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Missie Moutass Leaks - Commission d’enquête sur l’usage présumé abusif des télécommunications : un pas en avant, deux pas en arrière

Les attributions de la commission d’enquête sur « l’usage présumé abusif des télécommunications », annoncée vendredi, ne vont pas dans la bonne direction, estiment Noren Seeburn, ancien magistrat, Kris Valaydon, consultant en politique et institutions, et Jean-Claude de l’Estrac, journaliste et ancien ministre. 

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Kris Valaydon : «Le sentiment de révolte et de colère pas atténué»

Kris Valaydon, Legal, Policy and Institutions Consultant, analyse cette situation avec un œil critique. « La diffusion des conversations téléphoniques dans les médias et réseaux sociaux est un acte éminemment politique, avec des conséquences importantes sur la conscience collective, que ce soit du politicien ou du peuple », déclare-t-il. Cette affaire prend une dimension particulière à la veille des élections.

Selon lui, l’annonce de la commission d’enquête reflète une tentative du gouvernement de montrer qu’il prend cette situation au sérieux. Cependant, pour beaucoup, cette commission ne répond pas à leurs attentes. « Le présent chamboulement dans l’opinion publique n’est pas d’ordre technologique », explique-t-il. « Ce n’est pas tant l’usage des infrastructures de télécommunication qui agit sur la conscience populaire, mais bien l’aspect politique, voire électoral, des bandes sonores de Missie Moustass », ajoute-t-il. 

Il affirme que cette commission, dont les conclusions ne seront rendues publiques que dans plusieurs mois, n’atténue pas l’impact négatif déjà enraciné dans l’esprit de la population. La publication de ces enregistrements a, en effet, suscité de vives réactions parmi la population. Certains expriment leur exaspération concernant des proches du pouvoir. « La création de la commission d’enquête ne parvient pas à apaiser le mécontentement croissant parmi la population. Ce sentiment de révolte risque de s’intensifier au fur et à mesure que Missie Moustass continue de publier de nouveaux enregistrements compromettants », dit-il.

Enfin, pour nombre de citoyens, l’attente d’une véritable enquête ne concerne pas l’identité de « Missie Moustass », mais bien les accusations graves que les bandes sonores contiennent. Comme l’indique Kris Valaydon, « le public aurait souhaité une commission qui se penche sur les graves allégations présentes dans les enregistrements ».

Me Noren Seeburn : « Une commission pour rassurer les pays étrangers »

Les « Missie Moustass Leaks » ont été évoqués par le Parlement britannique, mercredi dernier. Le ministre d’État au Foreign, Commonwealth et Development Office, Stephen Doughty, a déclaré : « We note the reports with significant concern ». Pour l’ancien magistrat Noren Seeburn, le gouvernement cherche à rassurer la Grande-Bretagne concernant l’accord sur Diego Garcia. Cela s’explique par une communication entendue sur l’une des bandes sonores, impliquant la Haute-commissaire britannique à Maurice et un représentant de l’État. Comme il s’agit d’un sujet d’intérêt international, il est tout à fait normal que le gouvernement veuille établir une commission d’enquête pour faire la lumière dessus. 

Cependant, pour Me Seeburn, cette décision « est largement insuffisante ». Et d’ajouter : « C’est bien de mettre sur pied une commission pour rassurer les pays étrangers. Toutefois, c’est surtout le peuple qu’il faut rassurer, non pas sur les fuites, mais sur le contenu des conversations. Je déplore qu’au bout de 56 ans d’indépendance, les politiciens ne comprennent toujours pas que le vrai patron du pays est le peuple et qu’il faut satisfaire ses attentes. »

L’ancien magistrat affirme que le contenu des bandes sonores « est de la plus haute importance, car il affecte directement des garanties conférées par la Constitution au citoyen, dont celle d’être protégé par une police indépendante et impartiale ». Il ajoute : « La justice est fausse si les enquêtes policières sont faussées. Sommes-nous un peuple qui est privé de justice, l’oxygène de la société ? » 

Pour lui, il est essentiel d’instaurer une enquête exhaustive sur tous les aspects de l’affaire, surtout à l’approche des élections, où les Mauriciens s’apprêtent à désigner leurs représentants au Parlement pour les cinq prochaines années.

Jean-Claude de l’Estrac : « Pas dans la direction attendue par la population »

L’ouverture d’une enquête judiciaire, annoncée vendredi par le Directeur des poursuites publiques (DPP), sur le décès de Jacquelin Steve Juliette, survenu après une opération de la brigade antidrogue à Résidence Sainte-Claire, Goodlands, le 4 janvier 2023, « est la seule bonne nouvelle de ces derniers jours », selon Jean-Claude de l’Estrac. Dans deux bandes sonores de « Missie Moustass », on peut entendre des conversations entre des personnes parlant des circonstances entourant le décès de Jacquelin Steve Juliette.

Intervenant dans l’émission Soirée de campagne sur Radio Plus, vendredi soir, l’ancien ministre et l’ex-directeur général de La Sentinelle et rédacteur en chef de l’express, indique que « tout n’est pas perdu tant qu’on a encore des institutions, de plus en plus rares, qui fonctionnent encore. La chance du pays est qu’on a un DPP indépendant dans sa prise de décision. Mais c’est une issue dans une douzaine d’issues de la même gravité ».

Par contre, « la décision du Conseil des ministres de nommer une commission d’enquête ne va pas dans la direction attendue par la population ». Pour lui, il faut surtout que la commission d’enquête se penche sur les « dysfonctionnements extrêmement graves » révélés par les bandes sonores. « Il est inacceptable que sur ces questions, le gouvernement et le commissaire de police restent muets. Si ce dernier est innocent, sa première réaction devrait être de jurer un affidavit pour dire la vérité. Mais c’est le silence complet », déplore-t-il.

De quoi s’agit-il ?

Vendredi, le Conseil des ministres a approuvé la création d’une commission d’enquête pour examiner des « allégations d’usage abusif des infrastructures de télécommunications, ainsi que la diffusion récente de conversations téléphoniques présumées sur les réseaux sociaux et autres plateformes ». La décision, annoncée par le Cabinet, vise à faire toute la lumière « sur une affaire jugée d’intérêt public ». Cette commission sera présidée par un ancien juge qui sera assisté de deux experts étrangers.

Conformément aux dispositions de la loi sur les commissions d’enquête, la commission aura pour objectif de recueillir des témoignages et d'analyser les éléments liés à l’utilisation des télécommunications et aux répercussions des fuites alléguées, qui ont agité les réseaux sociaux et déclenché un vif débat public. Ce sont ici les « Missie Moustass leaks » qui sont visés, mais aussi les médias et membres du public qui ont partagé ces bandes sonores sur les réseaux sociaux.

La commission devra traiter des questions essentielles concernant l'utilisation des infrastructures téléphoniques et les éventuels manquements à la confidentialité des échanges. Cela se déroule dans un contexte où les réseaux sociaux prennent une place de plus en plus importante dans la diffusion d’informations sensibles.

 

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