À quelques jours de son entrée en campagne, Kugan Parapan, candidat désigné de Rezistans ek Alternativ (R&A) à la partielle de Belle-Rose/Quatre-Bornes, explique l’enjeu de ce scrutin, n’écarte pas la perspective d’un faible taux de participation et fait état d’une campagne marathon.
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« Le financement de notre parti se fait dans la transparence la plus totale, aucun sou ne provenant du secteur privé, des trafiquants de drogue et des bookmakers véreux »
Quel est l’enjeu de la partielle dans la circonscription no 18 ?
L’enjeu sera déterminant pour les candidats d’abord, car si le gouvernement ne prend pas part à ce scrutin, l’enjeu sera totalement différent. Mais R&A a lui décidé de faire campagne sur des questions fondamentales qui sont au cœur de la société mauricienne. Il s’agit d’un contexte où le ras-le-bol a gagné l’ensemble de la société mauricienne, qui éprouve une frustration grandissante. Cette élection, de surcroît, sera l’occasion d’exprimer cette déception d’une manière démocratique. Pour R&A, il n’y a pas de meilleure occasion pour sanctionner les partis politiques traditionnels, sauf voter le papillon.
Comment votre parti compte-t-il mener sa campagne, compte tenu de vos moyens financiers nettement inférieurs, comparé aux partis traditionnels ?
R&A a toujours fait preuve d’innovation dans sa manière de communiquer. Nos méthodes sont différentes de celles de nos adversaires. Cela dit, nous n’excluons pas le porte-à-porte et le canvassing sur le terrain, qui vont de paire avec les méthodes avant-gardistes. Cette partielle a tous les signes d’un marathon, il va falloir s’y adapter.
Comme en guerre, l’argent en sera le nerf, comment allez-vous gérer cette problématique ?
Nous allons le faire en nous appuyant sur les réseaux sociaux, surtout Facebook, qui a graduellement diminué le pouvoir qu’exerçait l’argent. Aujourd’hui, avec Rs 100 dépensées sur les frais de connexion, on parvient à toucher le même nombre de personnes qu’on le faisait avec Rs 10 000. La démocratisation de l’espace politique engendrée par les réseaux sociaux est un des facteurs qui permet à un parti comme R&A de jouer dans la cour des grands. Faut-il rappeler que le financement de notre parti se fait dans la transparence la plus totale, aucun sou ne provenant des gros bonnets du secteur privé, des trafiquants de drogue et de bookmakers véreux.
La campagne semble lente à se dessiner. Rien ne permet de croire à une élection…
C’est le calme avant la tempête. Dès qu’on verra plus clair par rapport aux échéances, les choses vont s’accélérer. R&A souhaite, par respect pour les habitants de Belle-Rose/Quatre-Bornes, que les partis politiques engagés dans cette élection ne noient pas cette ville sous le plastique et les affiches. Le mood dans la circonscription elle-même, surtout par rapport aux dernières législatives, semble indiquer que l’absentéisme sera assez élevé.
à qui profiterait un faible taux de participation ?
Comme l’expérience l’a démontré, une telle perspective sera à l’avantage des partis dont les membres sont les plus mobilisés. Ce sont les outsiders qui en profiteront, parce que leur bank vote est constitué de personnes qui votent par conviction. Dans n’importe cas de figure, celles-ci se rendront aux urnes, car elles sont animées par un profond désir de changement.
Les moyens logistiques ne sont-ils pas aussi un facteur clé de mobilisation ?
Encore une fois, je trouve le facteur logistique désuet. Bien entendu, il faudrait aussi une présence sur le terrain, mais comme le dit l’Anglais : ‘Anything in excess is bad’.
« Aujourd’hui, avec Rs 100 dépensées sur les frais de connexion, on parvient à toucher le même nombre de personnes qu’on le faisait avec Rs 10 000 »
Est-ce le dossier de Metro Express, qui a connu un développement de taille durant la semaine, restera un thème de cette campagne ?
