Le Mouvement militant mauricien, le Parti travailliste et le Parti mauricien social-démocrate sont à la recherche d’un terrain d’entente. L’avenir de Nando Bodha est en suspens, alors que Roshi Bhadain « irrite » Paul Bérenger. Les partis extra-parlementaires peinent à fédérer. À la veille des élections municipales, des observateurs font le point.
Publicité
«C’est une occasion en or pour les partis de l’opposition de faire cause commune. » Telle est l’analyse de l’historien et observateur Jocelyn Chan Low. « Nous savons qu’il n’y aura pas de révolution dans le pays à travers une manifestation, car c’est le constitutionnalisme qui domine. Nous sommes à deux ans des échéances électorales. On cherche une entente probablement pour les élections municipales. Mais le gouvernement organisera-t-il ces élections ? », avance Jocelyn Chan Low.
Pour lui, « l’actuelle agitation » a pour objectif de trouver un terrain d’entente. « Les leaders peuvent facilement trouver un consensus s’il y a une synergie. Le problème demeure l’électorat qui ne plébiscite pas forcément l’alliance entre leur parti et un autre », ajoute-t-il. « La conjoncture est favorable pour un arrangement en vue des municipales. »
Socle
Est-ce que l’actuelle effervescence peut jouer en faveur du gouvernement ? Pas nécessairement. « C’est un fait que le gouvernement est en ce moment impopulaire avec la hausse du coût de la vie. Les partis extra-parlementaires, de leur côté, sont divisés et n’attirent pas, de surcroît avec le départ de Bruneau Laurette. Le socle qui reste est le Mouvement militant mauricien, le Parti travailliste et le Parti mauricien social-démocrate (MMM-PTr-PMSD). Ce groupe pourra éventuellement affronter le Mouvement socialiste militant (MSM). Vont-ils trouver un accord ? Le temps nous le dira », lance l’historien et observateur.
Il poursuit qu’il y a « la rage d’aller voter ». Il cite le sondage de Straconsult qui fait état que 82 % des Mauriciens souhaitent se rendre aux urnes. « Reste à savoir s’ils vont effectivement le faire pour sanctionner ou si le taux d’absentéisme sera élevé. »
Rapport de force
L’observateur Faizal Jeeroburkhan pense qu’une opposition aussi fragmentée fera le jeu du gouvernement, malgré son bilan contestable. « Il faut bien comprendre le rapport de force entre les partis de l’opposition et le parti au pouvoir. Ce dernier prendra le départ avec plusieurs longueurs d’avance sur ses adversaires politiques. Il a la haute main sur les machineries de l’état. Il risque de ne pas se soucier des règles élémentaires démocratiques et de faire fi des dispositions légales. Il a déjà l’avantage de pouvoir choisir la date des élections », indique Faizal Jeeroburkhan.
Selon lui, l’élection peut surprendre l’opposition, quand elle est le plus éparpillée. « Avec ses agents placés à la tête des institutions clés du pays, il n’aura pas trop d’effort à faire pour bénéficier de leur complicité. Ensuite, il utilisera à fond le “ money politics ”. Il pourrait faire appel à la “ dirty tricks unit ” pour mettre les bâtons dans les roues de ses adversaires. »
L’observateur poursuit que « le jeu communal et casteiste, avec le soutien des sociétés socioculturelles, viendra compléter ce scénario ». « Le gouvernement utilisera le Metro Express et les autres infrastructures routières bâties avec l’argent des contribuables, souvent à des coûts exorbitants et dans l’opacité totale. Déjà l’asphaltage des routes est en cours à une vitesse accélérée dans certaines villes », note-t-il.
Face à cette machinerie, l’observateur croit que l’opposition fera piètre figure si elle est fragmentée et désunie. Cependant, l’enjeu final, selon lui, dépendra de la réaction de l’électorat urbain. « Se laissera-t-il amadouer par l’étalage des moyens utilisés par le pouvoir ou jugera-t-il en fonction de la situation économique catastrophique, des scandales à la pelle, des gaspillages de fonds publics, de la mauvaise gouvernance, de la tendance totalitaire, etc. ? »
Pour sa part, le chargé de cours et observateur, Abdallah Goolamallee est d’avis que nous faisons face à une situation sans précédent, à la veille des élections municipales. Il estime que le pays n’a jamais connu un gouvernement et une opposition aussi impopulaires.
« La situation dénote un sentiment de ras-le-bol au sein de la population dans les différentes souches sociales. Ce qui s’annonce mal pour l’esprit démocratique de notre pays. La population est prise en otage », estime Abdallah Goolamallee.
Selon lui, la situation peut mener à un taux élevé d’abstention, peut-être aussi sans précédent pour les élections municipales. Il fait observer que l’opposition parlementaire « est rongée par une bataille d’ego entre les dinosaures pour un leadership qu’ils convoitent tous, mais ne méritent guère ».
« D’un côté nous avons un PTr sans leader à l’Assemblée nationale, représenté par un Arvind Boolell dépassé et un Shakeel Mohamed qui mise plus sur le show que sur le contenu. Nous avons un leader de l’opposition d’un parti minoritaire qui s’est déjà effacé sur l’échiquier politique. Et le MMM gangrène de plus en plus avec un Bérenger plus arrogant qu’avant. »
Par défaut
Pour l’observateur, depuis les élections de 2019, l’opposition parlementaire « se fait et se défait ». « On mène la population en bateau. Zéro programme, zéro projet de société et zéro alternative. L’incapacité de l’opposition parlementaire a donné naissance à l’opposition extra-parlementaire. Elle a fait le boulot démocratique d’opposer un gouvernement. Mais ces partis sont eux aussi rongés par leur ego et un manque de transparence dans leur agenda. Au final, nous avons une opposition parlementaire et extra-parlementaire très fragmentée. » Cette situation fait le jeu du gouvernement qui « par défaut et bien qu’il tienne à peu de choses peut sortir gagnant ».
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !