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Lesbianisme en milieu scolaire : des adolescentes s'affichent et s'affirment ouvertement

Le lesbianisme à l’école a toujours existé. Mais par peur ou en raison des contraintes familiales, celles qui ont cette orientation sexuelle ont longtemps vécu cachées ou se sont cantonnées à un mode de vie qui ne correspond pas à leur identité du genre. Faire son coming-out, il y a dix ans était quasi impossible. Aujourd’hui, c’est plus facile... 

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lesbianismeAlicia (15 ans) : « Je suis lesbienne et alors ? »   

Élève en Grade 8 dans un collège confessionnel, Alicia habite Quatre-Bornes. À 15 ans, elle s’affirme en tant que lesbienne à la maison comme à l’école. Des cheveux coupés à la garçonne et toujours en pantalon, l’adolescente confie qu’elle ne cache pas son orientation sexuelle. « J’ai toujours été attirée par les filles. Mes parents me reprochaient souvent mon comportement. J’en avais marre. » Elle fera son coming-out d’abord à sa mère. « Elle était en pleurs. J’ai essayé de m’expliquer. Elle a eu du mal à l’accepter au début. Au fil du temps, elle est devenue plus tolérante. Et c’est la communication qui lui a permis de m’accepter comme je suis. Depuis je vis mieux mon orientation sexuelle. Je suis lesbienne et c’est mon choix. » 

Alicia confie que son père est également au courant mais que celui-ci n’aborde pas le sujet avec elle. « Il m’a juste dit de vivre ma vie ». Interrogée par Le Défi-Plus, Géraldine, la mère d’Alicia, indique qu’elle était contre le mode de vie de sa fille mais, après par amour pour elle, elle essaie de la soutenir du mieux qu’elle peut en étant à l’écoute de son enfant. « J’aime ma fille. Je ne vais jamais la rejeter. Quitte à accepter sa différence », dit-elle. 


Ziya (17 ans) : «Le choix m’appartient»

Originaire d’un faubourg de la capitale, Ziya fréquente un collège d’État. Elle raconte qu’au début, elle avait caché son orientation sexuelle à ses parents. « J’avais 15 ans quand j’ai découvert que j’étais attirée par les filles. Je savais que mes parents n’allaient jamais accepter cet état de choses. Pour eux, ce serait quelque chose d’immoral et ils m’auraient sans doute rejetée. Je me suis efforcée à suivre les normes de la société pour éviter tout conflit avec eux. Mais je me voilais la face. Je n’étais pas heureuse », dit le jeune fille.

Au fil du temps, Ziya n’a d’autre choix que de mener une double vie. « Tout a commencé à l’école. Je suis tombée amoureuse de ma meilleure amie. Cela m’a pris du temps pour lui avouer mes sentiments. J’avais peur de me faire rejeter. Puis, j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai tout dit. Elle était réticente au départ, mais elle a fini par accepter de sortir avec moi », relate l’adolescente. 

Ziya vivait ainsi son histoire d’amour en cachette, par peur d’être jugée par ses camarades de classes et par ses enseignants. « Je ne pouvais montrer mon vrai visage et j’inventais des excuses pour me tirer d’affaire », dit-elle. Cela jusqu’au jour où elle se fait prendre par la directrice de l’école. « Elle m’a vu en train d’embrasser ma copine au gymnase pendant la récré. Je savais qu’elle allait convoquer mes parents. Rien que l’idée que mon père ne soit au courant de mon orientation sexuelle me faisait flipper. C’est un homme strict », poursuit-elle.

Il va sans dire que la nouvelle se répandue comme une traînée de poudre au collège. Ziya confie : « Je ne savais pas comment faire face aux regards des autres. J’avais peur. Après la rencontre entre la direction de l’école et mes parents, j’ai dû leur fournir plus d’explications à mon retour à la maison. Mon père m’a formellement interdit de voir ma copine ou de lui parler ». 

