Elles ont choisi de poursuivre leurs rêves, celui de créer leurs entreprises. Malgré les embûches, ces femmes qui ont abandonné leur confort de salarié se sont battues contre vents et marées pour enfin vivre de ce qui les anime : leur passion. Rencontre avec quelques entrepreneures dans le cadre de la Journée internationale des femmes, célébrée ce 8 mars.
Pauline Li, directrice d’une marque de cosmétiques : « J’ai préféré avancer doucement, mais sûrement »
Ode à toi est la marque commercialisée par Pauline Li. C’est une gamme de savons artisanaux et de soins à base d’ingrédients naturels, comme l’huile de coco, les algues marines, l’aloe vera ou encore le karité. Cette maman de trois enfants a décidé de se réinventer en 2015 pour suivre un domaine qui la passionne depuis toute jeune.
À la fin de ses études secondaires, Pauline Li suit une formation en comptabilité, mais après la naissance de son premier enfant, elle revient à sa première passion. Elle avait alors 27 ans. « J’aime la comptabilité, mais mon côté créatif et artistique était plus fort que tout. Je me suis dit qu’il valait mieux me lancer dans quelque chose qui me passionne et la fabrication de savons et de produits cosmétiques m’a interpellée », ajoute-t-elle.
Elle s’est lancée dans l’aventure, mais le parcours a été semé d’embûches. Tout d’abord, elle aménage son atelier de produits cosmétiques dans une pièce de sa maison. Autodidacte, elle scrute le Net pour apprendre les techniques de fabrication de savons, mais pas n’importe lesquels. « Je voulais faire quelque chose qui regorge de bienfaits avec de bons ingrédients », ajoute notre interlocutrice. Cette dernière a testé des dizaines de formules avant de trouver la bonne.
Cependant, avec un bébé sur les bras, les choses n’étaient pas aussi faciles. « Je devais attendre qu’il dorme pour faire des recherches et des tests. Un enfant, cela demande du temps et de l’énergie. Il me fallait gérer les deux en simultané, mais j’étais tellement passionnée par ce que je faisais que je ne sentais pas la fatigue », raconte-t-elle.
Animée par la fougue de réussir, elle développe son entreprise petit à petit et s’occupe des divers aspects, toute seule comme une grande. « Je concevais les produits jusqu’à l’emballage, sans oublier qu’il fallait démarcher les clients, mais je ne me suis pas précipitée. J’avoue que les produits n’ont pas décollé aussi vite que je voulais. Avec mes responsabilités de femme et de mère, j’ai préféré avancer doucement, mais sûrement », indique Pauline Li.
Aujourd’hui, ses produits sont en vente dans les pharmacies et sont aussi disponibles dans les hôtels. Depuis quelque temps, son aventure a pris une autre tournure. « Quelques personnes m’ont rejointe dans cette aventure. Cela m’est d’une grande aide, car chacun apporte ses idées et on se consulte pour trouver des solutions. C’est un travail d’équipe », fait-elle remarquer.
Aujourd’hui, toute la petite famille de Pauline Li lui donne un coup de main, surtout ses trois enfants. « Mes enfants ont grandi dans cet univers et ils m’apportent leur aide, surtout pour l’emballage. C’est assez amusant pour eux », conclut-elle.
Nishi Kichenin : « Les aléas du début m’ont rendue encore plus forte »
Nishi Kichenin, CEO de JurisTax Holdings Ltd, a connu des débuts très difficiles. Toutefois, malgré les mauvaises perceptions, elle a bravé les intempéries et s’est fait une petite place au soleil. À 48 ans, elle gère 180 employés pour le compte de sa société Juris Tax qu’elle a lancé en 2008. Spécialisée dans les services financiers, son entreprise fournit des services de structuration d’entreprise, de gestion de fonds d’investissement, de patrimoine, l’outsourcing, la fintech ou la vie corporative et d’autres services corporatifs.
Issue d’une famille modeste où les valeurs d’intégrité, d’effort et de respect ont toujours été essentielles, Nishi Kichenin a débuté sa carrière dans l’enseignement après ses études de droit à Londres. « J’ai enseigné le droit, j’ai travaillé dans le management avant de rejoindre le cabinet de Marc Hein en 2004. Il m’a proposé de faire quelque chose de moderne et c’est ainsi qu’est née la compagnie. En 2018, j’ai racheté les parts de Marc Hein, mais ce dernier agit toujours comme un guide et me conseille sur les décisions importantes », explique Nishi Kichenin, maman de cinq enfants.
