Nabil Jaffar est le leader de l’équipe DIS-MOI aux Comores. Journaliste, il jette un regard optimiste sur sa société, malgré les inévitables manquements démocratiques dans un pays qui cherche encore sa voie. Il se dit « farouche défenseur des droits humains » et croit que DIS-MOI aura un impact certain au sein de la société comorienne, car les hommes et les femmes ont « soif de justice équitable ».
« Seule une forte éducation citoyenne et des Droits humains permettront à la démocratie de s’instaurer réellement aux Comores. »
Qui est Nabil Jaffar?
Je suis journaliste de métier et défenseur de toutes sortes de violations des droits humains. Je suis issu d’une famille noble et intellectuelle, ayant brigué pas mal de hautes fonctions dans mon pays et ailleurs. Mais cette chance divine à moitié, je n’en ai pas du tout profité. J’ai grandi dans des milieux où l’on ne mangeait pas toujours à sa faim. Dès mon plus jeune âge, je me suis montré assoiffé du savoir et de belles aventures. Je me flatte d’être un disciple du grand diplomate et homme politique français du XIXe siècle, René Cassin, qui disait que « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité…».
Comment avez-vous pris le train de DIS-MOI ?
J’avais interviewé un proche de la famille et diplomate à Maurice, le consul honoraire des Comores à Maurice, pour le compte de la Gazette des Comores. Interview faite à son domicile à Plaine-Verte, Port-Louis, en 2012, une année après la création de DIS-MOI Maurice. J’ai été séduit par la philosophie de l’Ong. Ce grand homme m’a mis en contact avec le directeur fondateur de DIS-MOI Maurice. Les contacts ont repris fin novembre 2017 et en février dernier, grâce auxquels mon engagement a convaincu Lindley qui, deux mois après, a débarqué chez nous aux Comores. En discutant avec le directeur, j’ai compris qu’il ne fallait pas attendre qu’on nous apporte quelque chose sur un plateau. Comme le disait Malcom X, « les droits de l’homme sont une chose avec laquelle nous naissons », et je compte bien apporter nos richesses culturelles à DIS-MOI.
Votre pays est connu pour son instabilité politique. Quelles en sont les raisons ?
Les raisons de son instabilité politique sont la méconnaissance des valeurs patriotiques, comme nous enseigne René Cassin. Les Comores ont été traînées dans la boue par des équations d’instabilité politique catalysées par des coups d’État. La France n’a pas été qu’un artiste de chaos contre la République. Imaginez que moins d’un mois après notre indépendance inachevée du 6 juillet 1975 (à cause du vol de l’île de Mayotte par la puissance colonisatrice), le révolutionnaire Ali Soilihi a renversé le père de l’indépendance, Ahmed Abdallah Abdérémane. En 1978, deux ans après, le père de l’indépendance est retourné assassiner le révolutionnaire et a installé le mercenaire franco-sud-africain, Bob Denard avec ses tueurs avec pour mission de créer la Garde présidentielle. Ahmed Abdallah Abdérémane fut assassiné par ces mêmes mercenaires le 26 novembre 1989. Durant ses 12 ans de règne, Ahmed Abdallah avait instauré un régime totalitaire et dictatorial. Il faut lire « Le Bal des mercenaires », le roman de l’auteur comorien Aboubacar Said Salim, pour comprendre la terreur du régime. Depuis 1997, les Comores traversent toujours des zones de turbulence. Chaque président, ou presque, une fois installé, se taille une République à sa mesure.
En quoi l’éducation aux droits humains aidera-t-elle votre pays à établir une réelle démocratie?
« Tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas » disait Alpha Blondy. Seule une forte éducation citoyenne et des droits humains permettront à la démocratie de s’instaurer réellement aux Comores. Nous plaidons auprès de nos gouvernants pour relancer les dispositifs existants pour un réel engagement à cette éducation aux droits humains. Nous sortirons alors la tête hors de l’eau pour atteindre une réelle démocratie. Cette formation s’inscrit dans ma vision de lancer l’UPECC (université populaire d’engagement citoyen aux Comores)
Vous venez de créer DIS-MOI Comores. Quelle sera votre mission?
Nous voulons préparer des leaders mondiaux de la paix et de défense des droits mutuels, quelle que soit la voie suivie, via l’UPECC. Nos missions ? Agir par étapes : la formation est la première. Nous créerons des commissions : droits des personnes âgées, c’est un concept nouveau aux Comores, lutte contre la torture policière, commission des droits de la femme et de l’enfant, etc. L’objectif reste la vulgarisation des concepts via les médias et autres moyens de sensibilisation. Tout cela est la matière de base de l’’UPECC. DIS-MOI prendra ensuite sa noble place dans l’évolution démocratique des Comores; notre objectif phare.
Quelles sont les principales questions touchant les droits humains aux Comores?
Pour moi, les deux questions les plus préoccupantes sont : « mieux comprendre la République » et « lutte acharnée contre l’éducation corruptive ».
Vous êtes directeur de DIS-MOI Comores et aussi responsable de la Commission des droits des personnes âgées. Quels sont vos enjeux au niveau international?
