La Ligue des Etats arabes a qualifié lundi devant la plus haute juridiction de l'ONU l'occupation des territoires palestiniens par Israël d'"affront à la justice internationale", affirmant que ne pas y mettre fin équivalait à un "génocide".
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La Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, a clôturé lundi une semaine d'audiences sur les conséquences juridiques de l'occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967, avec un nombre inédit de 52 pays appelés à témoigner.
"Cette occupation prolongée est un affront à la justice internationale", a déclaré devant les magistrats le représentant de la Ligue arabe.
"L'incapacité à y mettre fin a conduit aux horreurs actuelles perpétrées contre le peuple palestinien, équivalant à un génocide", a affirmé Abdel Hakim El-Rifai.
Aux yeux d'autres intervenants lundi, une occupation prolongée représente un "danger extrême" pour la stabilité au Moyen-Orient et au-delà.
"Si rien n'est fait, cela risque de menacer non seulement la paix et la sécurité régionales, mais aussi mondiales", a déclaré le représentant turc Ahmet Yildiz.
La plupart des intervenants ont appelé à ce qu'Israël mette fin à son occupation ayant suivi la guerre des Six Jours, mais Washington a pris la défense de son allié.
Le représentant de la Zambie a également déclaré aux juges que les deux parties devaient négocier un accord pacifique sans "rejeter directement la faute sur une seule partie", mais plutôt promouvoir "une solution à deux États".
"Israël et la Palestine ont le devoir de respecter le droit international des droits de l'homme et le droit international humanitaire", a déclaré Marshal Mubambe Muchende.
- "Avis consultatif" non contraignant -
L'ONU a demandé à la CIJ de rendre un "avis consultatif" non contraignant sur les "conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est".
La cour rendra probablement son avis avant la fin de l'année.
Israël ne participe pas aux audiences mais a soumis une contribution écrite dans laquelle il qualifie les questions posées au tribunal de "préjudiciables" et "tendancieuses".
Les audiences ont débuté lundi dernier avec les témoignages de responsables palestiniens, qui ont accusé les occupants israéliens de diriger un système de "colonialisme et d'apartheid" et exhorté les juges à appeler à la fin de l'occupation "immédiatement, totalement et sans condition".
Ces audiences sont distinctes d'une affaire portée auprès de la CIJ par l'Afrique du Sud, qui accuse Israël de commettre des actes génocidaires à Gaza. En janvier, la cour a appelé Israël à prévenir tout éventuel acte de génocide dans ce petit territoire palestinien, mais n'a pas évoqué de cessez-le-feu.
Le conflit a été déclenché par l'attaque sur le sol israélien du mouvement palestinien du Hamas du 7 octobre, qui a fait plus de 1.160 morts, civils en majorité, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, l'armée israélienne a lancé une offensive qui a fait 29.782 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
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La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction des Nations unies, a entendu lundi les derniers arguments dans une affaire qui remet en cause l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, qui dure depuis 56 ans. C'est ce que rapport la BBC sur site site Web lundi 26 février. Voici l'article dans son intégralité :
La question au cœur des audiences de cette semaine est la suivante : quelles sont les conséquences juridiques de l'occupation par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ? Quelles sont les conséquences juridiques de l'occupation des territoires palestiniens par Israël ?
L'affaire n'a peut-être pas le caractère dramatique des récentes affaires portées devant la Cour mondiale, mais Philippe Sands, éminent avocat international, a déclaré à la BBC : "En ce qui concerne les résultats juridiques, l'affaire est très intéressante : "En termes de résultats juridiques et de solution à trouver en fin de compte, cette affaire est aussi importante que possible".
Cette affaire a été engagée par une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) en décembre 2022, avant les attaques du 7 octobre menées par le Hamas l'année dernière et la riposte militaire d'Israël dans la bande de Gaza.
Quels arguments ont été entendus ?
Lors de la première journée d'audition la semaine dernière, Riad al-Maliki, ministre des affaires étrangères de l'Autorité palestinienne (AP), a accusé Israël de "colonialisme et d'apartheid" et de violer le droit du peuple palestinien à l'autodétermination.
Il a illustré sa présentation à l'aide d'une série de cartes semblant montrer l'érosion dramatique du territoire palestinien.
La dernière image montrait le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à l'Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier, brandissant une carte qu'il appelait le "nouveau" Moyen-Orient, dans lequel toute trace de territoire palestinien avait été supprimée.
