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Les difficultés que rencontrent les Mauriciens en traitement à l’étranger

cash Nombreux sont les parents qui doivent demander un permis des Casernes centrales afin de quêter en public pour récolter les fonds qui manquent pour une opération à l’étranger.
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Quand certains traitements ne sont pas disponibles à Maurice, de nombreux patients sont contraints de se rendre à l’étranger du jour au lendemain pour se faire soigner. Résultat : la vie de nombreuses familles est chamboulée et les membres qui se déplacent font souvent face à d’énormes difficultés. Ils en témoignent.

Les yeux de nombreux Mauriciens sont braqués vers l’Inde en ce moment-ci. Nombreux sont ceux et celles qui s’intéressent aux nouvelles des sœurs siamoises. Nées le 4 janvier, Marie-Cléanne et Marie-Cléa se sont envolées pour Bangalore, le 10 janvier, accompagnées de leur père en vue d’un traitement, voire d’une opération.

Vives émotions et révoltes. Ce sont les sentiments du public après le dernier témoignage du père des deux siamoises, Ian Papillon. Dans une vidéo de Téléplus, ce dernier a fait part de ses difficultés vécues dans la Grande Péninsule :

Les jumelles, Marie-Cléanne et Marie-Cléa.
Les jumelles, Marie-Cléanne et Marie-Cléa.

« Tous les jours c’est difficile. À l’hôtel où je suis logé, on m’offre le petit-déjeuner mais je dois prendre en charge les autres repas. Je dois trouver de l’argent pour vivre. Parfois, je n’ai d’autre choix que de boire seulement de l’eau pour subsister. »

Les journées de Ian Papillon sont très dures. Outre de ne pas bien se nourrir, il vit chaque jour dans une grande angoisse. « Que se passera-t-il quand les Rs 800 000 accordées par l’État seront épuisées ? Qui prendra en charge les frais médicaux et autres ? Comment mon épouse et moi ferons pour leurs frais quotidiens ? » Autant de questions qui, pour le moment, sont sans réponse. Ce qui explique la grosse inquiétude qui pèse sur les parents des bébés siamois.

Comment cela se passe-t-il donc en Inde ? De nombreux parents qui sont passés par ce chemin et à qui nous avons posé la question ne souhaitent pas témoigner à visage découvert de peur de représailles. « Pa kone si dime pou bizin led gouvernma ankor, lerla banla pou tay nou kart. »

Quelques années de cela, Ania D., mère d’un petit garçon de cinq ans, explique qu’elle a dû se rendre en Inde pour l’opération de son fils. « D’abord, lorsque nous nous sommes rendus au ministère pour entamer les démarches, nous étions vraiment perdus. On nous a renvoyés à plusieurs reprises. Finalement, notre demande a été acceptée. Mais, nous n’avons jamais reçu aucune explication. Exemple : comment cela se passerait ? Ce qu’il fallait faire ou apporter… Nous étions livrés à nous-mêmes.».

jairus
Le petit Jairus.

Une fois arrivés en Inde, c’était un vrai calvaire, explique la mère de l’enfant. « Il y avait beaucoup de malades. La langue était une barrière. Je n’avais aucun soutien moral. J’étais seule à accompagner mon enfant, car seul un proche est autorisé à accompagner le patient. Mon mari n’avait pas les moyens financiers. Puis, il a manqué de l’argent. J’ai dû revenir avec l’enfant et recommencer toutes les démarches à zéro. Ce fut un vrai calvaire. Aujourd’hui, nous sommes criblés de dettes. »

Idem pour les parents du petit Jairus (qui n’a pas survécu à sa maladie) qui ont rencontré beaucoup de difficultés en Inde il y a neuf mois. « Mon fils souffrait d’une tumeur au cerveau. Il s’était rendu en Inde pour des séances de radiothérapie. Sur place, après un examen, on a appris que la tumeur avait repoussé et qu’une autre intervention était nécessaire. De plus, les frais de la radiothérapie et de la nourriture n’étaient pas subventionnés par l’argent de l’Overseas Treatment Scheme.  Certaines personnes diront que c’est normal de devoir payer tous ces frais. Mais, ce n’est pas facile de tout laisser pour être au chevet de votre enfant malade dans un pays étranger du jour au lendemain, surtout quand vous n’avez pas d’argent », explique le père. Il estime que le ministère n’est pas suffisamment au courant des réalités et de certaines difficultés que rencontrent les familles dans des pays étrangers.

Conclusion : nombreuses sont les familles mauriciennes qui se voient désarmées lorsqu’un membre de la famille fait face à une grave maladie, surtout s’il s’agit de se faire soigner ou se faire opérer à l’étranger. Outre de se sentir démunies face à la maladie, ces familles sont doublement anxieuses par des problèmes financiers, surtout d’autres frais qui ne sont pas inclus dans la prise en charge du malade. À quand une prise de conscience du gouvernement ?


L’Overseas Treatment Scheme

En savoir plus

Depuis 2016, la contribution offerte aux patients malades est passée à Rs 800 000. Cela afin d’aider les patients, qui ont besoin de traitements à l’étranger, d’effectuer le déplacement et payer les frais médicaux.

Sous l’égide du ministère de la Santé et de la Qualité de Vie, des critères bien précis sont établis. Une liste de documents nécessaires est disponible sur le site internet du ministère de la Sécurité sociale via  le Fonds de solidarité nationale. Une enquête sociale est menée et des documents doivent être soumis prouvant que l’intervention ne pourra effectivement pas se faire à Maurice.

