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Monde des affaires : ces directeurs qui apprennent le français

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Ce sont des hauts cadres étrangers qui travaillent et vivent à Maurice depuis plusieurs années. Pour mieux s’intégrer sur les plans professionnel, personnel et culturel, ils ont décidé d’apprendre le français. Rencontre avec deux d’entre eux.

Sridhar Nagarajan (Managing Director d’IQ-EQ Mauritius) : «Une façon de mieux comprendre les gens et leur culture»

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Sridhar Nagarajan apprend le français depuis 2009.

Sridhar Nagarajan, Managing Director d’IQ-EQ Mauritius, maîtrise l’anglais, l’hindi et le tamoul. Mais, en 2009, il décide de s’initier au français. « Pour moi, apprendre le français est un moyen de mieux connaître la culture et les gens », explique Sridhar Nagarajan. Et c’est ainsi qu’il va suivre une formation de six mois auprès d’un enseignant. Une formation qui lui a permis de connaître les mots les plus couramment parlés tels que « bonjour », « ça va », « merci », pour ne citer que ceux-là.

Depuis la fin de sa formation, le haut cadre pratique le français de « façon moins structurelle ». « J’utilise l’application Babbel assez régulièrement », indique-t-il. Sridhar Nagarajan parcourt aussi tous les jours la presse locale.

Est-il satisfait de son niveau de français ? « Pas entièrement. Je dirai plutôt que je suis un étudiant moyen. Je suis assez faible que ce soit à l’oral ou à l’écrit. Je trouve que le français est assez difficile », observe-t-il..

Du coup, sur le plan professionnel, Sridhar Nagarajan s’en tient à l’anglais. « Le fait de ne pas parler couramment le français n’affecte en rien mes interactions dans le secteur privé ou encore avec les fonctionnaires, Maurice étant un pays bilingue », fait-il ressortir.

Ce qui ne l’empêche pas d’essayer de se parfaire en se concentrant sur les rudiments de la langue. Mais il sait pertinemment qu’avoir une bonne maîtrise du français requerra du temps. « Je suis encore loin du niveau de français de mes filles. Elles ont grandi à Maurice et savent lire, écrire et parler le français correctement », indique-t-il.

Et le créole ?

S’agissant du créole, Sridhar Nagarajan se débrouille. « Je peux tenir une conversation avec mon jardinier », avance-t-il.

Plus de 10 ans à Maurice

Âgé de 47 ans, Sridhar Nagarajan vit à Maurice depuis plus de 10 ans. Cet habitant de Vacoas, qui est père de deux filles, a été successivement le CEO de la Standard Chartered Bank et le CEO de la MauBank. Il est actuellement le Managing Director d’IQ-EQ Mauritius. 

Quand les verbes font peur

Parler une nouvelle langue peut donner lieu à des situations cocasses. Des anecdotes, Sridhar Nagarajan en a plein, mais s’en rappelle une tout particulièrement. « Quand le professeur a introduit, après six mois de formation, les 60 types de verbes en français, c’était devenu ma dernière session formelle d’apprentissage du français », lâche-t-il dans un éclat de rire.

Des cours de niveau I et II pour les débutants

À l’Alliance française de Maurice, des cours de niveau 1 et de niveau 2 sont proposés aux débutants n’ayant aucune notion du français. Le cours de niveau 1 vise le développement des capacités d’expression et de compréhension orales et écrites. « L’objectif est de placer les participants dans des situations authentiques de la vie quotidienne afin de leur permettre d’acquérir les connaissances de base et d’être capables de comprendre et de communiquer en français en vue d’accomplir des tâches simples et habituelles », indique Michèle Stephan. Les apprenants, après avoir complété les niveaux intermédiaire 1 et 2, sont invités à se préparer - s’ils le souhaitent- pour une certification du DELF/DALF. L’Alliance française de Maurice propose deux tranches horaires, en matinée et dans l’après-midi.  Les cours sont dispensés dans ses locaux à Bell Village au rythme de deux fois par semaine, à savoir les mardi et jeudi. « Nous proposons également des cours personnalisés - sur demande - et selon les disponibilités des apprenants », ajoute Michèle Stephan. À savoir que l’Alliance française propose chaque année deux sessions pour les cours adultes en février et en septembre. Les inscriptions pour la rentrée de septembre 2019 auront lieu du 1er au 30 août.