La question figure à l’agenda des Nations Unies du 12 au 15 décembre, lors de la 7e session du Groupe de travail à composition non-limité (GTCN) sur le vieillissement de la population. « La résolution 70/163 de l’Assemblée générale relative aux institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme (datée du 17 décembre 2015) a engagé tous les mécanismes et processus pertinents de l’ONU, afin de permettre à un plus grand nombre d’institutions nationales de protection des droits humains de contribuer aux débats de ces mécanismes.» (Source ONU) à l’agenda de la septième session figure la participation des Ong et la participation des institutions de défense des droits humains aux travaux du groupe de travail. Du fait de notre affiliation à HelpAge International, nous nous réjouissons humblement que la pertinence d’une convention des Nations Unies sur les droits des personnes âgées soit soulevée.
Comment voyez-vous votre organisation dans quatre ans?
Une organisation de formation réputée et première dans le pays en éducation citoyenne et des droits humains. Certes, l’objectif n’est pas simple à atteindre, mais je me réfère aux propos d’Ellen Johnson Sirleaf du Liberia, première chef d’État d’Afrique : « Si votre rêve ne vous fait pas peur, c’est qu’il n’est pas assez grand ! »
On parle des Comores comme d’une société matrilinéaire qui respecte les femmes. Lindley Couronne a évoqué un pays ‘où les femmes sont reines’. Votre opinion?
La Comorienne est la plus émancipée des États de la Ligue arabe. Non, on ne bafoue pas les droits de ces dernières. Elles sont reines au foyer. Dans le gouvernement, elles sont trois présentes sur 15 (soit 20%). Il y a deux mairesses sur 20 dans l’île d’Anjouan (20%) et encore pleines de conseillères municipales, prévues par la loi sur la composition des équipes à présenter aux élections.
Mot de la fin
Un grand musulman pakistanais basé à la Réunion, Basharat Naveed dit : « Dieu a fait des Comores un lieu paradisiaque, mais hélas…»
DIS-MOI COMORES : Ou la grande école gratuite du pays
L’OING (organisation internationale non gouvernementale) DIS-MOI Comores est la seule organisation de l’archipel ayant fixé des objectifs d’ici cinq ans. Il y a deux jours, elle s’est engagée dans une formation en ligne d’éducation citoyenne et en droits humains. Les huit membres de son bureau sont encadrés par une équipe dynamique de supporters comprenant des élus locaux, des directeurs généraux et de membres du gouvernement.
Sur le plan travail, DIS-MOI Comores adopte la formule de 5C du travail en équipe; explique le président de l’OING, Fayal Mohamed. « Notre pouvoir est de savoir se défendre et savoir respecter les droits des autres.» Ce jeune juriste insiste que DIS-MOI a des « ambitions immédiates d’obtenir plus de 500 signataires de la charte de l’Amicale des peuples de l’Océan d’ici octobre. »
Fan de Nelson Mandela, le jeune président de DIS-MOI Comores ne cesse de rappeler, dans les rencontres de travail de l’OING, la fameuse citation de Madiba : « Être libre, ce n’est pas le fait de se débarrasser de ses chaînes; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
Avec l’engagement de quatre maires des Comores, à l’instar de M. Amirdine Mohamed, maire de Mutsamudu, ville mère, DIS-MOI s’installe dans les bases, les communes, avant de cibler le sommet. « Ma commune va collaborer avec le projet DIS-MOI Comores », insiste M. Amirdine pour motiver d’autres maires. « Je m’engage à mettre à la disposition de DIS-MOI Comores un local à la mairie de Fomboni » renchérit Abdoul-Mouhaimine, maire de la capitale de Mohéli.
« Compromis, confiance, communication, coordination et complémentarité ». Dès son installation aux Comores en février dernier, l’OING a travaillé avec le schéma des « 5C », et l’engagement des élus et des membres prend peu à peu de l’ampleur.
Dans son modeste bureau sis à Mutsamudu, Anjouan, les membres du bureau se voient chaque semaine. « Les droits humains nous concernent tous et le projet de formation en ligne motive davantage le travail en équipe suivant les principes de confiance, communication, coordination et complémentarité ».
C comme communication
Un forum sur le réseau social assure le « C » de la communication permanente entre les membres, supporters et les autorités, ainsi qu’avec le Secrétaire général de DIS-MOI Océan Indien, Vijay Naraidoo, le président Roshan Rajroop et Mme Qaynnat Anwar, en relation permanente avec DIS-MOI Comores sur le volet de formation en ligne qu’elle chapeaute.
Sur le plan Coordination, le directeur exécutif de DIS-MOI Comores a installé des coordinations dans chaque île : Mme Mina Marguerite est coordinatrice de la Grande Comore, M. Fouad Ahmed Ali, coordinateur d’Anjouan et Omar-dine Ahamada, celui de Mohéli. Ces trois coordinateurs sont supervisés par une coordinatrice nationale, issue de Mohéli, Mme Yousrat Abdourahmane.
« Ils me font des comptes-rendus, les coordinateurs effectuent un bon travail dans leurs iles respectives et pour la préparation de la formation », indique la suppléante du directeur, Mme Armandine Apollinaire. Le directeur d’ajouter : « cette façon de travailler traduit ce principe de complémentarité. Nous inculquons aux membres l’idée de travailler par commission, une méthode fiable appliquée par DIS-MOI Maurice. »
Pour le compromis, tout le monde s’engage, pour la confiance tout le monde croit en DIS-MOI, pour la communication tout le monde relaie l’information utile, pour la complémentarité, le Directeur et les coordinations impliquent tous les membres, ce qui laisse augurer un bel avenir pour la Grande École de Dis-Moi Comores.
Pourquoi La « Grande école » ? Parce qu’on s’est fixé pour objectif de former des centaines de gens à l’éducation citoyenne par an.
Contribution DIS-Moi Comores
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