Me Bebakur Rampoortab : «La donation est une avance sur la succession»

L’avoué Bebakur Rampoortab évoque pour nous les combinaisons de valeurs familiales et leurs raisons d’être. Il soutient que ces valeurs orientent souvent une personne dans ses prises de décisions et le choix de son mode de vie.

Qu’est-ce que la famille ?
La famille, c’est l’ensemble des personnes liées par un lien de sang. Sur le plan légal, la famille consiste du père, de la mère, des enfants, de la femme et de l’époux. Les collatéraux sont mis au second plan.

Quels sont les devoirs des parents ?
Les parents oeuvrent/travaillent pour subvenir aux besoins de la famille. Ils veillent sur les enfants pour leur éducation et leur bien-être. Comme parents, ils font tous pour rendre heureux leur famille, surtout assurer une meilleure vie et sécuriser l’avenir de leurs enfants. Ces derniers ont besoin d’être encadrés, sécurisés sur le plan moral, social et financier. Les parents doivent penser à leur avenir, par exemple, prévoyant une assurance-vie à leur nom, un plan-épargne, en acquérant des biens immobiliers, dont ils pourront disposer en cas de besoin.

Comment assurer l’avenir de son enfant ?
À Maurice, comme dans d’autres pays, il y a une tradition d’ouvrir un compte bancaire au nom du nouveau-né. Les parents restent très soucieux de l’avenir de leur progéniture, de leur éducation et de leur vie professionnelle.

Si le compte épargne est alimenté régulièrement, cela aidera l’enfant dans son avenir. Autrement, les parents emprunteront pour financer son éducation supérieure.

À Maurice, des assurances jouent un rôle prépondérant en proposant des plans ‘schemes’ éducatifs aux parents pour sécuriser l’éducation des enfants. Certains parents n’ont pas les moyens de financer les études de leurs enfants ou de leur léguer un patrimoine. Leur héritage se limite à un aspect culturel : le respect de soi, des autres, des valeurs morales qui aideront l’enfant à s’épanouir.

Comment transmet-on un héritage au sein d’une famille ?
Toute personne est libre de faire une donation, un testament ou une vente à son enfant ou ses petits-enfants, dans la limite autorisée par la loi. On ne peut donner autant que l’on souhaite à un des enfants au risque que ce don empiète sur la réserve des frères et sœurs. Tous les héritiers présomptifs doivent être traités équitablement. La donation ne peut donc priver un héritier privilégié de sa part « réservataire ».

La donation ne peut excéder la quotité disponible pour éviter de semer les germes d’une dispute familiale entre héritiers. Donc, n’empiétez pas sur la réserve légale.

Une donation ne doit pas être faite à la légère, elle est irrévocable, sauf dans les cas énumérés par la loi : pour inexécution des conditions, l’ingratitude. Elle peut aussi être révoquée par un tribunal. Parents, calculez bien les risques : le Code civil considère la donation comme une avance sur la succession. Elle doit être « rapportée » à l’actif successoral au moment du partage.

Qu’est-ce qu’un testament ?
Un testament est un acte par lequel une personne exprime son désir de léguer ses biens (meubles ou immeubles) à une ou des personnes(s). Il existe trois types de testaments : olographe, par acte authentique/acte public et mystique.

Un testament olographe n’est pas valable, s’il n’est pas écrit en entier daté et signé de la main du testataire.

Un testament public est celui qui est reçu par deux notaires en présence de deux témoins ou par un notaire en présence de quatre témoins. Il est dicté par le testateur.

Un testament mystique ou secret est celui qui est écrit et signé par le testateur. Il peut même le faire écrire par un autre. Il doit l’enfermer dans une enveloppe, close et scellée. Il le dépose au bureau d’un notaire en présence de six témoins. La notaire dresse un procès-verbal concernant le dépôt du testament. Le testament prend effet après le décès du testataire.

Quid des devoirs des enfants envers leurs parents ?
L’enfant a un devoir moral vis-à-vis de ses parents. Il ne rembourse pas ce que les parents ont investi. Il est tenu d’aider ses parents qui sont dans les besoins en raison de l’âge, la maladie et les besoins pécuniaires. Les parents qui ont besoin d’aide peuvent même recourir à la justice pour obtenir une pension alimentaire.

À Maurice, cette mesure est rare, car les parents préfèrent souffrir plutôt que de quémander de l’aide à leurs enfants. Or, il est du devoir moral d’un enfant et des petits-enfants de venir en aide à leurs aînés. Un enfant responsable doit veiller sur le bien-être de ses parents.

Aujourd’hui, les enfants ont recours à des maisons de retraite pour leurs aînés. Votre opinion ?
Je suis pour, car il faut comprendre que l’enfant a sa vie personnelle à mener et sa famille à élever. Souvent, les aînés sont laissés seuls à la maison. On ne trouve plus de nos jours des familles élargies (extended families). Au fil du  temps, les enfants développent une attitude personnelle, (sinon égoïste) pour vivre dans leur confort personnel et ignorer les autres.
Dans les années 1970/1980 subsistaient encore les 'joint families'. Les frères vivaient ensemble, les femmes ne travaillaient pas, il y avait une seule cuisine familiale et les aînés commandaient le respect : des gens veillaient sur eux.

De nos jours : plus personne à la maison, car les deux époux travaillent. La maison de retraite devient la solution pratique. Les ‘Day Care Centres’ permettent de déposer les vieux durant la journée et de les reprendre le soir. C’est une bonne chose, les aînés se trouvent entre amis, ils discutent entre eux, font des activités ensemble et ils sont heureux. L’enfant soutient alors ses parents pour les frais alimentaires et d’hébergement.

Un dernier mot… ?
Une famille doit offrir de l’amour et de la solidarité. Les valeurs familiales doivent être transmises aux enfants. Visitez vos aînés pour renforcer l’entente familiale, s’aider et s’entraider entre frères-sœurs, neveux-nièces et cousins-cousines.

Ceux de mon âge diront qu’un vieux à la maison, c’est une encyclopédie mouvante – pleine d’expérience, qui a beaucoup à raconter et à partager. Hélas, on ne trouve plus le temps de l’écouter !