Michèle Stephan du Service des cours à l’Alliance française de Maurice : « Nous formons en moyenne une dizaine de hauts cadres »

L’Alliance française de Maurice offre depuis plus d’une dizaine d’années des cours destinés aux débutants, pour la plupart venant des pays anglophones de différentes parties du monde. « Nous formons en moyenne une dizaine de hauts cadres de la fonction publique ou privée ainsi que des cadres provenant du monde de la diplomatie », indique Michèle Stephan du Service des cours à l’Alliance française de Maurice. La demande, souligne-t-elle, reste constante. « Ceci dans la mesure où, le bilinguisme constitue, pour ces cadres, un atout professionnel majeur.  De ce fait, la maîtrise de la langue française leur permet une intégration sociale et culturelle dans la société mauricienne », explique notre interlocutrice.


Robin Bryan Smither (Senior Executive – Head Corporate Banking chez AfrAsia Bank) : «J’apprends le français pour une meilleure intégration»

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Robin Smither suit des cours chaque semaine.

Chaque semaine, Robin Bryan Smither, Senior Executive – Head Corporate Banking chez AfrAsia Bank, se transforme le temps de deux heures en étudiant. « Je me suis arrangé pour avoir des cours privés avec l’Alliance française. J’ai deux heures de session par semaine avec un enseignant. (Ndlr : Il a commencé ses cours en mars 2019) », indique-t-il.

Mais Robin Smither ne se limite pas qu’à cette formation. « J’accorde aussi deux heures additionnelles à l’apprentissage du français de façon informelle », souligne-t-il. Il essaie aussi d’apprendre la langue de Molière le plus possible par le biais des médias, soit à travers les journaux du jour, la radio, les films ou encore les leçons de français sur Youtube.

Qu’est-ce qui l’a motivé à prendre des cours de français ? « Je suis marié à une Mauricienne. Mes enfants sont Mauriciens (Ndlr : il a une fille et un garçon).  Ils parlent d’ailleurs plus le français que l’anglais. Par ailleurs, je passe beaucoup de temps en famille et au travail avec des Mauriciens. Je veux m’impliquer entièrement dans la culture mauricienne et cela ne peut se faire que si l’on adopte les langues locales », explique-t-il.

Sur le plan professionnel, Robin Smither s’exprime surtout en anglais. De temps à autre, il improvise quelques phrases en français avec ses collègues. « La plupart des Mauriciens sont bilingues et ont un bon niveau de l’anglais. Ainsi, au travail, connaître le français n’est pas requis, mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas important. La capacité à comprendre la culture mauricienne et à forger des relations avec les Mauriciens à la fois au travail et dans l’environnement familial se complète quand on peut tenir une conversation informelle dans la langue locale », avance-t-il.

À l'oral

La priorité de Robin Smither est de maîtriser le français à oral. « Je ne suis pas doué à l’apprentissage des langues et pour moi, c’est un défi d’assimiler les complexités de la langue française. Je me concentre plus sur l’oral que sur l’écrit pour le moment et j’ai encore besoin de m’améliorer », confie-t-il. Et d’ajouter : « Pour être honnête, parler et écrire le français sont deux choses différentes. Écrire le français est très technique. C’est une langue complexe comparé à l’anglais. Même des mots simples peuvent avoir plusieurs connotations. Il faut beaucoup de pratique rien que pour maîtriser les bases ».

L’objectif de Robin Smither est de pouvoir parler couramment le français avec ses collègues, sa famille et ses amis de manière désinvolte. Et de conclure : « En attendant, je m’embarrasse tout le temps au bureau et ailleurs quand je parle le français. Mais c’est une étape obligée : apprendre une nouvelle langue est après tout un long apprentissage ». 

Sa carrière à Maurice

C’est en 2009 que Robin Bryan Smither, qui est âgé de 44 ans, est arrivé à Maurice la première fois en vue de gérer les activités de Corporate Banking de la Standard Bank. « C’était un contrat de trois ans et en 2012, je suis retourné en Afrique du Sud. Toutefois, en 2013, j’ai intégré l’équipe d’AfrAsia Bank et je suis retourné dans l’île en août 2014. Je suis actuellement le responsable des activités de Corporate banking d’AfrAsia Bank », indique cet habitant de Petite Rivière Noire.