Pour calmer les choses, Ziya soutient avoir obéi à son père. Mais elle ne peut refouler ses sentiments. La décision de mettre fin à ses jours lui trotte dans la tête. « C’était dans ma tête tous les jours. Mais je n’ai pas eu le courage de le faire. Je me suis tournée vers mon grand frère pour lui raconter mon mal-être. Il m’a dit que ce que je ressentais était passager. J’étais cependant convaincue du contraire », dit l’ado. N’ayant aucun soutien de ses proches, Ziya se renferme ainsi sur elle. Cela avant de prendre la décision de s’assumer en tant que lesbienne. 


Soondress Sawmynaden : « Aucune règle n’interdit à un élève d’être homosexuel » 

Soondress Sawmynaden, recteur de Dr Maurice Curé State School et président de l’Association des recteurs des collèges d’État, souligne n’avoir pas eu de cas de lesbianisme à traiter jusqu’à présent. Il affirme cependant que le lesbianisme en milieu scolaire pourrait découler du fait que certaines institutions n’accueillent pas les adolescents garçons et filles. « Je crois que la mixité dans un établissement scolaire joue un grand rôle dans la vie des jeunes. Lorsque filles et garçons grandissent ensemble, ils apprennent à se connaître et à se respecter. C’est important dans la vie de tout individu », avoue Soondress Sawmynaden. Il ajoute que les enfants passent sept ans de leur vie au primaire et qu’il est « juste » que cela continue au secondaire.

Le recteur est aussi d’avis qu’il « n’y a aucune règle au sein des établissements scolaires qui n’interdise à un élève d’être homosexuel. « Aussi longtemps que cela ne dérange pas le bon fonctionnement d’une école, aussi longtemps que le travail se fasse et aussi longtemps qu’il n’y ait aucun problème d’indiscipline, je ne vois aucun problème. C’est le choix de l’individu de vivre sa sexualité comme bon lui semble ».
Le recteur soutient aussi que le dialogue doit primer entre parents et enfants. « Certains parents ne vont jamais savoir l’orientation sexuelle de leurs enfants. Ce serait bien qu’ils puissent leur parler librement pour les comprendre et les conseiller. C’est aussi ça le rôle des parents », souligne Soondress Sawmynaden. 


NajeebPourquoi est-ce encore tabou ? - Najeeb Ahmad Fokeerbux : « Elles sont souvent victimes de bullying »

Être lesbienne à l’école, est-ce encore tabou ? À cette question, Najeeb Ahmad Fokeerbux, jeune fondateur du Young Queer Alliance, répond que c’est de moins en moins le cas. Young Queer Alliance est une organisation non-gouvernementale regroupant des jeunes de tous bords qui promeut les droits de la communauté LGBT (Lesbienne, Gay, Bisexuel, Trans et Autres) à Maurice. 

 « Dix ans de cela, très peu de filles s'affichaient en tant que lesbiennes à l’école. Depuis, nous constatons qu’il y a eu beaucoup plus d’adolescentes qui s'affichent et s'affirment ouvertement dans les écoles », dit-il. Cela tout en faisant ressortir les risques auxquels ces adolescentes qui ont fait ce choix de vie sont exposées en milieu scolaire. 

À titre d’exemples, Najeeb Ahmad Fokeerbux cite la mise à l'écart, les discriminations et le bullying qui sont bel et bien présents à l’école. « Le bullying, la peur d’être marginalisées ou que leurs parents ne soient informés et manque de soutien font que les lesbiennes ont tendance à se refermer sur soi », indique Najeeb Ahmad Fokeerbux. 

Le fondateur du Young Queer Alliance explique que le terme « lesbien » est utilisé pour désigner une fille ou une femme qui a une attirance émotionnelle, physique ou sexuelle envers une ou d’autres femmes. Tout comme l’hétérosexualité, être lesbienne est une orientation sexuelle comme diverses autres. Le manque d'informations, la pression des pairs, le manque de soutien de la part du corps enseignant et non enseignant de l’école et l’absence d’un groupe de jeunes dans les écoles pour assurer le bien-être d'autrui, entre autres, contribuent aux souffrances des jeunes LGBT à l’école. 

