L’avocate évoque les facteurs qui font qu’un procès au pénal peut prendre dix ans ou plus. Pour elle, c’est dû à des raisons indépendantes de la volonté des parties concernées. Elle estime cependant que s’il y a eu preuve de délai déraisonnable, préjudice et injustice, c’est qu’il y aurait eu abus de procès.
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Notre législation protège-t-elle un justiciable de longues années d’attente avant que son procès ne soit entendu en cour ? Si oui, que dit notre législation à ce propos ?
Il faut bien distinguer le procès pénal du procès civil. On parle ici de procès au pénal. La Constitution mauricienne sous l’article 10 (1) prévoit que quiconque est poursuivi pour une offense, à moins que l’accusation ne soit retirée, son procès doit comprendre des auditions équitables et doit être entendu dans un délai raisonnable par une cour de justice impartiale et indépendante.
De par cette provision de notre source de droit suprême, on peut clairement déduire que le procès doit impérativement être entendu dans un délai raisonnable.
En dépit de ces dispositions légales, on note que certaines personnes attendent parfois durant deux, trois ou même dix ans avant d’obtenir un « jugement ». N’y a-t-il pas abus de procédure ou tactique dilatoire des parties ?
Certes, la garantie d’un procès dans un délai raisonnable, c’est du noir sur blanc. La réalité est toute autre. Certainement en dépit de la provision constitutionnelle susmentionnée, on note que de nombreuses personnes attendent des années avant que des procès ne soient entendus ou avant qu’elles n’obtiennent les jugements.
Je n’ai pas de statistiques sous la main, mais c’est connu ! Bon, il faut cependant comprendre que plusieurs facteurs peuvent contribuer au retard d’un procès : le système de l’accusation provisoire (provisional charge), la lenteur administrative de l’appareil policier, le nombre exorbitant d’affaires pénales dans un système judiciaire qui progresse pas à pas, un nombre insuffisant de magistrats, le partage des salles d’audience, l’absence persistante des témoins, les renvois injustifiés des procureurs et des avocats de la défense ou l’impossibilité d’avoir des dates communes tôt entre les avocats et la cour, entre autres.
Il y a aussi le fait déplorable qu’on ne dispose que d’un seul laboratoire médico-légal et que nombre de nos salles d’audience ne sont pas équipées de systèmes de transcriptions. Je ne vous ai mentionné que quelques-uns des facteurs contributifs qui font que certains procès durent des années. Vous aurez remarqué que les délais dans la plupart des cas sont dus à des raisons indépendantes de la volonté des parties concernées.
L’avocat de l’accusation aussi bien que celui de la défense connaissent bien les provisions de leur code d’éthique en ce qui concerne le procès juste en faveur d’un l’accusé. S’il y a un abus de procédure, définitivement cela revient à l’avocat de la défense, ou à la cour, de réagir tôt durant le procès pour que le préjudice ne se sente pas à la date du jugement.
«Si l’accusé décède lorsqu’il attend d’être jugé, l’avocat de la poursuite produit l’acte de décès en cour et l’affaire est rayée.»
Comment une personne peut-elle obtenir justice en raison de délai « déraisonnable » dans l’audition d’un procès ?
On sait tous, comme dit l’Anglais, que « justice delayed is justice denied ! » C’est vrai qu’un délai déraisonnable, comme vous le dites, est de mauvais augure. Mais dans le système judiciaire mauricien avec les facteurs indépendants de notre volonté et les efforts répétés des magistrats et des juges, on ne peut aller jusqu’à légaliser les délais avec un manque de justice.
La jurisprudence mauricienne est témoin de certains cas dans les lesquels l’accusé avait subi des délais déraisonnables imputables à la défense elle-même ! La justice, quand a elle, est garantie par l’autorité judiciaire même dans ces cas. Il y aura abus de procédure que s’il y a preuve de délai déraisonnable qui a causé à l’accusé des préjudices et de l’injustice.
Qu’en est-il de la victime ? Dans le cas de gel de procès ou d’acquittement pour pour manque de preuve ? Que se passe-t-il quand l’accusé décède alors qu’il attend d’être jugé ?
C’est un fait déplorable pour la victime certainement qui bien souvent se sent en procès elle-même. Mais les facteurs qui contribuent à cette situation sont divers comme susmentionnés.
Qu’en est-il de la victime dans le cas où le procès est gelé pour abus de procédure ou parce que l’agresseur (je dirai présumé agresseur) est acquitté pour manque de preuve ? Il faut se dire que tout accusé bénéficie de la présomption d’innocence garantie par la constitution.
Notre système de preuve pénal est basé sur le système anglais – « adversarial system ». Cela veut dire que le manque de preuve contre le présumé agresseur peut entraîner son acquittement. Si l’accuse décède lors qu’il attend d’être jugé, l’avocat de la poursuite produit l’acte de décès en cour et l’affaire est rayée.
C’est pourquoi c’est impératif que chaque maillon dans la chaîne de justice pénale fonctionne avec diligence et efficacité pour que la victime obtienne justice.
Pensez-vous qu’il y a lacune au niveau de notre administration judiciaire ?
Je pense qu’il y a une lacune mais qui n’est pas imputable à quelqu’un ou à une institution spécifique. C’est le système lui-même qui est rempli de lenteur administrative.
Pourquoi maintenir un procès durant plusieurs années ?
Je vous ai mentionné les facteurs qui font que beaucoup des procès durent plusieurs années. Mais dans de nombreux cas, c’est indépendant de la volonté des parties concernées.
Quelle est la solution pour remédier à cette situation ?
La réforme législative et administrative, la participation loyale de chaque maillon du système pénal judiciaire, y compris celle du public.
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