À en croire les sondages, le Metro Express risque de ne pas être l’enjeu de cette élection. Non pas parce que le projet est accueilli à bras ouverts par la population, mais parce que les habitants de Belle-Rose/Quatre-Bornes surtout, ont le sentiment qu’ils ne pourront pas renverser ce projet à travers une élection partielle. Le problème avec ce projet, c’est que ce gouvernement l’avait totalement dénigré durant sa campagne des législatives de 2014. C’est l’exemple le plus concret qui démontre que la classe politique traditionnelle prend les Mauriciens pour des moutons acquis.
Selon vous, quelles sont les attentes des habitants de Belle-Rose/Quatre-Bornes ?
Elles sont les mêmes que celles des autres circonscriptions, à l’exception de quelques spécificités locales. R&A axe sa campagne sur les moyens de maximaliser le bien-être des Mauriciens en recentrant les enjeux politiques autour de la qualité de vie.
Que voyons-nous actuellement ? Nous sommes dans une société où la moitié de la population gagne moins de Rs 15 000, où la taxe sur la cigarette et les boissons alcooliques rapporte plus d’argent dans les caisses de l’État que les profits des compagnies, où les loisirs des citoyens se résument à s’affaisser devant la télé. à R&A, nous sommes conscients qu’il reste beaucoup à faire pour que nous vivions enfin dans une société où l’économie s’organise autour de celle-ci et non l’inverse. Maurice a été créé comme une terre d’exploitation. Même 50 ans après notre Indépendance, nous ne sommes pas parvenus à rompre les chaînes de notre passé.
Dans une récente interview, l’ex-député Sanjeet Teelock faisait observer que le fait que vous soyez tamoul est à mettre en rapport avec votre investiture à Belle-Rose/Quatre-Bornes, où la communauté tamoule est assez importante…
L’aspect ethnique n’a pas été le critère pris en compte par mon parti, Rezistans ek Alternativ, comme l’ont fait les autres partis politiques traditionnels durant leurs tractations. Ce qui n’est pas nouveau dans leurs stratégies. Ce qui est un peu cocasse, c’est que nous connaissons leurs stratégies, mais eux ne connaissent pas la nôtre. Ma candidature à Belle-Rose/Quatre-Bornes suit une logique, car j’étais déjà candidat dans cette circonscription en 2014.
Dans une interview, vous avez déclaré ne pas être contre le système capitaliste. Or, votre discours semble relever du socialisme ?
J’avais, en fait, déclaré que je n’étais pas forcément opposé au système capitaliste, aussi longtemps qu’il y a en face de lui un gouvernement fort et indépendant. Ce propos peut paraître banal, si je vous dis que depuis l’Indépendance, Maurice n’a jamais été dirigé par un gouvernement fort et indépendant. Peut-être à ce moment-là, vous comprendrez l’ampleur du changement que nous souhaitons. Quand je dis fort et indépendant, je pense surtout à un gouvernement qui peut agir dans l’intérêt du peuple, et que dans son intérêt.
Si, demain, le secteur privé présente un projet qui va dans cette direction et qui s’inscrit dans une vision à long terme, à R&A, nous n’y verrons aucune objection. Or, ce n’est pas comme cela se passe dans notre société. C’est dommage que mon propos concernant les rapports avec le capitalisme dans le regard d’un économiste, durant cette interview, a été tiré de son contexte.
« Rezistans ek Alternativ axe sa campagne sur les moyens de maximaliser le bien-être des Mauriciens, en recentrant les enjeux politiques autour de la qualité de vie »
Quel type de député serez-vous, si vous êtes élu ?
Si je suis élu, ce sera un tremblement de terre politique, à la manière de la victoire de Dev Virahsawmy pour le MMM, en 1971, à Pamplemousses-Triolet. J’ai l’intention d’être une nouvelle voix au sein de l’hémicycle, celle des sans-voix, des travailleurs, de l’écologie, de la jeunesse, de l’avenir. Je démissionnerai de mon job comme gestionnaire de portefeuille, pour me consacrer pleinement à ma circonscription et mon pays.
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