Loi de finances : des opérateurs craignent que Padayachy fasse trop de «cadeaux»

Clensy Appavoo, Anthony Leung Shing et Gérald Lincoln.

Le ministre des Finances présentera dans les semaines à venir le dernier Budget de cette mandature. À cette occasion, Le Défi-Plus revient sur les mesures phares de ses précédents budgets tout en évoquant ce qui devrait constituer les principaux axes de la loi de finances 2024-25. D’ores et déjà, Renganaden Padayachy a indiqué que les priorités du Budget seront le social, l’économie et l’environnement. La crainte, c’est que, dans ce contexte électoral, le Grand argentier soit tenté de faire monter les enchères pour appâter l’électorat.

IL A DIT

Renganaden Padayachy, ministre des Finances :

Le Budget sera centré sur le social, l’économie et l’environnement… Nous mettrons en place un ensemble de mesures et d’idées pour améliorer la résilience économique, sociale et environnementale… Notre philosophie a toujours été centrée sur le capital humain, comment améliorer la vie de la population et l’agenda climat. C’est dans cette direction qu’on part. Nous souhaitons apporter plus de soutien aux plus vulnérables et à la classe moyenne pour améliorer notre économie. »

À quoi s’attendre du cinquième Budget du ministre Padayachy

Clensy Appavoo, CEO & Senior Partner chez HLB Mauritius : « En période électorale et surtout que ce sera le dernier budget du ministre des Finances, il faut s’attendre qu’il y ait des mesures populaires pour épater l’électorat. Je présume qu’il va se permettre des largesses sans se soucier vraiment de comment le financement de ces mesures sera fait, car cette tâche reviendra au prochain gouvernement. »
Anthony Leung Shing, PwC Mauritius Country Senior Partner : « Je ne m’attends pas à une surprise en une année électorale. Les annonces lors des meetings du 1er-Mai montrent déjà l’orientation des mesures budgétaires et le danger est que ça fasse monter les enchères. »
Gérald Lincoln, Country Managing Partner d’EY : « C’est une année électorale et l’histoire nous a appris que pour chaque année électorale, les gouvernements en place font généralement des cadeaux pour créer un ‘feel good factor’ et, ainsi, influencer les votes. On peut s’attendre à une certaine générosité du ministre des Finances. Il faudra s’attendre à des mesures populaires qui vont faire plaisir à la masse comme peut-être une augmentation des subsides sur le riz, la farine et le gaz ménager ou une réduction des prix des produits pétroliers, entre autres. Ce seront des cadeaux qui toucheront directement les poches des Mauriciens. De même, je ne m’attends pas à ce que le ministre des Finances vienne modifier les taux de fiscalité. Il ne va pas modifier la TVA, l’Income Tax, etc. »

Ce qu’il faudra privilégier dans le nouveau Budget

Anthony Leung Shing : « Le développement économique est indispensable pour l’avancement social de nos habitants, mais ce qu’il faut vraiment privilégier, c’est l’exécution des mesures annoncées. Il ne faut pas que le Budget soit seulement des annonces, sans actions ! »
Gérald Lincoln : « Il faut privilégier deux choses. D’abord, il faut garder une cohérence en maintenant la direction prise par le gouvernement. En d’autres mots, il faut continuer les mesures déjà prises. Il ne faudrait pas réviser les taux de fiscalité tous les ans, car cela crée une certaine instabilité. D’où le besoin d’avoir une cohérence et de maintenir la continuité. La deuxième chose à privilégier est l’économie mauricienne. Les opérateurs économiques ont besoin d’être encouragés avec une facilitation de la part de l’État. Je ne parle pas de cadeaux, mais de facilités avec des mesures incitatives et d’investissements. D’autant plus qu’on remarque de plus en plus que les opérateurs mauriciens investissent en dehors du pays. Il faudrait se poser la question pourquoi les grands groupes sont plus axés vers l’extérieur que sur le marché domestique. D’où ce besoin d’avoir des mesures d’accompagnement locales et de faire revenir la confiance quelque part. »
Clensy Appavoo : « Le ministre des Finances a donné le ton déjà de son prochain Budget en annonçant les mesures pour le social, l’économie et l’environnement. Maintenant que l’économie a retrouvé ses bottes et que tous les secteurs travaillent vers une croissance soutenue, je pense que le ministre va donner plus de soutien aux plus démunis de notre société, aux pensionnés et qu’il va revoir certaines structures économiques qui ont un potentiel de croissance : l’agriculture raisonnée, la production de l’énergie en utilisant des nouvelles méthodes, le développement de la pêche industrielle. Il y aura moins d’investissements dans les infrastructures. La stratégie du gouvernement par rapport au changement climatique est très floue. J’espère voir des mesures concrètes dans ce prochain Budget. »

Ce qu’il faudra éviter à tout prix

Gérald Lincoln : « Il faudra éviter de fouiller le trou du déficit budgétaire et il faut rester responsable. Le mot « responsable » est très important. Il ne faudrait pas trop dépenser, car on viendra mettre le problème sur les générations futures. La tentation de trop faire de cadeaux pourrait devenir dangereuse, car rien n’est gratuit. Au bout du compte, quelqu’un devra payer ! »
Clensy Appavoo : « L’endettement à outrance du pays pour satisfaire les mesures électoralistes ! »
Anthony Leung Shing : « On ne peut pas éviter l’aspect social, mais cela ne doit pas tourner en une vente aux enchères. »

Le triptyque social-économie-environnement

Anthony Leung Shing : « Ce n’est pas surprenant et celle-ci représente tout simplement une continuité des budgets précédents. À mon avis, la technologie et l’innovation devraient être des leviers importants pour rallier le développement social et économique. »
Clensy Appavoo : « Je pense qu’il est urgent de consolider les différents secteurs économiques du pays et de développer une vision d’avenir sur les prochains dix ans. Il est d’une extrême urgence de mettre en place des mesures pour mater les changements climatiques et leurs effets sur nos plages et maintenant sur nos villes également. Il ne suffit pas de dire : il y a les effets du changement climatiques partout dans le monde ! Il y a de gros problèmes dans les secteurs de la santé, de l’éducation et au niveau du law & order… On s’attend à ce que le ministre propose des mesures soutenables à ces problèmes. »
Gérald Lincoln : « C’est déjà encourageant d’entendre que le capital humain sera une priorité. Il y a eu trop de ‘brain drain’ ces dernières années. S’il peut encourager la rétention des talents à Maurice plutôt que l’exode qu’on a eu, ce sera une très bonne chose. L’environnement est aussi une priorité mondiale. C’est un axe prioritaire. Ce serait intéressant de voir quelles mesures il va annoncer dans ce sens. Pour ce qui est de la résilience économique, nous avons besoin d’une économie qui résiste aux tempêtes. Ces trois axes sont donc tout à fait importants et nécessaires…. Au final, nous sommes dans l’attente de voir les mesures qui seront annoncées. On verra si, dans une année électorale, le ministre des Finances sera capable d’innover et d’amener des mesures créatives capables de faire avancer le pays. »

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