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Patrick Baschet : témoin et acteur de l’envol d’Air Mauritius

Patrick Baschet a fait partie du vol de convoyage Toulouse-Maurice du premier ATR 72 de MK en juin 2002. L’avion est toujours en service.

Ancien chef de cabine principal et instructeur en sécurité aérienne, Patrick Baschet a consacré 40 ans à Air Mauritius. Témoin des grandes étapes de la compagnie, il raconte son parcours.

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Il est un témoin privilégié de l’évolution d’Air Mauritius, de ses débuts modestes à son expansion internationale. Embauché en janvier 1978, Patrick Baschet y a consacré 40 années de sa vie, avant de faire valoir ses droits à la retraite quelques semaines avant ses 60 ans, jugeant que les conditions devenaient invivables. 

Sa passion pour l’aviation remonte à l’enfance, lorsqu’il observait les avions décoller et atterrir depuis l’ancienne aérogare. Devenir personnel navigant était un métier prestigieux à l’époque. Son intégration à Air Mauritius s’est faite naturellement, lui qui avait déjà effectué des vols vers La Réunion et l’Afrique du Sud avant même de rejoindre la compagnie.

Dès son intégration, il rejoint un groupe de 15 aspirants dans un environnement encore balbutiant. Air Mauritius ne possédait alors qu’un Twin Otter et un Boeing 707, loué à British Air Tours. Il partage une anecdote marquante de sa formation : alors qu’ils étaient encore aspirants, une cheffe hôtesse a permis à 15 stagiaires de monter à bord d’un Twin Otter pour faire un aller-retour avec un survol du nord de l’île. Sur le chemin du retour, le pilote leur a fait vivre une expérience de vol mouvementée, testant leur résistance à la turbulence. « Il n’y avait pas de passagers à bord et ce n’était pas un ‘scheduled flight’ », souligne-t-il. 

Gravir les échelons

À l’époque, la formation était rudimentaire, avec des exercices d’évacuation se déroulant sans simulateurs modernes. Les exercices de natation se faisaient parfois en mer dans le lagon, une expérience plaisante pour lui qui avait grandi au contact de l’océan et pratiquait la voile dès son plus jeune âge.

Les membres d’équipage, initialement composés d’une majorité de Britanniques, ont progressivement évolué vers une prédominance mauricienne à mesure que la compagnie gagnait en indépendance. Le 31 mars 1981 marque, selon Patrick Baschet, le véritable envol d’Air Mauritius, avec l’acquisition de son premier Boeing 707 en propre, venant de South African Airways. 

Ce jour historique est déterminant : c’est le premier long-courrier appartenant à la compagnie, opéré avec un personnel de cabine 100 % mauricien. Patrick Baschet participe à ce vol inaugural de Johannesburg via Durban, soulignant l’importance de cet événement comme une étape essentielle dans l’histoire de la compagnie.

La croissance d’Air Mauritius permet aux membres du personnel navigant de gravir les échelons. Patrick Baschet devient chef de cabine en 1984 sur un B707, puis chef de cabine principal sur un B747 lorsque la compagnie commence à louer des B747 SP de South African Airways. L’expansion se poursuit avec l’acquisition de nouveaux avions, et en parallèle, la formation du personnel se professionnalise. 

Au début, les formations se faisaient à Gatwick avec British Airtours, ou à Johannesburg avec South African Airways. Air Mauritius ouvre son propre centre de formation au début des années 1990, et Patrick Baschet y joue un rôle essentiel, devenant instructeur et Chief Instructor en sécurité et sauvetage.

Il contribue également à l’essor du centre en formant des membres d’équipage d’autres compagnies régionales comme Air Madagascar, Air Austral et Air Tanzanie. Son rôle s’étend même aux audits en vol. Avant de quitter la compagnie, il accède au poste d’Acting Head of Emergency Procedures Training.

Son expertise a été reconnue au niveau international. Air Mauritius a développé un savoir-faire en matière de sécurité et de survie, qu’il a présenté lors d’événements tels que l’Airbus Training Symposium à Bangkok et la Cabin Safety Conference à Londres. Là où d’autres compagnies effectuaient leurs formations en piscine, Air Mauritius avait innové en les réalisant en pleine mer.

Patrick Baschet insiste sur la polyvalence requise pour exercer ce métier. Être membre du personnel navigant ne se limite pas au service en cabine : il faut aussi être capable d’agir en situation d’urgence, déployer un toboggan d’évacuation, éteindre un incendie à bord, ou guider les passagers en cas de crise. Il considère que travailler comme membre du personnel navigant est l’un des plus beaux métiers du monde, en raison des nombreuses formations requises pour l’exercer, y compris en self-defense. 

Travailler à bord d’un avion, c’est être à la fois médecin, plombier, électricien, assurer le service et même nettoyer les toilettes. Mais ce métier permet aussi de rencontrer des personnes de divers horizons : rois, reines, champions de football ou de Formule 1, et de découvrir la culture des autres à travers les différents pays visités. « C’est un métier très enrichissant », affirme-t-il. 

Profession exigeante

En tant qu’instructeur, il a également eu la chance de transmettre ses connaissances aux jeunes qui ont rejoint la compagnie par la suite. Ce métier exige discipline et réflexes, chaque geste pouvant être déterminant en cas d’incident : « Le public ne voit que le service en cabine, mais l’aspect invisible du métier est tout aussi crucial », souligne-t-il. 

D’ailleurs, pour ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie, il rappelle qu’il ne suffit pas d’être attiré par le prestige du métier. « Il faut avoir les compétences et être toujours sûr de ce que l’on fait, car dans un avion, il n’y a pas de place pour l’amateurisme. » Il ajoute également qu’il faut être prêt à prendre des risques, mais aussi savoir profiter de chaque instant, car il y a la phase en vol, dédiée au service des passagers, mais aussi celle où les membres de l’équipage se retrouvent à l’hôtel pour se reposer.

Parmi ses expériences marquantes figure le convoyage d’avions neufs d’Airbus vers Maurice, mais notamment celui de l’ATR 72, un vol inoubliable pour lui en raison de son altitude plus basse qui permettait d’admirer les paysages terrestres. Ce qui fait que le temps de vol a été plus long avec diverses escales. 

Lorsqu’on lui demande s’il referait ce métier, Patrick Baschet répond sans hésiter : « Je resignerais sans l’ombre d’une hésitation. » Il garde une admiration intacte pour cette profession exigeante, mais enrichissante, qui l’a fait grandir en tant qu’homme et en tant que professionnel. 

Son combat pour la mémoire de l’aviation mauricienne 

Aujourd’hui, il mène un combat solitaire pour la mémoire de l’aviation mauricienne. Il regrette le manque de reconnaissance envers les pionniers de l’aviation locale. Il critique notamment les posters affichés dans la zone d’enregistrement d’Air Mauritius à l’aéroport SSR, qui, selon lui, ne reflètent pas fidèlement l’histoire de la compagnie. Il estime que ces affiches devraient mettre en avant les figures mauriciennes ayant contribué à l’essor de l’aviation plutôt que des visuels anecdotiques de compagnies étrangères.

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