En général, dans une start-up, les débuts sont difficiles, toutefois, dans un environnement où des acteurs importants sont déjà bien implantés, la tâche était encore plus dure. Nishi Kichenin l’a appris à ses dépens. « Les fins de mois n’ont pas été faciles », se souvient-elle. S’ajoute à cela la persistance féroce des stéréotypes liés au genre. « À l'époque, peu de femmes se trouvaient à la tête de sociétés de gestion. J’avais donc la double difficulté de devoir faire grandir JurisTax Holdings Ltd et d’être acceptée comme CEO dans un environnement essentiellement masculin. D’ailleurs, certains de mes clients actuels ont eu du mal, au début, d’accepter de travailler avec une femme. Je me souviens que dans les réunions, ils préféraient s’adresser à mes collaborateurs masculins plutôt qu’à moi », raconte-t-elle.
Pourtant, Nishi Kichenin n’a jamais baissé les bras. Elle s’est accrochée à sa devise de vie qui est « chaque épreuve me rend plus forte ». Elle s’est battue pour faire ses preuves au quotidien. « J’ai dû faire preuve de patience et de persévérance pour que mes clients masculins, surtout ceux d’Europe, me prennent au sérieux. Il fallait qu’ils comprennent que j’étais là pour parler de business », raconte-t-elle. Et au moment de lancer sa compagnie, elle était déjà maman de deux bébés. « J’ai eu la chance d’avoir mon époux à mes côtés qui m’a guidé et soutenu, car ce n’était pas facile de m’occuper des enfants et gérer simultanément tout le stress lié à la compagnie », avoue notre interlocutrice.
Quand Nishi Kichenin était jeune, elle adorait rire de tout et de rien et elle était très douce. Puis, au fil des années, elle s’est endurcie pour devenir une femme forte qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. « Les aléas du début m’ont rendue encore plus forte. Aujourd’hui je suis fière de ce que j’ai accompli. Je me suis dit que rien ne pourrait m’arrêter, même si je fléchissais dans certains cas, je me remettais tout de suite sur mes pieds ».
Diane Nuteau, The Creative Brainstorming : « Il faut avoir les reins solides pour continuer »
À 18 ans, elle souhaitait devenir psychologue, mais, au final, son parcours professionnel s’est avéré complètement différent. Après avoir évolué pendant plus de 18 ans dans le marketing et la communication, aujourd’hui, Diane Nuteau allie le meilleur des deux mondes à travers sa compagnie, The Creative Brainstorming. Une start-up qu’elle a créée il y a cinq ans de cela.
« Mon métier est centré sur le développement personnel et professionnel des employés au sein des entreprises. L’objectif est d’améliorer le leadership, l'intelligence émotionnelle et la communication interpersonnelle », souligne Diane Nuteau, méta-coach en neuro-sémantique.
Tout ce processus se fait à travers des sessions individuelles de méta-coaching, de la formation et des ateliers d’intelligence collective afin d’accélérer les projets d’entreprise et de favoriser l’alignement stratégique. D’ailleurs, un atelier nommé le « Vision Board with Diane Nuteau » se tient ce samedi 4 mars pour les individus qui souhaitent avoir plus de clarté, une direction et un plan d’action à suivre cette année.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Diane Nuteau excelle dans le domaine, mais pour y parvenir, le chemin a été long. Après ses études en gestion d’entreprise et en communication, elle rejoint l’univers du marketing, de la communication et des relations publiques. Elle y reste durant une dizaine d’années, puis survient le déclic. « C’était un peu avant mes 30 ans. Je commençais à faire le point. Je me suis posé des questions existentielles sur ma raison d’être (le ‘purpose’, ‘the BIG WHY’). Puis, quelques années après ce questionnement, le coaching est venu à moi. J’avais déjà quitté mon emploi et je m’étais déjà lancée dans l’entrepreneuriat. C’est grâce à ces remises en question et des formations en méta-coaching que j’ai lancé The Creative Brainstorming en 2018 », raconte-t-elle.
Le financement, la gestion de l’estime de soi, les doutes, en l’occurrence le syndrome de l’imposteur (tendance psychologique à la peur et à la remise en question) ont quelque peu freiné Diane Nuteau dans le processus créatif. Toutefois, prête à en découdre et motivée comme jamais, elle n’a jamais cessé de se battre. « C’était difficile, surtout que j’ai lancé ma compagnie une année avant la pandémie. Il faut avoir les reins solides pour continuer, voire rebondir. C’est grâce à la résilience et l’intelligence émotionnelle et aussi en gardant en ligne de mire ma raison d’être que j’ai pu continuer et, aujourd’hui, je suis heureuse », indique notre interlocutrice.
Diane Nuteau a décroché la première place au JCI Mauritius Creative Young Entrepreneur Award en 2018, la troisième place au Total Startupper Challenge en 2019, ainsi qu'une mention en finale au concours Women In Africa en 2021. Toutefois, avoue-t-elle, elle a dû batailler ferme pour arriver là où elle est maintenant. « Le parcours n’a pas été facile, mais je suis reconnaissante envers ceux qui m’ont tendu les mains. Parmi la JCI, Total Energies avec laquelle j’ai obtenu un cachet, ainsi que le soutien d’un mentor qui m’a aidé à mieux gérer ma start-up. Si je suis là où je suis aujourd’hui, c’est qu’il y a eu plusieurs personnes qui m’ont soutenu dans mon cheminement », fait-elle ressortir.
