Interview

Pierre Dinan, économiste: «Il y a nécessité d’avoir des projets et des investisseurs»

Pierre Dinan, économiste
‘Great expectations’, mais résultats mitigés. C’est en ces termes que Pierre Dinan résume la situation économique en 2015. Pour l’économiste, la priorité des priorités demeure la création d’emplois productifs. 2015 tire à sa fin. Quel bilan faites-vous sur le plan économique ? ‘Great expectations’, mais résultats mitigés. Nous avons eu droit à des annonces sur un nouveau profil de l’économie comprenant notamment le développement du port, l’économie bleue, les ‘Smart Cities’. Or, on constate que tout cela fait partie des ‘great expectations’. Ce qu’on peut espérer, c’est qu’en 2016, on voit le début de ces grands projets. À l’heure actuelle, nous continuons d’espérer et de souhaiter la réalisation des projets susceptibles de persuader des investisseurs à les prendre en charge, à y investir des capitaux et leurs énergies entrepreneuriales. Dans un autre ordre d’idées, notre économie a un défi à relever. Nous avons eu de la chance en 2015 de bénéficier d’un faible taux d’inflation résultant de la baisse des prix des matières premières que nous importons notamment, et en premier lieu, le pétrole. Il s’agit là d’une manne que nous devrions utiliser pour les jours moins bons qui risquent de revenir au grand galop. Or, je constate que nous nous retrouvons avec la dette publique qui prend l’ascenseur. C’est un signe qui devrait susciter l’alerte. C’est une tendance qu’il faut absolument renverser. Et ce renversement de tendance doit commencer par une maîtrise de dépenses de l’État notamment du budget national et du secteur parapublique.
Pour certains observateurs, l’économie a été reléguée au second plan cette année. Partagez-vous le même point de vue ? Le devant de la scène a été occupé par des « affaires ». Effectivement, on a l’impression que l’économie s’est retrouvée dans les coulisses. Il faut, toutefois, accueillir et applaudir la présentation du Vision 2030 par le Premier ministre.
[blockquote]« La création d’emplois productifs et à long terme reste une grande priorité pour notre économie »[/blockquote]
2015 a été marquée par le désinvestissement massif des investisseurs étrangers sur la Bourse. Doit-on s’en inquiéter ? Le désinvestissement au niveau de la Bourse provient surtout d’un cycle. La logique de ces investisseurs étrangers diffère de celle des opérateurs mauriciens. Pour eux, Maurice est un pays émergent. Quand ils regardent la carte des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Argentine, Russie,…),  ils constatent que la croissance dans ces pays n’est pas comme elle a été auparavant. Ils préfèrent se tourner vers les pays développés. Il n’y a pas là, à mon avis, des signes de désintérêt pour Maurice en tant que tel, mais plutôt en tant que pays émergent. Même si la situation n’est pas alarmante, Maurice subit quand même les conséquences, car ce sont des capitaux à court terme qui s’en vont avec un effet sur la balance des paiements. Il faut en être conscient. Cela dit, l’économie mauricienne doit garder un visage qui puisse attirer à nouveau les investisseurs étrangers lorsque le cycle aura changé. La loi sur le ‘Good Governance and Integrity Reporting’ a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Doit-on craindre un désintérêt de la part des investisseurs locaux ? Tout va dépendre de comment la loi sera mise en pratique et tout particulièrement du profil des personnes qui seront appelés à exercer les pouvoirs conférés par cette loi. Par ailleurs, si la loi est utilisée de manière abusive, alors elle risque de décourager, à ce moment, des investisseurs. L’actualité est dominée, ces jours-ci, par le chiffre de « 10 000 licenciés cette année » avancé par le syndicat et réfuté par le ministère de l’Emploi. Quelle lecture faites-vous sur la situation au niveau de l’emploi et du chômage ? La création d’emplois productifs et à long terme reste une grande priorité pour notre économie. C’est pourquoi j’ai mis l’accent sur la nécessité d’avoir des projets et des investisseurs. J’ajouterai que la création d’emplois est aussi une exigence sociale, car il est bon de rappeler que l’emploi affecte surtout les jeunes. À mon avis, il y a deux types de jeunes qui sont au chômage. D’une part, ceux qui ont fait des études à différents niveaux et d’autre part, les recalés du CPE. Je crains que ce ne soit un foyer de mécontents susceptibles d’être attiré par toutes sortes de promesses. Comment se présente l’horizon économique en 2016 ? ‘Great expectations again’, en espérant que, cette fois-ci, les projets dont nous avons évoqués plus haut seront en début de réalisation. Je souhaite, pour ma part, qu’on essaie de mieux gérer la manne de la baisse des prix des matières premières si cela continue. Peut-on tabler sur une croissance supérieure à 4 % et à une amélioration de principaux indicateurs économiques ? Je ne table pas, j’espère. C’est tout ce que je peux dire !
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