
Le retrait du MSM des municipales redistribue les forces politiques. L’alliance gouvernementale semble en position de force, mais l’abstention et les partis extraparlementaires pourraient modifier l’issue du scrutin.
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Le retrait du Mouvement socialiste militant (MSM) des municipales du 4 mai redistribue les cartes du jeu politique mauricien. En se retirant officiellement pour se « reconstruire » après sa débâcle électorale de novembre dernier, le parti de l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth offre ainsi une nouvelle dynamique à ses adversaires. Ce retrait soulève immédiatement une question fondamentale : l’alliance gouvernementale du Changement (PTr-MMM-ND-ReA) va-t-elle simplement prolonger sa victoire écrasante des législatives, ou d’autres facteurs vont-ils rééquilibrer les forces en présence ?
À première vue, l’alliance gouvernementale semble en position de force pour réaliser un grand chelem municipal, surfant sur la vague du 60-0 qui l’a propulsée aux commandes du pays. Cependant, la victoire annoncée pourrait être moins écrasante que prévu, suggèrent plusieurs analystes. Pour l’observateur Olivier Précieux, il ne fait aucun doute que « le MMM/PTr-ND-ReA va gagner ». Mais la véritable question demeure : quelle sera l’ampleur de cette victoire ? Il prévoit « un ou deux extraparlementaires par ville ». Cette projection s’explique notamment par l’inconnue majeure de ces élections : le comportement des électeurs orphelins du MSM.
L’abstention pourrait jouer un rôle crucial dans ce scrutin, souligne Olivier Précieux. « L’abstention sera peut-être au rendez-vous. Entre 27 et 30 % de l’électorat, soit trois personnes sur dix, ont voté pour le MSM lors des dernières élections générales. Ils ne voteront peut-être pas aux municipales », analyse-t-il.
D’autres scénarios sont possibles : « Si les votants du MSM décident de se rendre aux urnes, les données des élections vont changer. Mais il y a une autre école de pensée : est-ce que ces trois personnes ne voteront pas pour les partis extraparlementaires ? »
Autre facteur à surveiller : le comportement de l’électorat du Parti mauricien social-démocrate (PMSD). « Les votes de l’électorat du PMSD doivent être suivis de près lors des municipales », affirme Olivier Précieux. Si une partie de ses partisans se reporte sur les listes extraparlementaires, insiste l’observateur, la victoire de l’alliance gouvernementale pourrait être moins éclatante que prévu.
Cette dernière hypothèse ouvre la voie à une autre dimension de ces élections : l’émergence potentielle des forces extraparlementaires comme alternative politique crédible. Face à l’alliance gouvernementale, une nébuleuse de partis extraparlementaires tente d’exister et de capter l’électorat en quête de représentation. Plateform Militan, Reform Party, En Avant Moris, Muvman Liberater… Tous espèrent attirer une partie des électeurs orphelins du MSM. « De fait, les partis extraparlementaires, bien qu’encore fragiles, pourraient créer la surprise », prédit Olivier Precieux.
L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low rappelle d’ailleurs qu’il « ne faut pas oublier que des candidats extraparlementaires ont fait mieux que les candidats du MSM lors des dernières élections générales ». Il cite, par exemple, Patrick Belcourt dans la circonscription n˚19 (Stanley/Rose-Hill) ou encore Roshi Bhadain dans la circonscription n˚20 (Beau-Bassin/Petite-Rivière). Cependant, commente-t-il, « c’est la dispersion des extraparlementaires qui va créer le 120-0 ».
Face à cette fragmentation qui risque de profiter au gouvernement, l’observateur Yvan Martial plaide pour l’unification des partis extraparlementaires. Il n’y a, dit-il, qu’un seul mot d’ordre pour l’ensemble de l’opposition : « Éviter toute division et dispersion des voix adverses au PTr/MMM/ND/ReA. Que tous ces roitelets s’asseyent autour d’une table, ronde de préférence (pour éviter tout risque de présidence contestable), jusqu’à ce qu’ils trouvent le moyen de présenter une liste commune, mais unique et indivisible, pour contrer ce Changement espérant surfer sur sa fallacieuse victoire du 11 novembre dernier. »
Sa mise en garde résonne comme un avertissement pour l’avenir de l’opposition : « C’est à eux de choisir : soit une liste unique de l’opposition réunifiée, soit la course d’un seul cheval. Imaginons seulement l’arrogance du pouvoir si un 120-0 devait suivre un 60-0… »
Le retrait du MSM
Le retrait du MSM est perçu par les observateurs comme un aveu d’impuissance plutôt qu’une stratégie délibérée. Pour Jocelyn Chan Low, le parti n’a tout simplement plus les moyens d’affronter une élection, particulièrement en milieu urbain. « Quelle est la force du MSM dans les régions urbaines ? Toujours les 4 à 14. Toujours se fier à ses alliés. D’où son rapprochement avec le PMSD en 2024. Le parti n’a pas de base solide dans les villes », analyse-t-il.
Deuxièmement, ajoute-t-il, le parti est accablé depuis sa défaite de 2024. « Troisièmement, il s’effrite depuis la débandade. Ce qui fait que le parti est accablé aujourd’hui. Difficile de se présenter aux élections. En sus de cela, ils n’ont pas encore donné d’explications sur les supposés cas de blanchiment d’argent, mais surtout sur les ‘Moustass Leaks’. »
Dans un communiqué publié mardi après-midi, le MSM tente pourtant de justifier son retrait en mettant en avant la nécessité de se reconstruire. « La priorité est désormais donnée à notre reconstruction afin de mieux répondre aux aspirations des Mauriciens », indique le parti, qui insiste toutefois sur son bilan, notamment les avancées réalisées dans les municipalités ces dernières années.
L’argumentaire développé met en avant la modernisation des infrastructures urbaines à Quatre-Bornes, Rose-Hill, Curepipe et Vacoas, ainsi que l’amélioration du réseau de transport avec l’extension du Metro Express. Le parti cite également la création d’espaces verts, comme l’Ébène Recreational Park et la replantation de 1 550 arbres à travers le pays. Il souligne enfin la réhabilitation de marchés et d’infrastructures publiques, notamment à Port-Louis, avec la rénovation annoncée du marché central et du théâtre historique.
« Zot inn twit. » Réaction du Premier ministre Navin Ramgoolam après le retrait du MSM des municipales. Il intervenait à l’issue de trois site visits qu’il a effectuées dans la circonscription n˚5 (Pamplemousses/Triolet), jeudi.
« Ki fass pou montre-la ek seki zot finn fer ek sa pei-la. Ils ont détruit le pays… pou kapav vinn divan la pou explike ? Je pense qu’ils ont bien fait… » a déclaré Navin Ramgoolam, en ajoutant « laisser les citadins choisir leurs représentants, car c’est cela la démocratie ».

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