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Le cancer à Maurice : un portrait nuancé et des défis persistants

Le Dr Marvin Koon souligne l’importance du dépistage précoce pour une prise en charge optimale.

Maurice a enregistré 2 841 nouveaux cas de cancer en 2023 : 1 636 chez les femmes et 1 205 chez les hommes. Ce « déséquilibre » apparent, loin d’être une anomalie locale, s’inscrit dans un schéma observé à l’échelle mondiale, explique le Dr Marvin Koon Sun Pat, National Cancer Registry Coordinator.

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Cette disparité s’explique par un entrelacement de facteurs démographiques et épidémiologiques, précise le spécialiste. D’abord, la composition même de la population mauricienne, où les femmes sont plus nombreuses, influence mécaniquement les statistiques. Mais c’est surtout la prépondérance du cancer du sein – véritable fléau féminin – couplée aux cancers gynécologiques spécifiques (utérus, ovaires) qui fait pencher la balance.

Selon les tendances observées dans la région, notamment à La Réunion et en Afrique du Sud, les cancers liés aux maladies non transmissibles (MNT) dominent le paysage oncologique. Un contraste saisissant se dessine avec les pays à faible revenu, où ce sont les cancers d’origine infectieuse - liés au VIH ou au HPV - qui prévalent. À Maurice, les cancers sont davantage associés au mode de vie et à des facteurs environnementaux : obésité, sédentarité et habitudes alimentaires déséquilibrées constituent un terreau fertile pour le développement des tumeurs malignes.

Le Dr Koon, tout en reconnaissant la gravité de chaque cas individuel, replace ces chiffres dans une perspective plus large. 2 841 nouveaux cas pour 1,3 million d’habitants ne constituent pas une situation alarmante, analyse-t-il, particulièrement lorsqu’on compare avec le diabète qui étreint environ 40 % de la population mauricienne (20 % de diabétiques avérés et 20 % en phase prédiabétique). Néanmoins, la courbe ascendante des diagnostics de cancer justifie une vigilance accrue et des politiques de santé publique proactives en matière de sensibilisation et de dépistage, affirme-t-il.

Le médecin pointe une lacune significative dans le système actuel : l’absence de programmes de dépistage systématiques à l’échelle nationale. Les dépistages restent majoritairement « opportunistes », déplore-t-il, signifiant qu’ils interviennent lorsque les patients consultent déjà pour des symptômes ou d’autres problèmes de santé. Cette approche réactive, bien qu’utile, ne peut rivaliser avec l’efficacité d’un programme national qui ciblerait méthodiquement des groupes d’âge spécifiques, permettant une détection plus précoce et donc des traitements moins invasifs et plus efficaces.

La répartition des ressources de dépistage reflète également un certain déséquilibre entre les genres. Les femmes bénéficient d’outils dédiés comme la mammographie pour le sein et le frottis pour le col utérin. Le test FIT (Fecal Immunochemical Test) pour le cancer colorectal constitue l’une des rares méthodes également accessibles aux hommes et aux femmes, ouvrant la voie à des examens plus approfondis comme la colonoscopie en cas de résultat positif. 

Le cancer infantile, bien que moins fréquent, est également une réalité à Maurice. Chaque année, entre 25 et 40 nouveaux cas sont enregistrés, ce qui reste un sujet de préoccupation pour les autorités sanitaires et les familles concernées.

Si le cancer n’atteint pas encore les proportions épidémiques du diabète à Maurice, sa progression constante appelle à une mobilisation sans faille. Prévention, dépistage précoce et sensibilisation demeurent les trois piliers d’une stratégie efficace pour endiguer ce fléau qui, au-delà des statistiques, bouleverse des vies entières et questionne notre rapport collectif à la santé, à l’environnement et aux modes de vie contemporains.

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Dépistage du cancer du sein : les hommes aussi concernés

Une femme médecin soutenant l’ONG Breast Cancer Care (BCC), qui a souhaité garder l’anonymat, souligne l’urgence d’intensifier les campagnes de sensibilisation et de dépistage du cancer du sein chez les hommes. Selon elle, ces derniers sont souvent réticents à se faire examiner, par gêne ou par la fausse croyance qu’ils ne sont pas concernés par cette maladie. Pourtant, bien que les cas masculins soient rares, le cancer du sein peut toucher tout le monde, notamment en cas d’antécédents familiaux.

Elle insiste également sur la vigilance nécessaire pour les personnes transgenres suivant un traitement hormonal à base d’œstrogènes, celui-ci pouvant augmenter le risque de mutations génétiques et, par conséquent, de développer un cancer du sein. Chez les femmes, elle rappelle que l’usage prolongé de pilules contraceptives – au-delà de cinq ans – peut également accroître ce risque. D’autres facteurs, tels que certains déséquilibres hormonaux, peuvent aussi être aggravants.

Bien que les hommes ne soient soumis à aucune restriction au sein du BCC, ils restent peu nombreux à profiter des services de dépistage offerts. Sur leur lieu de travail, ils assistent volontiers aux campagnes de sensibilisation, mais ils sont bien moins enclins à passer des tests au siège de l’ONG à Vacoas. « Beaucoup hésitent à se faire examiner, notamment lorsqu’il s’agit de médecins femmes », observe la spécialiste. Elle appelle à une prise de conscience plus large afin que chacun, homme et femme, puisse bénéficier d’un suivi médical préventif adapté.

 

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