Quid des discriminations ?

Najeeb Ahmad Fokeerbux affirme que pour mieux aider les adolescentes à assumer leur orientation sexuelle à l’école, il faudrait que les enseignants fassent preuve d’empathie. « Le rôle des enseignants ne doit pas se limiter seulement à l’aspect académique, leur devoir pédagogique et leur intérêt pour la profession. Les enseignants et la direction des écoles doivent aussi soutenir le développement de l’enfant. Ces filles de la communauté LGBT ont été confiées à l’école. S'assumer, c'est d'abord être à l’aise avec soi-même, de s'aimer. Après vient l'acceptation par les autres qui reste un vrai défi », indique-t-il. 

Le fondateur du Young Queer Alliance précise que c’est pour cela que les enseignants, le personne non-enseignant et les élèves doivent se référer au Student Behaviour Policy du ministère de l'Éducation et des Ressources humaines. « Certes, le ‘policy’ n’est pas assez spécifique. Il laisse le champ libre à chaque établissement d’instaurer ses règlements. Cela ne fait pas mention de l'orientation sexuelle. Il ne faut pas discriminer l’élève », dit-il. 

Selon Najeeb Ahmad Fokeerbux, le ‘policy’ doit « explicitement faire mention de l'orientation sexuelle » comme dans beaucoup d'autres ‘policies’ du gouvernemental. L'apport d'un psychologue en permanence dans chaque établissement scolaire est important pour encadrer l'enfant. 


Pascale Gouges et Priscille Montocchio : « L’homosexualité n’est pas un choix »

Pascale Gouges, coordinatrice du Projet Affectivité et Sexualité auprès des collèges catholiques, et Priscille Montocchio insistent que « les jeunes se posent beaucoup de questions sur la sexualité. Ils ont soif d’informations justes et vraies. Grâce à l’éducation à l’affectivité et à la sexualité qui leur est apportée depuis quelques années, ils reçoivent des réponses à travers le parcours ‘Au Mystère de la Vie’. » 

Elles ajoutent que « l’homosexualité n’est pas un choix ». On est homosexuel ou on ne l’est pas : « À l’adolescence, un jeune passe par « l’étape du meilleur ami » qui se trouve être un ami du même sexe que lui. Cette étape est importante dans son développement psycho-affectif. Cependant, il peut arriver que cette amitié déborde sur de « l’amourachement » si ce jeune se trouve dans une période d’instabilité affective…  Si l’amitié est si précieuse, c’est qu’il y a un cadre bien précis, un interdit des gestes sexuels. Il est important qu’un jeune ne soit pas pressé à poser des gestes réservés à l’amour, car le corps a une mémoire qui ne peut être effacée volontairement. » 

Pascale Gouges affirme qu’il « est important qu’un jeune continue à vivre les autres étapes de son développement psycho-affectif jusqu’à l’âge adulte pour trouver son orientation sexuelle. » 

Au niveau des écoles, le rôle de l’enseignant est d’accueillir le jeune et de l’écouter. Pascale Gouges et Priscille Montocchio soutiennent qu’il est important d’être à l’écoute de ses doutes et de son incompréhension devant son corps qui change, devant ses pulsions qui s’éveillent. D’écouter ce qu’il vit et de l’accompagner dans cette phase de son adolescence. Pour cela, il est impératif que l’enseignant soit formé à l’écoute et à l’accompagnement. 

Toute personne appelée à travailler avec les jeunes (enseignant, recteur, responsable d’école) doit aussi pouvoir répondre aux questions qu’ils posent et se posent concernant leur développement affectif et leur sexualité. Là encore, la formation est importante. 

