Le reggae est leur rempart, leur exutoire, un moyen d'expression. Mais aussi une façon de transmettre des messages forts. Cette année marque les 50 ans de ce courant musical. En marge de la Journée mondiale du reggae, célébrée ce dimanche 1er juillet, partons à la rencontre des talents émergents de cet univers.
Marqué par le morceau ‘Do the reggae’ de Toots en 1968, ce style de musique a traversé le monde. Le 1er juillet marque l'anniversaire de la création de cette forme d'expression musicale. Tout le monde connaît la musique de Bob Marley, mais peu d'entre nous connaissons ses origines. Né en Jamaïque dans les années 1960, le reggae va bien au-delà de nombreux clichés dont les dreadlocks, culte rasta, cannabis et non-violence. Fruit d'un vaste métissage, la plus populaire des musiques jamaïcaines continue d'évoluer et d'étendre son influence à travers le monde.
À Maurice, le reggae a connu ses déclinaisons avec la création du seggae par des pionniers tels que Kaya ou encore Ras Natty Baby, figures emblématiques de cet univers musical. Ce dernier nous parle de l'évolution, même lente, de cette musique qui rassemble. "Lorsqu’il y a 35 ans, j'ai commencé à faire du reggae, il n'y avait pas vraiment d'audience pour ce style", raconte le pionnier du genre à Maurice. Ras Natty Baby se met alors à écrire des chansons reggae en créole sans savoir que c'était le début d'une révolution musicale chez nous. Ce n'est que vers les années 90 que les Mauriciens commencent à comprendre la portée de ces mélodies universelles.
En introduisant le seggae, le chanteur souhaitait promouvoir la même démarche fraternelle et militante que dégageait le reggae. "Le seggae est devenu comme une identité pour les Mauriciens et, aujourd’hui, bon nombre de jeunes, qui peinent à percer, se tournent vers le reggae." Selon Ras Natty Baby, l’apport de chaque Mauricien est indispensable pour permettre aux jeunes d'émerger dans ce type de musique. Il évolue avec un groupe de jeunes musiciens et il souhaite promouvoir davantage ce courant unique qu’est le seggae.
Pour Stéphan Rezannah, directeur de Jorez Box, les groupes locaux se trompent de direction. "Pourquoi vouloir imiter le reggae alors que nous avons le seggae ? Il n’y a pas beaucoup de groupes de musique seggae à Maurice, car cette musique n'est pas populaire chez les jeunes. Les Caraïbes ont su faire émerger le zouk et l'Amérique latine, le reggaeton, pourquoi ne le ferions-nous pas avec le seggae ?" Il ajoute que certains groupes, comme Jerry N The Resistance, ont pris dix ans pour se faire connaître alors qu'ils faisaient déjà du seggae. Il cite notamment OSB qui a intégré du ragga muffin et du dancehall au seggae. "Les jeunes se trompent de direction."
Le ‘Rubadopt Seggae’
Pour sa part, le chanteur Jahmayka a souhaité marquer le coup en organisant l'événement ‘Reggae music my prayer’ ce samedi 30 juin. "Nous voulions être les premiers à marquer la Journée mondiale du reggae à Maurice, qui coïncide avec les 50 ans d'indépendance, et, pour l'occasion, nous lancerons notre album ‘Reggae music my prayer’. Dans cet album, le groupe présente un tout nouveau genre, le ‘Rubadopt seggae’ qui marie le seggae à la musique électronique et au rock. Jahmayka indique que le thème choisi pour ce 50e anniversaire du reggae est "From JA to UK". Il souhaite aussi apporter cet événement jusqu'à notre île.
Jamily Jeanne : « Le reggae est fait pour moi »
Elles ne sont pas nombreuses à faire du reggae à Maurice. Jamily Jeanne, 21 ans et habitant Grand-Bel-Air, fait partie de cette petite poignée de femmes qui le chantent. Jeune talent émergent, elle est tombée dans le chaudron de la musique à dix ans. Elle chantait dans les fêtes du village et les célébrations culturelles de la région. Passionnée de seggae et de reggae, elle puise ses inspirations de Kaya et de Bob Marley, entre autres. Pour Jamily, chanter est une seconde nature. À 12 ans seulement, Jamily se produit dans des concerts et des soirées au Blue Bamboo, Nativ Lodge.
