Avec les années, le monde a évolué et Maurice n’est pas en reste. Avec le phénomène de la mondialisation, les modes des autres pays gagnent rapidement notre île. Lointaine est l’époque de 'letan mangoz', où le passage à une nouvelle année était un jour presque ordinaire. Rencontre avec un couple de séniors qui nous racontent comment, à une époque où la pauvreté régnait, ils célébraient leur réveillon du Nouvel An.
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Quand nous les rencontrons, Prem et Ramba Mungry sont assis sur leur canapé, la porte ouverte sur la route principale de Holyrood, à Vacoas. Ce vieux couple nous livre comment, il y a une quarantaine d’année, ils célébraient le réveillon.
« Je me rappelle, le 30 décembre c’est le jour où l’on changeait les rideaux et on terminait les derniers 'gran nettoyaz' qui restaient, pour être prêts, le 31 décembre, pour accueillir le Nouvel An », raconte Ramba, âgée de 75 ans, sous le regard de son époux, Prem, qui acquiesce silencieusement. Elle ajoute que même si elle n’avait pas les moyens d’échanger les rideaux ou de s’acheter des choses neuves, elle mettait un point d’honneur à ce que tout soit net. Et les enfants aidaient au nettoyage de la maison.
Petit à petit, elle plonge dans ses souvenirs avec une pointe de nostalgie. Comme chaque année, la petite famille s’occupait en premier de la « ration », puis elle allait acheter des vêtements neufs. « Pour nous, la priorité, c’était quand même de ne pas tout dépenser et de penser au mois de janvier, qui ordinairement est un peu plus dur ». S’il restait de l’argent, ils se permettaient d’acheter un petit pétard qu’ils faisaient exploser juste avant minuit. Une tradition qu’elle et son époux respectent encore maintenant qu’ils ne sont plus que deux et que chacun de leurs enfants ont leur propre famille.
À cette époque, pas de grand buffets ni de tables hyper garnies, les réveillons de cette famille se déroulaient dans la simplicité, mais avec beaucoup de joie.
« On ne faisait pas de repas compliqué, 'nu manz legim meme acok nu ress karem sa zour-la... aster la kot trouve sa ress karem le 31' », partage avec nous cette grand-mère. « 'Zot tou prefer al manz zot griyad etc. ek fer shopping, avan dimun pa ti pe sorti mem le 31 asoir la, tout saki ena pou aster fini aster avan, aster tou zafer dimune atan dernie ler'. »
La famille faisait le jeûne le 31 décembre, car le lendemain, ils allaient tous prier au temple.
Les deux époux sont d’accord : avec le temps, les choses ont changé ! « Dès minuit, on se souhaitait les meilleurs vœux entre voisins. Nous avions une entente cordiale. Malheureusement maintenant, c’est chacun pour soi ».
Le couple est émerveillé par les décorations, les unes plus belles que les autres en ces temps de fêtes. Ils sont tous deux d’avis que les fêtes dominent le mois de décembre alors qu’à leur époque, les jours étaient plus ordinaires.
Ramba ajoute qu’avec le temps, elle remarque que les célébrations du réveillon sont devenues très préparées et très compliquées aussi. Elle constate surtout que de moins en moins de personnes passent les fêtes à domicile, que certaines vont à l’hôtel ou tout simplement préfèrent voyager. « Avan kot ti ena tousala » !
Pour Ramba qui a connu les réveillons en toute simplicité, le plus important reste la célébration entre famille, surtout le lendemain quand tous ses enfants débarquent chez elle comme à l’accoutumée.
La modernisation amène une perte graduelle des traditions et des liens
Le sociologue Rajen Suntoo explique ce changement dans les traditions longtemps établies par la modernisation de la société en général.
« Les gens ont plus d’argent dans leur poche donc il n’y a plus besoin d’attendre le Nouvel An pour dépenser, contrairement à des années de cela où les moyens manquaient », explique-t-il.
Il précise aussi que désormais, les gens ont un large choix à leur disposition. C’est le choix qui normalement est le plus avantageux qui prime. « Par exemple, si un jeune a le choix de passer le réveillon en famille ou avec ses amis à faire des choses qu’il aime, le choix est rapidement fait », souligne Rajen Suntoo.
Le sociologue explique que les gens préfèrent rester dans leurs cocons, dans leurs mondes respectifs et les traditions ne sont plus respectées, car cela ne leur importe plus. Les gens ont le choix de célébrer telle ou telle fête. C’est ce qui explique tous ces changements où les traditions deviennent donc secondaires. « C’est ce qui se passe en général, mais après on n’oublie pas qu’il y a quand même des familles, des individus qui tiennent vraiment à suivre les traditions même en ces temps modernes ».
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