Interview

Me Jacques Panglose G.O.SK : «C’est contre le principe de l’égalité des armes»

L’avocat Marie Jacques Laval Panglose G.O.S.K L’avocat Marie Jacques Laval Panglose G.O.S.K

Vous êtes témoin ou victime d’un acte répréhensible ou vous possédez des renseignements pouvant aider le tribunal dans une affaire criminelle. Quelles sont vos obligations envers la justice ? Réponses dans l’entretien qui suit avec l’avocat  Marie Jacques Laval Panglose, G.O.S.K.

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Quelles sont les obligations d’un témoin envers la justice ?
Le témoin a l’obligation de dire tout ce qu’il a vu en toute honnêteté. Cependant, suivant la jurisprudence anglaise, il doit être libre de dire les faits comme il veut, même s’il sait que ce qu’il dit est faux. Il bénéficie de l’immunité absolue contre toute action  au civil pour ce qu’il raconte en tant que témoin. C’est un drame que nous suivions cette façon de penser des Anglais. Bien entendu, le témoin peut être poursuivi pour parjure. Mais, le mal aura déjà été fait. Le témoin peut également rester silencieux. À ce moment, il subira les conséquences et devra payer une amende pour refus de témoigner.

Quand et comment, un témoin à charge obtient-il l’immunité ?
Si vous parlez de l’immunité contre toute poursuite pénale, il l’obtient quand la poursuite le décide. C’est probablement quand cette dernière n’a aucune preuve pour se battre, sauf les dires du témoin qui est un complice dans le crime en question.

Que dit notre législation sur l’immunité ?
C’est à la poursuite d’accorder l’immunité sans avoir à se justifier. À part cela, la Commission of Inquiries Act régit la procédure pour les témoins devant une commission d’enquête, et d’autres lois pour d’autres situations.

Est-il normal qu’un témoin qui a commis un acte criminel obtienne l’immunité ?
Non. Cela relève de la discrétion entière du chef de la poursuite, qui est le Directeur des poursuites publiques (DPP).

Mais tout acte criminel doit être puni…
Ici, c’est l’exception basée probablement sur un concept nébuleux qui s’appelle l’intérêt public.

Comment peut-on rétablir cette injustice ?
On ne peut pas, du moins à ce stade. La loi demeure obscure. Un jour viendra quand le concept de « l’homme intégral » dominera tout. On n’en est pas là. J’y crois cependant, car je crois en l’intelligence. On dira alors : l’immunité contre toute poursuite accordée à un témoin à charge casse le principe fondamental de l’égalité des armes pendant ce combat qu’est un procès. Ce principe est garanti par l’article 10(1) de la Constitution, qui donne le droit à un procès équitable à tout accusé. Cela exige que l’accusé ait une opportunité raisonnable de se défendre dans des conditions qui ne le mettent aucunement à subir un désavantage substantiel vis-à-vis de la poursuite. Cela a été dit dans l’affaire Kaufman contre la Belgique.

Quand le procureur peut, par ce sombre artifice qu’est l’immunité contre toute poursuite, obtenir qu’un autre accusé ou un complice ne vienne témoigner contre la défense, cette partie subit un désavantage substantiel. Elle ne peut, en aucun cas, être compensée dans ses droits constitutionnels. Il n’y a aucun levier de contrepoids qui permette de rétablir la balance afin que le procès soit juste et équitable.

La raison est que sans l’immunité, la poursuite restait bouche bée, faute de preuves, la voilà soudain loquace par les mots de l’infâme coauteur. Cela est non seulement indigne, mais aussi rabaisse le niveau du droit à un troc. Ce n’est pas humain. C’est injuste et inique. La défense ne pourra jamais bénéficier de tels subterfuges. Elle n’en a pas besoin non plus. Mais le drame c’est qu’elle en souffre. L’injustice s’évanouira quand s’appliqueront pleinement les règles humaines du droit au lieu de répéter les maximes issues du XVIIe siècle anglais.

 

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