L’essor des smartphones et de l’Internet mobile bouleverse les habitudes des consommateurs. Si bien que les jeunes en sont devenus dépendants. Reportage.
Publicité
Dr Samcoomar Heeramun, psychothérapeute : «Les cyberdépendants sont comme des toxicomanes»
Une gestion chaotique des rapports sociaux
Les nouvelles technologies contribuent à isoler les individus et à réduire la taille de leurs réseaux de relations en les éloignant des lieux traditionnels de socialisation et du voisinage. La présente génération est presque née avec un ordinateur entre les mains et développe plus de liens sociaux. Cependant, ce lien est souvent superficiel.
« Une des grandes révolutions qu’a connue Internet lui-même a été le développement de sites permettant de mettre en relation les personnes entre elles, dont l’exemple le plus parlant est celui des réseaux sociaux tels Facebook ou Twitter », explique le Dr Heeramun.
Ces réseaux sociaux permettent d’échanger, de s’entraider, de faire connaissance, de retrouver des amis et de faciliter la communication. « Cependant, les réseaux sociaux ne permettent pas de faire aboutir des rencontres et de créer de véritables amitiés ou relations. Ils contribuent même à l’isolement des personnes au sein d’un même foyer. Chacun se met devant son ordinateur ou passe la soirée en tête-à-tête avec lui, sans parler des coûts que cela génère. Il convient de signaler que la virtualité peut aussi permettre à chacun de désinhiber, de parler sans tabous et donc d’accéder à une plus grande intimité, plus rapidement, même virtuelle », dit-il. La virtualité nourrirait un lien social différent du lien réel.
Dépendance
« Utiliser Internet de manière abusive et excessive engendre des difficultés chez l’individu », explique-t-il. “Ces personnes cherchent en permanence à se connecter, elles deviennent anxieuses et désorganisées si elles n’arrivent pas se connecter”, dit-il.
Il associe la cyberdépendance à la toxico dépendance. « Tout comme les toxicomanes, les cyberdépendants manifestent un phénomène de manque et peuvent user du mensonge pour réduire l’importance de leur dépendance. Ils refusent de le reconnaître. Elle peut amener un sentiment de détresse et des problèmes au niveau psychologique, social ou professionnel. L’obsession pour Internet finit par éloigner l’internaute de la réalité à force d’avoir les yeux cloués au clavier pendant des heures », ajoute-t-il.
« Le cyberdépendant nie qu’il a un problème et finit donc par refuser de l’aide », fait-il observer. Des traitements sont cependant proposés pour qu’ils aient une chance de s’en sortir. Selon le Dr Heeramun, les parents et les proches jouent un grand rôle pour aider les cyberdépendants.
« Dans un premier temps amis et famille doivent instaurer une certaine forme d’autodiscipline : faire prendre conscience aux cyberdépendants de leurs difficultés à rationaliser leurs heures de connexions, sans tenir une comptabilité réaliste de sa consommation.
Il faut aider les cyberdépendants à renouer avec des activités réelles et essayer de redéfinir leur projet de vie et les faire constater les dégâts que cette dépendance entraîne sur sa réalisation. Et si vous avez des difficultés à instaurer cette autodiscipline, il faut absolument consulter un psychologue ou un psychiatre », fait-il remarquer.
Ce que disent les parents : comment empêcher son enfant de devenir accro à son smartphone ?
« Les jeunes sont accros à leurs téléphones intelligents. De mon côté, j’essaie de faire en sorte qu’il y ait une bonne communication avec mes enfants. Je les incite à me parler de leur journée et de leurs soucis. Je garde aussi un certain contrôle sur ces appareils, afin qu’il n’y ait aucun impact négatif sur leur scolarité. »
« Toutes les technologies ont de bons comme de mauvais côtés. Cela me permet de rester en contact avec mes enfants, mais à la maison j’impose des règles au quotidien. Par exemple : pas de portable à table et l’éteindre avant de dormir. Mais c’est de plus en plus difficile, car les enfants trouvent tout le temps des prétextes, afin de le garder avec eux. »
Qu’en pensent les profs ?
François Olivier, enseignant
« L’utilisation des smartphones et des tablettes peut être une lame à double tranchant » Pour François Olivier, un smartphone peut être bon ou mauvais dépendant de son utilisation. « C’est étonnant le nombre de choses que l’on peut faire avec les nouvelles technologies. Cela peut être vraiment utile pour les études et même de temps en temps pour se distraire. Malheureusement les jeunes sombrent souvent, pour ne pas dire durant la majeure partie du temps, dans l’excès », regrette-t-il. Selon l’enseignant les jeunes utilisent mal leurs partenaires technologiques. « Il ne faut pas diaboliser les réseaux sociaux, car ils peuvent être très utiles. Il faut seulement que les jeunes apprennent à les utiliser correctement. Ils ne font que s’envoyer des messages et ils lient des amitiés virtuelles. Très peu font réellement connaissance. Si ces outils sont utilisés sans excès, ils sont de réels amis. Dans le cas contraire, ils sont vraiment des ennemis. »
Pascale Napaul-Lafrance, institutrice
« Les parents ont aussi une part de responsabilité par rapport aux écrans » Les écrans attirent les jeunes. Selon Pascale Napaul-Lafrance, institutrice, les parents peuvent prévenir la dépendance de leur enfant à travers des restrictions. « Votre enfant peut profiter de son portable, sa tablette, sa console, mais il faut qu’il l’utilise avec modération, surtout pendant les semaines scolaires. » L’institutrice encourage les parents à mettre une limite même pendant les vacances. « Vous pouvez bien sûr être plus flexible sur les horaires d’utilisation. Cela ne veut pas dire que c’est une mauvaise chose. Cependant, il faut veiller à ce que les enfants ne prennent pas de mauvaises habitudes. Il a plus de temps pour les autres applications et s’y intéresse de plus en plus. Ce sera difficile pour lui de lâcher son portable en rentrant des vacances », met en garde Pascale Napaul Lafrance.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !