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Mesures climatiques dans le Budget 2024-2025 : sont-elles à la hauteur des enjeux?

Inondations, sécheresse, diminution de la superficie forestière, perte des coraux... autant de problèmes auxquels le pays doit faire face en raison du dérèglement climatique.  

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Diminution de la superficie boisée - Vikash Tatayah : «La plantation d’arbres doit s’accompagner de mesures de protection»

Vikash TatayahLes différentes mesures visant à augmenter le nombre d’arbres sur l’île sont plutôt bien accueillies par la Mauritian Wildlife Foundation (MWF). Cependant, son directeur de la conservation, Vikash Tatayah, estime que ces initiatives nécessitent quelques conditions pour être efficaces.

Vikash Tatayah salue l’initiative d’augmenter la superficie arborée grâce au Programme de Reforestation et de Plantation d’Arbres annoncé dans le budget 2024-2025, qui prévoit d’accroître la couverture forestière de 100 hectares par an au cours de la prochaine décennie.

Cependant, il insiste sur trois conditions essentielles :

  1. Utilisation de plantes endémiques : «Il faut que ce soit un mélange d’espèces appropriées, endémiques, indigènes, etc.», dit-il, suggérant de prendre exemple sur Rodrigues pour la plantation d’arbres.
  2. Contrôle strict de la déforestation : Vikash Tatayah rappelle qu’un rapport préliminaire du National Land Development Strategy du ministère des Terres mentionne une perte annuelle de quelque 1000 hectares de forêt. «À mon avis, cela pourrait être plus», ajoute-t-il, soulignant qu’il serait regrettable de faire un pas en avant mais deux en arrière. «Fode pa deforeste pu fer larout, lelvaz zanimo ou proze IRS,» prévient-il.
  3. Engagement de toutes les parties prenantes : La plantation de 100 hectares d’arbres chaque année est un travail colossal qui nécessitera la collaboration du secteur privé, des ONG, de la société civile, entre autres. «Il ne s’agit pas seulement de planter, mais aussi de maintenir ces arbres. Il y a des taux de mortalité, des plantes envahissantes, des clôtures à mettre en place,» explique-t-il, en soulignant également la problématique de la disponibilité de la main-d’œuvre, pour assurer ces projets.

Morcellements

Concernant la mesure imposant aux morcellements et Smart Cities de plus de 5 arpents de consacrer au moins 4 % de la zone au développement d’une mini-forêt, Vikash Tatayah considère cela comme un bon début mais juge néanmoins ce taux insuffisant. «Sur un hectare de développement, il faudrait prévoir 100 mètres carrés de mini-forêt, soit une superficie de 10 mètres par 10 mètres. À mon avis, ce n’est pas assez. Cela aurait pu être le double, voire le triple,» estime-t-il. Il suggère également de favoriser les plantes endémiques et indigènes, ce qui pourrait apporter une valeur ajoutée à un terrain mis en vente.
Enfin, la mesure visant à planter des arbres sur les berges des rivières et les montagnes est accueillie favorablement par l’expert, mais il estime qu’il faudrait aussi inclure les « rivulets » et les canaux. «Il faut restaurer les berges de rivières ainsi que les fonctions de leur écosystème. Il faut planter des arbres indigènes, plus résistants aux effets du changement climatique et aux inondations, qui retiennent fermement le sol,» dit-il.

Cependant, il attire l’attention sur les travaux de dragage effectués au niveau de certaines rivières pour les élargir ou les approfondir afin de permettre à un plus grand débit d’eau de s’écouler lors de fortes pluies. Il mentionne également les nombreux cas d’empiètement et le non-respect du «setback» à observer lors de la construction à proximité des rivières. «À un moment donné, il faudra avoir le courage de prendre une décision sur ces cas d’empiètement,» conclut-il.