Selon elle, être une femme entrepreneure n’est pas une tâche facile. « Il faut vraiment être une dame de fer pour y arriver, surtout dans une île Maurice où le domaine des affaires est essentiellement masculin. Il faut être prête à cela et s’y adapter », conclut-elle.
Sameera Chattun Koyratty : « Devenir entrepreneure demande beaucoup de sacrifices, mais avec de la passion, c’est tellement gratifiant »
Elle a plusieurs cordes à son arc. À tout juste 42 ans, Sameera Chattun Koyratty est la directrice de Safe Sha Training Centre et de la compagnie Beach and Sportwear. Elle officie comme consultante pour le restaurant familial Chez Rasta, en plus d’être la représentante de Win TechAfrica à Maurice depuis sept ans, sans oublier son rôle de mère. Elle a deux enfants, une fille de 16 ans et un fils de 10 ans.
« Tout est une question de planification. Le matin, je suis au Beach and Sportwear et dans l’après-midi je donne mes cours et entre les deux, je fais un tour au restaurant. J’arrête de travailler à 14 heures pour récupérer mes enfants à l’école, puis je recommence vers 16 ou 17 heures », indique-t-elle.
Membre active de l’Association mauricienne des Femmes Chefs d'Entreprises (AMFCE), la quadragénaire termine ses journées après 21h00 quand elle doit assister à des réunions au sein de l’association.
Cette vie très dynamique, Sameera Chattun Koyratty la gère de main de maitre. « Au début, c’était difficile, mais avec le temps, j’ai compris comment procéder et je me suis habituée. Malgré un agenda chargé, j’accorde beaucoup de temps à ma famille. Mes enfants me motivent. J’ai besoin de l’énergie qu’ils dégagent autour de moi », ajoute-t-elle.
Sameera Chattun Koyratty, détentrice d’un degré en Computer Science and Business Administration, a débuté sa carrière professionnelle dans le domaine de l’informatique, mais elle a tout laissé tomber après la naissance de son fils. « Je voulais étendre mon congé de maternité sans paie, mais ma demande a été refusée, alors que d’autres personnes avaient pu le faire. J’ai trouvé cela injuste, alors j’ai démissionné », se souvient Sameera Chattun Koyratty. Après six mois au chômage, elle décide de donner des leçons d’informatique à des jeunes dans son garage. « En donnant des cours, l’idée m’est venue d’ouvrir un centre de formation pour les jeunes à partir de 8 ans. Je me suis mise à me documenter sur le net et quelque temps après, j’ai décidé de me lancer. J’ai injecté toutes mes économies dans le projet et c’est grâce aux leçons que j’ai pu payer les différentes licences nécessaires pour ouvrir le centre de formation », raconte-t-elle.
C’est à Belle-Rose que Safe Sha Training Centre a ouvert ses portes en 2012. Aujourd’hui, les cours sont également offerts aux professionnels. Selon notre interlocutrice, les quatre premières années ont été très difficiles. « Je ne touchais pas de paie, car tout l’argent qui rentrait était réinvesti dans le centre. De plus, je voulais offrir de la qualité et pour cela, il fallait payer les licences de partenariat avec des institutions de renom, ce qui coûte très cher. Aujourd’hui, on est stable. On n’a jamais pris d’emprunts à la banque, sauf pour acheter une voiture tout récemment », explique Sameera Chattun Koyratty.
Un parcours compliqué, surtout que son fils était encore bébé quand elle a lancé son entreprise. « Je devais tout faire, et avec mon fils qui était encore petit, c’était compliqué. J’ai pu compter sur le support de mes parents. Je me souviens avoir déjà été en réunion avec mon fils dans la poussette », dit-elle. En 2019, elle reprend Beach and Sportwear, la compagnie de sa tante. Cette dernière y travaille toujours comme consultante et partage son expertise avec sa nièce. Sameera Chattun Koyratty donne aussi un coup de main au restaurant de ses proches, Chez Rasta.
De surcroit, elle est aussi la représentante de Cherie Blair à Maurice, où elle a pour tâche d’accompagner les femmes entrepreneures. « Je leur raconte mon parcours, pour qu’elle sache à quoi s’attendre. Je les motive à travers des ateliers de travail. C’est important d’avoir une personne qui vous apporte de l’aide et vous guide, car devenir entrepreneure demande beaucoup de sacrifices, mais quand on y met de la passion, c’est tellement gratifiant », explique-t-elle.
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