Interview

Krish Ponnusamy, ancien haut fonctionnaire: «Le PRB est ressorti affaibli des recommandations Manraj»

L’ancien Senior Chief Executive commente la récente publication du rapport du Pay Research Bureau. Il estime que le gouvernement n’a pas tiré les leçons des précédents rapports. En tant qu’ancien haut fonctionnaire, que pensez-vous des réactions suscitées par le dernier rapport du Pay Research Bureau (PRB) ? J’ai un sentiment de déjà-vu. Ce n’est pas le premier et encore moins le dernier rapport qui suscite de tels débats. En tant qu’ancien fonctionnaire, j’ai vu la publication de plusieurs rapports, non seulement celui du directeur du PRB, mais aussi ceux des Salaries Commissioners, comme on les appelait à l’époque.
Est-ce normal que les réactions soient aussi virulentes suivant chaque publication ? Quand un rapport est fait dans une conjoncture économique difficile, il ne va pas répondre aux attentes des fonctionnaires. Par contre, quand le contexte économique est confortable, il y a notamment des augmentations substantielles et une amélioration des conditions de service. Donc, dans quel contexte situerez-vous le rapport 2016 du PRB ? Dans un contexte économique difficile. Le taux de croissance stagne, les prévisions ne sont pas brillantes ni dans le contexte local ni sur le plan international. Le PRB fonctionne dans des paramètres bien définis. L’un d’eux est la capacité du gouvernement à payer et cela est tributaire des conditions économiques. Le rapport ne peut faire des recommandations qui ne pourront être exécutées.
[blockquote]« Le fonctionnaire doit s’adapter à toutes les circonstances. S’il ne peut pas, il demande son transfert ou part à la retraite. »[/blockquote]
Qu’est-ce qui vous a frappé dans le présent rapport ? On n’a pas tiré les leçons du passé. Pourquoi dites-vous cela ? J’ai l’impression qu’on répète à chaque fois les mêmes erreurs. L’objectif premier du rapport est de donner satisfaction aux fonctionnaires. Mais si les recommandations suscitent des manifestations et des grèves, c’est que quelque part on a raté notre objectif. Après la publication du dernier rapport, il a fallu instituer un autre comité, présidé par un ancien secrétaire financier, en l’occurrence Dev Manraj, pour corriger les errors and omissions. Le comble, c’est que ce rapport suscite à son tour des critiques virulentes. Un autre comité, présidé cette fois par le Senior Chief Executive du Bureau du Premier ministre, est mis sur pied pour corriger les erreurs du rapport alors qu’il devait initialement corriger les anomalies. Tout cela coûte de l’argent. Et le fonctionnaire dans tout ça, qu’est-ce qu’il gagne ? C’est du non-sens. D’ailleurs, le présent rapport souligne les dégâts causés par le document errors and omissions. C’est-à-dire ? Le document souligne que beaucoup de problèmes ont découlé non pas du rapport PRB 2013, mais de certaines recommandations du rapport Manraj qui, au lieu de corriger les erreurs, a eu l’effet contraire, notamment en causant des major distortion in the salary relativity. Il y a certainement un problème dans la manière de procéder. Que doit faire le gouvernement ? Sa marge de manœuvre et celle du PRB est limitée. Le gouvernement ne pourra faire preuve de largesses dans une période de crise économique. À quoi cela sert-il alors de publier un rapport dans une telle conjoncture ? N’oublions pas que le rapport devait initialement être publié chaque cinq ans. Donc, le prochain était prévu en 2018. C’est le rapport Manraj qui a ramené ce délai à trois ans. Mais suivant les recommandations du rapport Manraj et son approbation par le gouvernement, le PRB est venu avec son rapport, peu importe le fait que la situation économique soit difficile. C’est un gros dilemme. Encore une fois, que doit faire le gouvernement ? Du firefighting. Le gouvernement est bon à ce jeu-là. Plutôt que de renforcer les institutions, il les affaiblit. Le PRB est ressorti affaibli des recommandations Manraj. La ‘Commission Salaries’ a laissé la place au  PRB. Faudrait-il maintenant remplacer ce dernier par une autre entité ? Il faut une institution pour réviser régulièrement les salaires et les conditions de service des fonctionnaires. Mais il faut aussi faire confiance aux institutions. Pensez-vous qu’il y ait actuellement un manque de confiance dans les institutions ? Je parle du PRB. En 2013, le rapport Manraj a outrepassé ses terms of reference. Cela a sapé la confiance et maintenant on paie les pots cassés. Il faut renforcer le PRB, le valoriser davantage. Il faut aussi que les autres institutions jouent leur rôle. Quid du rôle du gouvernement ? Le gouvernement devrait pouvoir prévoir les problèmes et trouver des solutions pour les contrer. Estimez-vous qu’il a manqué de prévoyance ? Gouverner, c’est prévoir. On aurait dû savoir que la publication du rapport PRB n’allait pas être sans conséquences. L’État aurait dû peut-être mettre en place une machinerie pour contrer les critiques. Il y a aussi la notion de pacte social qu’il devrait davantage privilégier. Dans le cas qui nous concerne, les hauts fonctionnaires et les représentants des syndicats auraient se mettre d’accord sur les paramètres en attendant des jours meilleurs. Là on en est réduit à faire du firefighting. Quel regard jetez-vous sur la Fonction publique dans sa forme actuelle ? Est-elle endormie, comme l’estime le Premier ministre ? Les conditions sont-elles réunies pour que tous les fonctionnaires, quel que soit leur grade, aient le soutien nécessaire pour évoluer ? Je n’ai pas fait cette évaluation. Ce que je sais, c’est que la fonction publique est une institution extrêmement importante dans le système démocratique. Toute la philosophie du PRB s’articule autour de sa transformation. Au fil des années, le service a grandi. La tâche est plus complexe, les attentes plus fortes et elle est aussi plus surveillée. Si la machinerie n’est pas huilée comme il le faut, il y aura des manquements. Est-elle grippée ? En tout cas, le public pense que oui. Pour qu’il y ait une fonction publique performante, il faut que tout le monde, du plus haut au plus petit fonctionnaire, se donne à fond. Nous avons le potentiel. Il faut juste créer les conditions nécessaires. Sinon ‘adapt or perish’ ? Le fonctionnaire s’adapte à toutes les circonstances. S’il ne peut pas, il demande son transfert ou part à la retraite.  
 

Parcours exemplaire

Âgé de 68 ans, Krish Ponnusamy, ancien Senior Chief Executive, a eu un parcours des plus exemplaires dans la fonction publique. Il a été un proche collaborateur des administrateurs et des politiciens qui ont changé le visage de l’administration publique. Il détient une maîtrise en Corporate Governance and Corporate Social Responsibility, un diplôme en Public Administration and Management. Krish Ponnusamy a aussi suivi plusieurs cours, en l’occurrence en Special Aspects in Public Administration, Human Resource Development, Leaders in Development et International Programme for Senior Public Officers in Management. Marié à Sharmila Chedumbrum, Krish Ponnusamy est père de deux enfants : Dhiren et Kobashini. Il a quatre petits-enfants.
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