Par ailleurs, à la suite d’une de leurs formations, une rectrice a partagé avec elles le cas ou deux jeunes filles de son collège qui avaient eu des gestes amoureux. Grâce à sa formation sur le sujet de l’affectivité et la sexualité, elle a pu aborder la situation de façon posée en donnant les informations nécessaires aux jeunes, aux parents et à ceux qui avaient été témoins de ce qui s’était passé et ainsi rassurer tout le monde.


VikashDr Vikash Baichoo : « La curiosité est normale pendant l'adolescence »

Le psychologue Dr. Vikash Baichoo, du Mauritius Institute of Education (MIE), admet que le nombre d'adolescentes attirées par les personnes du même sexe a augmenté. Citant plusieurs études, il explique qu’il n’y a pas vraiment de moyen de savoir si une fille est une lesbienne. 

Est-ce qu’il y a de plus en plus de filles qui se tournent vers les filles à l'adolescence ?
Oui, le nombre d'adolescentes attirées par les personnes du même sexe a augmenté. Leonard Sax, de Psychology Today, soutient ce point de vue. Selon le psychologue John Buss, le nombre de filles identifiées comme lesbiennes a augmenté de 15 % aux États-Unis. D’autres études menées en Norvège et en Nouvelle-Zélande montrent que le nombre de lesbiennes est plus élevé qu’aux États-Unis. Ces chiffres pourraient indiquer que le nombre de lesbiennes a augmenté dans l’ensemble. Je ne dispose pas de statistiques suggérant la même tendance à Maurice, mais il y a de bonnes raisons de penser que ce chiffre pourrait augmenter.

Comment qualifiez-vous ce comportement ?
Selon le professeur Roy Baumeister de la Florida State University, l'attrait sexuel chez les femmes est plus malléable que chez les hommes, mais il n'y a pas de réponse directe à cette question. Il explique que « si une adolescente embrasse une autre, quelle qu'en soit la raison, et qu'elle trouve que ça lui plaît, alors les choses peuvent arriver et les choses peuvent changer ». Cela peut arriver après une rupture avec son petit ami et elle généralise le fait que les hommes ne sont pas dignes de confiance ou simplement par le biais d'expérimentations sexuelles avec d'autres jeunes filles. L'expérimentation et la curiosité sont normales pendant l'adolescence, une période durant laquelle elles explorent leur identité sexuelle.

De nos jours, être lesbienne, selon un journal indépendant britannique, est moins stigmatisé sur le plan social. Cela s'explique en partie par le fait que les attitudes sexuelles se sont assouplies au cours des dernières années. 

Comment savoir si une fille est lesbienne ou si c’est un comportement passager ?
Selon Ellen Friedrichs, il n’y a pas vraiment de moyen de savoir si une fille est lesbienne. Avoir une ou plusieurs expériences avec une personne du même sexe ne fait pas automatiquement d’une jeune femme une lesbienne. Parfois, il faut un certain temps aux filles pour comprendre leur corps et leurs sentiments sexuels. C'est tout à fait normal.

Affirmer et assumer son identité sexuelle, c’est faire son coming-out. Cependant, toutes les lesbiennes ne se livrent pas aux autres. Faire son coming-out avec soi-même, c’est accepter son identité sexuelle. Cela ne veut pas dire qu’elle est prête à l’avouer à tout le monde.

Selon vous, quel doit être l'attitude de l'enseignant faisant face à un couple de lesbiennes ?
Un papier intitulé « Soutenir les étudiants lesbiennes, gays et bisexuels : le rôle des enseignants » donne des indications sur la manière dont un éducateur doit agir. Il doit :  
1. Reconnaître la diversité de leurs élèves, notamment en reconnaissant que certains de leurs élèves sont lesbiennes.
2. Affirmer la valeur de la diversité, y compris la diversité des orientations sexuelles.
3. Soutenir les élèves qui se disent ou sont perçues comme lesbiennes.
4. Contester efficacement les brimades et les insultes homophobes, ce qui permet d'améliorer la sécurité à l'école et d'améliorer le comportement, l'assiduité et les résultats scolaires. 

 

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