"Baz'art était devenue ma deuxième maison, j’étais encore mineure et mes parents m'accompagnaient dans tous les événements et m'encourageaient dans cette voie", confie Jamily Jeanne. La chanteuse apprend à jouer de la guitare avec son frère et se met à composer. À 15 ans, sa carrière prend une autre tournure lorsqu’elle intègre le groupe ‘The Prophecy’ comme choriste avant que ce dernier ne lance son premier album. "J'ai eu l'occasion de participer à des festivals et des concerts à Maurice et à La Réunion et de collaborer avec d'autres artistes locaux sur leurs albums, dont Mr Snyp, Boyzini, Rast Verite, Steevie, Tian Corentin ou encore Djadel."
À l'âge de 16 ans, Jamily est acceptée dans le groupe ‘Sing Again’. "Cette expérience m'a donné envie de foncer, de ne plus rester dans l'ombre et de créer mon propre univers musical, se souvient-elle. Je voulais montrer que les femmes aussi pouvaient faire du reggae." Aujourd'hui étudiante à l'université, toutes les occasions sont bonnes pour faire de la musique. La jeune femme chante à l'hôtel et travaille en parallèle sur son premier single ‘Gard lafwa’. Elle a d’ailleurs fondé son groupe, ‘Jamily and The Coconut Cream’. "Je rêve d'entrer en studio pour enregistrer un album que j'espère pouvoir lancer d'ici mi-juin 2019".
Chalice Dub Lion : quand la musique rythme sa vie
De son vrai nom, Jean-Daniel Raboude, le Rodriguais, Chalice Dub Lion, ne se présente plus dans son pays natal. En effet, le chanteur de reggae s'est fait un nom. Le trentenaire raconte que c'est son papa mélomane qui lui a transmis son amour pour la musique. "Le séga rythmait ma vie à l'époque, car le reggae n'était pas encore très connu des Rodriguais."
Au collège, Jean-Daniel chante lors des concerts organisés pour la Fête de la musique. L'envie de composer des chansons lui vient vers l'adolescence lorsqu'il apprend à jouer de la guitare. Il découvre alors le reggae et le dancehall. Jean-Daniel intègre le groupe Real Mystika et met le cap sur Maurice afin de trouver des opportunités dans l'industrie musicale.
"À Maurice, j’ai rencontré Jahmayka et le groupe Small Axe et le ‘Kolektif Small Axe’ est créé afin de rendre hommage à Bob Marley", confie Chalice. De retour à Rodrigues en 2011, il poursuit sa carrière musicale et lance l'album ‘Ennou’ qui signifie ‘Nou ale’ en kreol rodriguais. Son album, qui connaît un succès dans son île, lui permet de faire plusieurs scènes grâce à son titre ‘Zoli Fam’.
C'est lors de son retour à Maurice en 2016 qu'il entame une carrière en solo. De son nom de scène Chalice Dub Lion, il enchaîne les collaborations et participe à ‘Reggae Donn Sa’ et ‘Festival Kreol’ et donne des concerts en solo. "La musique est un médicament qui guérit les maux de la société et je ne veux pas faire de la musique pour la gloire mais par passion", précise-t-il
Amy Lutchuman : un talent à l'état brut
C'est un autre talent féminin naissant du reggae local. Amy Lutchuman, 24 ans, s'est lancée dans la musique il y a trois ans mais, en réalité, l’amour des notes coule dans ses veines. "Mon papa, guitariste, ne voulait pas que j'entre dans le monde de la musique mais celle-ci m'a toujours accompagnée dans chaque étape de ma vie. Je faisais partie de la chorale de l'école et, à la maison, on chantait souvent avec les cousins." Bien que son choix de carrière se porte vers la musique, Amy cumule plusieurs jobs dans l'hôtellerie, les centre d'appels, etc. "Je n'arrivais pas à faire plus d'un an dans un emploi", dit-elle.
Son père devait constituer un orchestre. N’ayant pas de chanteuse, il fait une proposition à Amy. Elle découvre alors le métier en tant que chanteuse principale. "C'était un vrai stress pour moi d'apprendre à chanter seule devant un public, mais je me suis vite adaptée grâce aux conseils de mon père." Amy, inspirée par Bob Marley, baigne dans l'univers reggae pendant de longues années. Souhaitant poursuivre sa passion, elle collabore avec le groupe ‘Mahela’ dans l'enregistrement de son album. Elle rencontre de nombreux arrangeurs musicaux et se voit offrir l'opportunité d'être choriste pour Ziggy.
Depuis, d'autres opportunités se sont présentées à elle et elle a participé à Fierté des Iles ou encore Dub Track. "J'ai trouvé ma voie. Le reggae m'apaise et me détend, il permet de véhiculer des messages forts. Je compose mes propres chansons, mais j'ai besoin d'être guidée. Je rêve de faire carrière comme Linzy Bacbotte ou Laura Beg."
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