À Maurice, chaque année, environ 200 personnes bénéficient de cette aide. Un préposé explique que cette aide est offerte uniquement à ceux dont les revenus mensuels ne dépassent pas Rs 50 000. Il faut aussi que les documents prouvent que la personne se rendra dans un hôpital avec lequel l’État mauricien a signé un accord.

À savoir que tous les frais ne sont pas couverts par l’Overseas Treatment Scheme, le patient doit pouvoir trouver toute somme qui dépasse les Rs 800 000 offertes.

Cette somme inclut les frais médicaux et le déplacement du patient, d’un proche accompagnateur et d’un médecin traitant.


«Pourquoi ne pas nous laisser choisir ?»

C’est la question que se posent quelques parents, notamment Andisen B. Ces derniers estiment que les patients devraient pouvoir choisir où ils souhaitent se faire soigner. « De toute manière, l’État ne prend pas en charge tous les frais. Il peut offrir la subvention et si nous voulons aller dans un autre pays que l’Inde, nous prendrons nos responsabilités financières et nous irons dans le pays de notre choix. Malheureusement, avec l’accord que le pays a signé, nous devons actuellement nous rendre seulement dans les hôpitaux en Inde. Il se trouve que parfois nous pouvons avoir de meilleurs traitements ailleurs. »

Contacté, l’attaché de presse au ministère de la Santé nous explique qu’il y a effectivement un accord avec l’Inde qui offre aux Mauriciens qui sont malades des traitements de qualité à un prix raisonnable. « Nous nous assurons que les services qui y sont offerts sont excellents. C’est pour cela que nous conseillons aux patients de se rendre dans les hôpitaux avec lesquels nous avons un accord. »

Par ailleurs, certains médecins n’approuvent pas ce règlement. Ils estiment que le patient doit pouvoir se faire opérer dans l’établissement de son choix. Selon eux, c’est un choix que l’État a dû mal à expliquer. « Certains hôpitaux offrent de meilleurs services, mais la liste des hôpitaux n’est pas disponible aux médecins traitant à Maurice. »


Des familles contraintes aux collectes publiques - Anatika : «J’ai été réduite à une mendiante»

On les voit souvent dans la rue malgré la forte chaleur ou les intempéries. À force de voir des familles dans la rue réclamant de l’argent pour un proche malade, ces dernières finissent par fondre dans la masse. Nombreux sont les passants qui les croisent sans même jeter un regard de compassion sur elles. Malgré les multiples difficultés, ces familles doivent faire face au regard et aux remarques désobligeantes des gens pour pouvoir soigner leurs proches.

À l’instar d’Anatika qui a passé de longues heures dans la rue pour récolter de l’argent pour son fils qui souffrait d’une leucémie.

« Nous menions une vie tranquille. Tout a basculé dans ma vie le jour où le médecin m’a annoncé que mon fils était malade. Je me suis tout de suite dit que je ne baisserais pas les bras et que je serais toujours très forte pour mon fils. Sauf que j’étais loin de m’imaginer qu’il n’y aurait pas seulement des nuits blanches pour rester à ses côtés, mais qu’il y aurait eu tout l’aspect financier à m’en occuper. Après avoir eu le permis de collecte publique, quelques personnes sont venues m’aider. Elles n’ont pu le faire pour longtemps. Je me suis retrouvée seule. Pour aller quémander de l’argent dans la rue, j’ai dû demander un congé sans rémunération au travail. Parfois, je rentrais à la maison avec Rs 187, je me dépêchais de prendre un bain avant de retourner à l’hôpital avec mon fils. Le jour que je suis rentrée à la maison avec Rs 17, j’ai décidé de cesser. J’ai pris un emprunt. L’argent n’a pas suffi. J’ai vendu ce que j’avais. Aujourd’hui, j’ai d’énormes dettes. Mon fils peut faire une rechute à n’importe quel moment. Tous les jours, je prie pour que tout se passe bien. Car, je ne saurais où trouver de l’argent si mon fils rechute. »


Témoignage

La peine de la famille Bundhooa dure toujours

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La petite Geeteeka en compagnie de ses parents.

Atteinte de leucémie depuis l’âge de trois ans, la petite Geeteekha, aujourd’hui cinq ans, suit toujours ses traitements à l’hôpital. Ses parents ont dû abandonner leur boulot pour s’occuper non seulement de leur enfant mais aussi pour trouver l’argent nécessaire pour les frais de ses traitements.

« Il n’y a pas eu que les frais médicaux. Quand ma femme était en Inde avec ma fille, je faisais la quête ici. Avec l’argent récolté, elle s’achetait à manger. C’était vraiment difficile. Je ne pouvais pas la rejoindre. Je préférais continuer à demander aux membres du public de me venir en aide. Puis, quand elle est rentrée, nous avons dû faire notre fille rester à l’hôpital pendant plusieurs mois, car nous vivions dans des conditions très précaires. Cela ne favorisait pas sa guérison. Il lui fallait être dans un endroit propre, où il n’y a pas de poussière. C’était difficile dans la bicoque qu’on habitait (ndlr : une pièce dans laquelle tout était entassé). J’ai dû faire plusieurs appels de solidarité pour pouvoir construire une chambre en béton pour ma fille. Il nous fallait également une bonne climatisation, car elle commençait à avoir des problèmes de peau en raison de la chaleur. C’était vraiment très dur. Je n’y serai pas arrivé sans l’aide des Mauriciens. Heureusement que les gens ont été solidaires. À Maurice, c’est très difficile quand un proche est malade. Il y a beaucoup de frais que les autres ne réalisent pas. On n’a pas le choix, on doit faire de notre mieux pour le bien-être de notre proche malade », explique le père de l’enfant.

 

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