloll est reconnue coupable d’escroquerie et de blanchiment d’argent, le 24 avril 2023. Son époux, Mohit Ramloll, est reconnu coupable de blanchiment d’argent.
11 mai 2023
Bimla Ramloll est condamnée à huit ans et six mois de prison pour escroquerie et blanchiment d’argent, respectivement. Son époux écope de trois mois de prison.
10 juillet 2024
La Financial Crimes Commission (FCC) demande la confiscation des biens du couple obtenu au moyen de la fraude.
19 juillet 2024
La FCC obtient un ordre de confiscation contre le couple suivant un jugement de la Cour suprême, après avoir présenté des preuves que le couple Ramloll avait acquis plusieurs propriétés et actifs grâce aux fonds illicites de Sunkai. Les actifs sont : une copropriété à Trianon, une partie de terrain à Sodnac, trois appartements, deux véhicules et un bateau de plaisance.
La dernière étape…Vers la vente des biens saisis
Une fois les biens saisis transférés à l’État, ils seront vendus à la barre en vue de rembourser les victimes. Au préalable, une vérification de la source des fonds investis par les particuliers sera menée. Les sommes d’argent importantes investies en espèces feront l’objet d’une attention particulière.
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