Replantation de coraux - Sébastien Sauvage : « Des mesures cosmétiques »

Sébastien SauvageIl est crucial de fournir des efforts pour restaurer nos rivages et réhabiliter les écosystèmes dégradés. Cependant, les actions proposées, si elles ne prennent pas en compte la nature systémique de l’urgence environnementale actuelle, risquent de se révéler être des solutions temporaires, des « pansements » sur un problème beaucoup plus profond. La dégradation des écosystèmes marins et côtiers de notre île (coraux, herbiers, dunes de sable, mangroves, wetlands) est due avant tout aux activités humaines ! Avec une politique qui promeut l’artificialisation à outrance des sols mauriciens via la mise en place de projets d’urbanisation « gated », villas de luxe, foncier et une agriculture dopée à toutes sortes de produits nocifs pour la santé de nos compatriotes et de la biodiversité en général, prétendre à une action de restauration est dérisoire. Comment donc accueillir la proposition du gouvernement qui permettrait aux hôteliers, ou à tout autre acteur, de pouvoir extraire du sable de nos lagons pour se protéger d’une montée des eaux qui est inévitable face au dérèglement climatique ! Les projections présentées par le ministère de l’Environnement lors des consultations pour Adapt’Action Phase II en juin 2023 sont claires face à ce problème. Elles indiquent que « les plages pourraient disparaître lentement (50 millions USD de perte en valeur ajoutée d’ici 2050) » et que « le niveau de la mer pourrait monter jusqu’à 1 mètre d’ici 2100 + risques de surges ». L’extraction de sable pour protéger les plages des hôtels ne fera qu’aggraver une situation déjà bien périlleuse ! L’impact continu sur les lagons, déjà fragilisés par les activités humaines, pourrait entraîner des dégâts irréversibles sur ces écosystèmes et leur biodiversité. Ainsi, les initiatives de replantation de coraux resteront des mesures cosmétiques si elles ne sont pas accompagnées de véritables efforts pour réduire la pression des activités anthropogènes. Une restauration efficace des écosystèmes marins et côtiers implique la régénération des mangroves, des wetlands, la protection des habitats naturels sur toute l’île ainsi que la création de récifs artificiels pour stabiliser les sédiments et protéger les côtes contre l’érosion. Il est inquiétant de constater que les propositions du gouvernement ne comprennent pas de stratégies de débitumage et de retrait du trait de côte.

Ces actions sont pourtant essentielles pour dédensifier les espaces urbains, favorisant ainsi la biodiversité et l’infiltration des eaux de pluie. Elles sont également cruciales pour s’adapter aux effets du changement climatique et protéger durablement les zones côtières.


Inondation et sécheresse - Farook Mowlabucus : « Rien d’extraordinaire, si ce n’est les projets de drains »

Farook MowlabucusÀpart les Rs 1 milliard allouées durant l’année financière 2024-2025 pour la construction de drains, il n’y a rien d’extraordinaire en termes de mesures pour faire face aux défis climatiques. Tel est l’avis de l’hydrologue Farook Mowlabucus.

Face à la multiplication des épisodes de « flash floods » et de pluies torrentielles ces dernières années, provoquant des inondations parfois mortelles, Farook Mowlabucus estime que la construction de drains est une nécessité. Il souligne toutefois que ces drains devraient être dimensionnés pour faire face à la quantité croissante de pluie due au dérèglement climatique, qui entraîne des pluies torrentielles de plus en plus fréquentes. « La Land Drainage Authority doit collaborer étroitement avec la station météo pour obtenir les informations nécessaires, permettant ainsi aux ingénieurs de concevoir des drains aux dimensions adéquates. Il ne faut pas construire des drains simplement pour en construire », dit-il.

Au sujet du problème de disponibilité d’eau dû aux périodes de sécheresse, Farook Mowlabucus accueille favorablement la mesure visant à injecter Rs 930 millions afin de démarrer les travaux tant attendus du barrage de Rivière des Anguilles. « C’est bien que ce projet ne figure plus seulement sur papier », déclare l’hydrologue. Selon lui, ce projet sera une bouffée d’air frais pour les habitants du sud en termes d’approvisionnement en eau. Cela dit, notre interlocuteur recommande que les travaux de remplacement des tuyaux vétustes se fassent en parallèle afin de réduire la perte d’eau dans les réseaux de la Central Water Authority, qui avoisine les 60 % par endroit. « Il faut aussi étendre le réseau là où c’est nécessaire », suggère-t-il.


 

 

 

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