"Il n'y a pas de Palestine sur cette carte, il n'y a qu'Israël, qui comprend tout le territoire allant du Jourdain à la mer Méditerranée", a déclaré M. al-Maliki lors de l'audition.
"Cela montre ce que l'occupation israélienne prolongée et continue de la Palestine vise à accomplir : la disparition complète de la Palestine et la destruction du peuple palestinien.
L'avocat international Paul S Reichler a déclaré à la CIJ que l'occupation permanente est un oxymore juridique. Une occupation qui se poursuit indéfiniment devient une annexion, a-t-il déclaré.
Philippe Sands, qui faisait partie de l'équipe juridique de l'Autorité palestinienne, a déclaré aux juges : "Le droit à l'autodétermination [...] exige que les États membres de l'ONU mettent immédiatement fin à l'occupation israélienne :
"Pas d'aide, pas d'assistance, pas de complicité, pas de contribution à des actions forcées, pas d'argent, pas d'armes, pas de commerce. Rien du tout".
De nombreux pays ont utilisé leurs présentations de 30 minutes pour faire valoir que le droit du peuple palestinien à l'autodétermination était violé par l'occupation israélienne.
Israël a refusé de participer aux auditions, préférant soumettre une déclaration écrite affirmant que les procédures étaient "nuisibles" aux efforts en cours pour résoudre le conflit, car les questions posées par les Nations unies étaient préjudiciables.
Toutefois, les plus proches alliés d'Israël y ont participé.
Les États-Unis ont déclaré à la CIJ qu'un ordre de retrait sans garanties de sécurité serait préjudiciable aux négociations de paix. Ils ont demandé aux juges de s'assurer que tout avis consultatif servirait à renforcer plutôt qu'à déstabiliser la perspective d'une solution à deux États.
Le Royaume-Uni est allé plus loin que tout autre pays en demandant au panel de 15 juges internationaux de ne pas émettre d'avis consultatif du tout, parce qu'Israël n'avait pas consenti au processus.
Cela peut être en partie lié à une autre affaire portée devant la CIJ par l'île Maurice contre le Royaume-Uni au sujet des îles Chagos, dans laquelle le Royaume-Uni a présenté le même argument et a perdu.
Un certain nombre de pays ont fait référence aux attaques du Hamas, qui ont fait environ 1 200 morts et plus de 250 otages à Gaza, comme preuve du besoin de sécurité d'Israël. Par extension, ils ont affirmé que tout retrait des forces israéliennes devait s'accompagner de garanties de sécurité.
Pourquoi ces procédures sont-elles importantes ?
Si la CIJ émet un avis consultatif juridiquement non contraignant, celui-ci est ensuite transmis à l'Assemblée générale des Nations unies, qui adopte une résolution. Cela serait important et pourrait constituer un catalyseur pour les négociations et fixer les paramètres juridiques d'un futur règlement négocié.
Si la Cour estime que l'occupation israélienne est illégale, elle indiquera à tous les organes des Nations unies et à toutes les nations qu'ils ne doivent rien faire pour soutenir ou contribuer à la situation actuelle.
Une telle décision pourrait avoir des implications commerciales considérables, mais ce sont les conséquences sur la légitimité de la position d'Israël qui seraient les plus importantes. Des pays comme les États-Unis pourraient avoir de plus en plus de mal à continuer à soutenir Israël.
L'affaire portée devant l'Assemblée générale des Nations unies représente la première fois depuis les années 1940 que la plus haute instance judiciaire des Nations unies a l'occasion d'aborder l'ensemble de ces questions.
Au cours des dernières semaines, certaines présentations de la CIJ sont devenues virales sur TikTok, ce qui montre que les arguments juridiques, qui peuvent souvent sembler lointains et déconnectés, trouvent un écho auprès du public dans ce cas, bien au-delà de la grande salle de justice de la CIJ.
Dans le même temps, Human Rights Watch a accusé Israël de commettre des actes assimilables à une "punition collective" en ignorant une autre ordonnance de la CIJ visant à permettre l'acheminement de l'aide à Gaza, exposant ainsi les 2,3 millions de Palestiniens piégés dans la bande de Gaza à la perspective de mourir de faim.
Lundi, des responsables israéliens ont confirmé qu'une réponse avait été fournie à la CIJ concernant la demande de la Cour, le 26 janvier, qu'Israël rende compte d'une série de mesures visant à empêcher qu'un génocide ne se produise à Gaza.
Le gouvernement israélien n'a pas encore indiqué le contenu de cette réponse.
(Source BBC)
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