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Livre : «Les essais d’un bobre africain» traduit en Kreol morisien

Livre Le livre a été lancé mercredi, par le Premier ministre Pravind Jugnauth, à Ébène.

Un livre, une reconnaissance officielle. La langue créole connaît une nouvelle avancée avec la version en kreol moderne du texte ‘Les essais d’un bobre africain’, de l’auteur franco-mauricien François Chrestien. Une démarche qui revient conjointement à la Creole Speaking Union et au ministère des Arts et de la Culture. L’ouvrage a été lancé, le mercredi 22 août, à Ébène par le PM Pravind Jugnauth.

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Bel aveu de ce dernier qui se reconnaît certaines lacunes en créole et qui a semblé avoir du mal à mettre des noms – Dev Virahsawmy, Ledikasyon Pu Travayer ou encore Vinesh Hookoomsing – sur certains ouvrages qu’il a cités. Sans doute la faute à ses conseilleurs, eux-mêmes limités à l’instruction sur le kreol. Qu’à cela ne tienne. Le Professeur Arnaud Carpooran, universitaire et président de la Creole Speaking Union (CSU) a brillamment et succinctement, le temps oblige, raconté le contexte qui a vu paraître l’ouvrage de François Chrestien, auteur de ce premier texte littéraire en créole mauricien, soit en 1822, en pleine période d’esclavage. On ne saura pas les raisons qui ont motivé Chrestien mais on sait qu’il a servi comme interprète pour le patois creole devant les tribunaux. Son intérêt pour la littérature se double d’une passion pour la musique.

Il est intéressant de noter que Chrestien a aussi rencontré des obstacles pour écrire le Kreol en l’absence d’une grammaire et qu’il a dû s’inventer « une espèce d’orthographie (…) ». Ce qui paraît aussi relever d’un acte courageux, voire progressiste, c’est la formulation, certes paternaliste, d’un souhait à contrepied de la pensée dominante de l’époque dans ces quelques lignes (citées par Norbert Benoît) : « J’ai pensé qu’un recueil de leçons salutaires, Traduit de nos auteurs et pour nos insulaires, Pourrait de leurs esprits nettoyer leurs erreurs. »

Cinquième traduction

L’ouvrage, lancé mercredi, est la cinquième traduction de ‘Les essais d’un bobre africain’, l’avant-dernier portant la signature de feu Norbert Benoît, une traduction relativement littérale en français. Celui du SCU a ceci de particulier qu’il donne à lire et le texte original et sa version en Kreol morisien, dans l’orthographe fixé en 2011. Préfacier de l’ouvrage, Arnaud Carpooran explique que deux soucis ont présidé à sa traduction, une certaine fidélité au texte original ‘dans son sens premier’, mais aussi les sous-entendus ironiques qui trouvent leur influence auprès du chansonnier Pierre Jean de Béranger. Par souci pédagogique, le préfacier fait valoir que certaines modifications d’ordre ethno-racial ont été apportées au texte original, dont ‘gran misie’ à la place de « Blancs » ou encore le terme « mozambique ». À l’exception des fables de La Fontaine, François Chrestien s’est inspiré de vieilles chansons françaises, largement dues à Béranger, et qui étaient très populaires à Maurice.

Lorsqu’il en vient à la question de savoir s’il a été lui-même un joueur de bobre - un instrument dans la musique créole dans les îles de l’océan Indien - Arnaud Carpooran préfère penser que le Franco-mauricien se posait plutôt en narrateur dans ces essais. A ce titre, il emploie la dialectique « loter blan- narater nwar » pour indiquer comment un Blanc, dans le contexte colonial et esclavagiste de l’époque qui est le sien, s’est mis dans la peau d’un narrateur fictif que tout laisse indiquer qu’il est noir. Ce n’est pas peu de dire qu’il a eu suffisamment de succès pour lui valoir des funérailles quasiment nationales en 1846. Fait intéressant souligné par Arnaud Carpooran : l’utilisation littéraire du patois créole à cette époque n’a rencontré aucun obstacle.

Langues vernaculaires

La parution de cet ouvrage coïncide avec le 50e anniversaire de l’Indépendance de Maurice. C’est dire tout le sens qu’il prend dans la recherche du nation building à laquelle participe les langues vernaculaires de Maurice. Arnaud Carpooran fait rappeler à juste titre les chiffres du dernier recensement qui démontrent que plus de 80 % de la population ont la langue créole en commun.

Il faudrait toutefois nuancer ces propos lorsqu’il s’agit de la diffusion du créole dans certaines professions, voire dans des familles, où le français d’abord puis l’anglais, dans une très infime mesure, restent la norme car elles sont vues comme les langues d’ouverture sur le monde. De passage à Maurice à l’occasion d’une conférence internationale, un participant issu d’un état africain francophone fit ressortir toute la difficulté, voire le complexe, éprouvé par la bourgeoisie africaine à s’accommoder aussi de leurs langues vernaculaires.

Quant au Premier ministre, répondant à un souhait d’Arnaud Carpooran pour l’introduction du kreol dans l’administration, il s’est contenté de dire qu’il faudra procéder par étapes.

‘Zistwar Depi Enn Bob Afrikin’, d’Arnaud Carpooran, en collaboration avec Beatrice Antonio, Daniella Bastien, Gaelle Bass, Christelle Ah-Choon et Nuckiren Pyeneeandee

CSU-Edision : Arnaud Carpooran

 

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