Le Budget 2016/17 encourage les enfants de famille au bas de l’échelle à compléter leur scolarité. Le ministre des Finances espère éradiquer la pauvreté. Reste à savoir si les mesures annoncées vont réellement alléger les familles dans le besoin.
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Au squat Paul et Virginie à Cité La Cure, l’extrême pauvreté est visible. Les petites cases en tôle reflètent la situation précaire dans laquelle vivent les familles de la localité.
Nous rencontrons Chritianne Momisse. Cette maman de quatre enfants, âgés entre 8 mois et 16 ans, ne travaille pas. Elle touche une aide sociale qui ne lui permet toutefois pas de joindre les deux bouts chaque mois.
« C’est à peine si je peux m’acheter de quoi manger avec ce que je touche. Mes enfants vont souvent dormir le ventre vide. Ils me disent qu’ils ont faim, mais je n’ai rien à leur donner. Ils pleurent et s’endorment », raconte-t-elle.
Désabusée, elle ne pense pas que le dernier budget va l’aider à sortir de la pauvreté. « Il y a eu beaucoup de mesures qui nous concernent dans ce budget, mais je ne vois toujours pas la lumière au bout du tunnel. Voyez dans quel état je vis. Je n’ai pas de maison, mes enfants non ni vêtements ni nourriture. Il en faut beaucoup pour nous sortir de là ».
Patricia, maman de deux enfants, est tout aussi pessimiste. « J’ai un bébé de six mois et un enfant de sept ans. Mon époux fait de menus travaux pour nous nourrir, mais il ne gagne pas beaucoup. On n’a ni eau ni électricité. Le budget annonce qu’il y aura la construction de nouvelles maisons. Cela fait des années que nous nous battons pour en avoir une. Je ne suis pas sûr que cette fois sera la bonne ».
À quelques kilomètres de là, c’est ne n’est pas le même sentiment qui anime les habitants d’un squat à Roches-Bois. Ils considèrent que la baisse du prix du gaz ménager, la détaxe des vêtements et la construction de nouvelles maisons pour les familles à faibles revenus vont leur permettre de sortir de la misère. Jean dit bien accueillir ces mesures. « C’est un bon budget. La bonbonne de gaz a baissé ainsi que les vêtements ».
Sa voisine, Corina Allasse, va elle aussi dans le même sens. « Le seuil de pauvreté a été rehaussé. Cela aidera beaucoup de familles. Avant on leur disait qu’elles touchent plus de Rs 6 200 et qu’elles n’étaient pas éligibles à une aide sociale. Cette révision les soulagera ».
Mesures budgétaires 2016/2017
- À partir du 1er décembre 2016, les familles touchant entre Rs 2 720 et Rs 9 520 bénéficieront d’une aide sociale soit d’une « Monthly Subsistance Allowance ».
- Un portefeuille de Rs 500 000 attribué à la lutte contre l’extrême pauvreté.
- Ceux ayant complété la Grade 9 dans la 9-Year Schooling bénéficieront d’un « Cash Award » de Rs 15 000. Rs 25 000 seront offertes à ceux ayant complété le School Certificate ou l’équivalent et Rs 35 000 à ceux ayant réussi au Higher School Certificate ou l’équivalent.
- Les frais d’examen de rattrapage pour les élèves issus de familles pauvres seront pris en charge par le gouvernement.
- La subvention mensuelle pour les crèches passe de Rs 1 500 à Rs 2 000 par enfant.
- L’engagement communautaire et l’enseignement académique seront intégrés dans cinq écoles ZEP de l’île sur une base pilote.
- La Meal Allowance pour les élèves qui fréquentent les écoles ZEP passe de Rs 40 à Rs 60 par jour et par enfant.
- 800 unités de logement seront construites durant les trois prochaines années. La mesure s’inscrit dans le contexte du Plan Marshall.
- Rs 1 milliard sera injectée dans la construction et l’achèvement de 1 900 unités de logement avec des maisons jusqu’à 50 mètres chacune sur seize sites à travers l’île.
Dany Phillipe, travailleur social : « Les allocations ne suffisent pas »
Le travailleur social et coordinateur de Leadership Empowerment Action for Development (LEAD), Danny Philippe est catégorique. Les allocations sociales ne suffisent pas à elles seules pour venir à bout de la pauvreté. Il estime que c’est une bonne chose d’avoir mis l’accent sur la lutte contre la pauvreté dans le Budget 2016/17, mais que sans accompagnement, les mesures ne valent pas grand-chose. Fournir des logements sociaux selon lui ne suffira pas à sortir les gens de la pauvreté.
« Le cas de La Valette est un bon exemple. Quand on a donné des logements sociaux à ces habitants, il n’y a pas eu d’accompagnement et le projet a été un désastre. Aujourd’hui, le budget parle de logements pour les pauvres, surtout quand ces maisons font 50 mètres carrés. Il est nécessaire de les suivre pour qu’ils puissent intégrer cette nouvelle vie ».
Danny Phillipe est aussi d’avis que la société civile et les organisations non gouvernementales doivent travailler ensemble pour venir à bout de l’extrême pauvreté. « Avant de venir avec des mesures pour aider ces gens, nous devons avant tout connaître leurs vrais besoins. Pour cela, nous devons faire un travail de terrain. Nous devons tous travailler ensemble pour venir à bout de la pauvreté ».
Sajida Dauhoo de SOS Poverty : « Il y a des zones d’ombres »
Sajida Dauhoo, de l’organisation SOS Poverty, est d’avis que les mesures budgétaires concernant la pauvreté peuvent alléger la souffrance des pauvres, mais sont loin de pouvoir l’éradiquer. « Le seuil de pauvreté a été rehaussé, mais Rs 9 520 est toujours faible à mon avis ». La travailleuse sociale estime qu’il y a encore des zones d’ombres en ce qui concerne ces mesures.
« En termes d’aide, nous ne connaissons toujours pas les procédures. Nous avons vu une ébauche du Plan Marshall, mais nous nous demandons toujours ce qu’il implique ou encore comment les autorités vont procéder pour l’appliquer. Il faut aussi un suivi de ces personnes et non pas leur fournir des allocations sociales uniquement ».
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