«Mari bon !»

Robin Bryan Smither adore le créole. « C’est si expressif. Malheureusement, je ne pourrais pas énumérer la liste de tous les mots créoles que je connais, mais mon expression favorite est ‘mari bon !’ », dit-il, avec le sourire. Outre sa langue maternelle, il maîtrise l’Afrikaan. « En Afrique du Sud, nous devons apprendre l’Afrikaan, qui est une version ancienne de parler du néerlandais », fait-il ressortir. S’agissant du français, Robin Smither est fier de pouvoir dire « Comment vas-tu ?, bonjour, bisou-bisou, bonne nuit, je suis, tu es, il est… ». « Au restaurant, je peux même demander l’addition en français », ajoute-t-il non sans fierté.


Dr Yannick Bosquet (linguiste à l’Université de Maurice) : «Plus on s’ouvre à des langues, plus on s’ouvre aux autres et au monde»

yannickQuels sont les meilleurs moyens d’apprendre une langue étrangère ?
Il y a différents moyens, avec chacun ses avantages et ses inconvénients. La façon la plus bénéfique d’apprendre une langue, c’est l’immersion, soit le fait de pouvoir parler et pratiquer la langue. C’est intéressant que des gens profitent de leur présence à Maurice pour apprendre d’autres langues. J’ai eu l’occasion de donner des cours de créole à des étrangers à Tamarin. C’était une très belle expérience. Cette ouverture vers d’autres langues est très intéressante. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons développé à l’Université de Maurice un laboratoire de langues qui offre la possibilité d'apprendre des langues étrangères. D'ailleurs, nos dirigeants misent aussi sur la dimension multilingue (Ndlr : le nombre de langues présentes sur un territoire, Maurice à titre d’exemple) de notre pays et le plurilinguisme (Ndlr : le fait, pour un locuteur, de parler plusieurs langues) de la population comme atout pour le développement économique.

De nos jours, il y a plusieurs applications pour apprendre une langue étrangère. Sont-elles vraiment efficaces ?
Ce sont des moyens intéressants d’apprendre des langues. L’avantage de ces outils ce qu’ils sont mobiles. L’apprenant peut ainsi apprendre une langue n’importe où et à n’importe quel moment. Il n’y pas lieu d’avoir un endroit physique pour apprendre ou encore d’avoir un enseignant en face de soi. Or, quand on apprend une nouvelle langue, il y a ce besoin d’avoir un contact spontané. C’est cette notion de spontanéité qui manque avec ces applications.

Il ne faut pas avoir peur de la faute.

Dans quelle mesure l’apprentissage d’une langue autre que maternelle est difficile ?
Je serais tenté de dire que ce n’est pas difficile. Plus on est jeune, plus c’est facile. Le développement cognitif de l’enfant fait que jusqu’à l’âge de 12 ans, c’est le moment idéal pour lui d’apprendre des langues. Arrivé à l’âge adulte, on a plus de difficulté bien évidemment. Outre le critère de l’âge, le degré de motivation pour apprendre une langue, seconde ou étrangère, est tout aussi important.

Quels sont les avantages d’être plurilingue ?
Il n’y a que des avantages. Notre vision du monde est façonnée par notre langue. Quand on apprend une langue, c’est avant tout une ouverture vers l’autre. Plus on s’ouvre à des langues, plus on s’ouvre aux autres et au monde. C’est une grande opportunité d’imprimer les différentes visions du monde dans les langues qu’on parle. Il y a aussi d’autres avantages, notamment socio-économique en termes de perspectives d’emploi à titre d’exemple.

Quels sont vos conseils à ceux qui apprennent une langue étrangère ?
Il faut beaucoup de régularité et avoir la passion d’apprendre. Il faut parler la langue et la pratiquer le plus possible. Il faut également ne pas avoir peur de la faute. Un des constats que nous faisons ce que les apprenants ont un sentiment d’insécurité linguistique. Ils ont peur qu’on se moque d’eux. Au contraire, s’il y a faute, autant qu’on la corrige que de la garder.

 

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