Même si Showkutally Soodhun nie les propos incendiaires qui lui sont attribués dans une vidéo, il est désormais d’aucune utilité pour le MSM de Pravind Jugnauth, estime l'observateur politique.
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Vous communiquez beaucoup sur les questions d’urbanisme dans votre rôle de CEO de la Port Louis Development Initiative (PLDI), mais les enjeux politiques du moment doivent sûrement interpeller le politologue que vous êtes ?
Vous avez raison. Ce projet de régénération de la ville de Port-Louis est passionnant. Nous voulons faire la démonstration qu’une vieille ville peut être aussi une Smart City. La preuve, la PLDI lance bientôt la première application mobile d’un calendrier des activités portlouisiennes. Ce projet, réalisé avec le soutien de Mauritius Telecom (MT), est un modèle qui sera sans doute répliqué ailleurs, comme le projet Color Feast, repeindre les façades des maisons aux couleurs de l’optimisme civique, projet que nous réalisons avec le soutien de Mauvilac. Ce n’est pas pour autant que j’oublie de m’intéresser à la vie politique nationale, d’autant que l’actualité a beaucoup de talents par le temps qui court.
Justement, comment avez-vous jugé les propos tenus « en petit comité », selon Ivan Collendavelloo, par Showkutally Soodhun à l’égard d’une communauté ? Ils ont été unanimement condamnés, mais pourquoi tant de tergiversations de la part du Premier ministre (PM) pour le virer ?
Je ne suis pas prêt à qualifier de tergiversations le temps mis par le PM pour révoquer l’ancien numéro 4 du gouvernement. C’est une décision majeure. On peut comprendre que le chef du gouvernement prenne le temps de peser et de soupeser les conséquences de sa décision. En revanche, j’ai du mal à penser que personne au gouvernement – ni le PM, ni le ministre de l’Intérieur (il existe) – n’a jamais entendu parler de ce dérapage du ministre, avant que la presse ne s’en empare. Si c’est le cas, le chef des renseignements devrait rendre des comptes.
Comment interprétez-vous le fait que Xavier-Luc Duval (XLD) a remis la vidéo incriminante à des journalistes, au lieu à la police ou au PM ?
Vous savez quoi ? Parce que tant d’institutions nationales ont perdu toute crédibilité, la presse écrite est devenue la sentinelle – sans jeu de mots – des justes causes de la nation. Ce n’est pas une situation saine non plus, la presse n’est pas un acteur de la vie politique, elle n’est pas un pouvoir, elle relate les événements, elle les commente, elle n’est pas censée créer l’événement. En l’occurrence toutefois, je pense que les journalistes de l’express n’ont pas eu tort de penser que l’enjeu était plus politique et social que policier et criminel.
À quel jeu joue XLD sur l’échiquier politique ?
Il est le leader de l’opposition, que voulez-vous qu’il fasse ? Son rôle est de s’opposer. Il fait feu de tout bois, c’est grosso modo la règle du jeu.
Il sera plus facile pour Boolell de gagner à Quatre-Bornes que de ravir le leadership du Labour à Ramgoolam »
Le fait que le poste du No 4 est désormais rempli, est-ce un ticket de non-retour pour Soodhun ou devrait-on s’attendre à un nouveau mini-remaniement, s’il y a un ‘no case to answer’ contre l’ex-ministre ?
Dans l’affaire Soodhun, il y a deux aspects très distincts : le volet criminel, la police enquête ; le plus important est le volet politique, l’énormité des propos qui lui sont attribués. Je l’ai entendu clamer son innocence sur Radio Plus. Cela veut dire quoi ? Qu’il nie avoir tenu ces propos ? Vraiment dommage que le journaliste ne lui ait pas posé la question, c’est la seule qui vaille. Bien qu'au point légal Soodhun s’en sorte – je ne vois pas comment – il est désormais un bois sec pour le MSM.
Depuis jeudi, Roubina Jaddoo-Jaunbocus est ministre. Est-ce une erreur de casting de la part du PM, du fait que cette dame est dans le collimateur de la commission sur la drogue pour avoir effectué des 'unsolicited visits' à de nombreux détenus en même temps et d’autres allégations qui pèsent sur elle ?
C’est surprenant en effet ! Mais je me dis qu’un PM ne prend pas de tels risques, d’autant qu’il avait des options. Si l'on veut être indulgent, on peut penser que le PM a obtenu de Madame la ministre des assurances de sa totale non implication personnelle dans les affaires qui retiennent l’attention de la commission d’enquête.
Ce remaniement ne manque pas de causer des remous au MSM. Il y a une fronde qui pousserait à des démissions du Sun Trust. Situation attendue ou alors ces élus sont en mode chantage ?
Je ne crois pas à ce risque, ce sont des spéculations de presse. Ce sera une information quand un député dira publiquement que telle est en effet son intention. Maintenant qu’il y ait des frustrations, des ambitions bafouées, c’est dans la nature humaine, exacerbées plus encore dans le monde politique.
L’Alliance Lepep en est à son huitième remaniement ministériel en trois ans. Est-ce un signe que rien ne va plus au gouvernement ?
Ce ne sont pas les remaniements qui posent un problème, ce sont les raisons qui les provoquent. Bien que la cause soit à chaque fois différente, les remaniements dictés par les contingences politiques, sans portée stratégique, donnent le sentiment d’une grande instabilité et ils nuisent à la cohésion gouvernementale.
Ou alors est-ce un leadership faiblard à la tête du gouvernement qui conduit à cette situation ?
J’observe Pravind Jugnauth.Je ne suis pas certain qu’il est le faible que l’on décrit. Je ne suis d’ailleurs pas, du coup, convaincu par la thèse du deal papa-piti. Je crois plutôt que Pravind Jugnauth est l’auteur d’un putsch. Je ne crois pas un instant que sir Anerood ambitionne de finir sa carrière comme ministre Mentor. Il est d’ailleurs en train de démontrer, chaque jour, qu’il est tout ce qu’on veut, certainement pas un Mentor.
Depuis l'installation de ce gouvernement au pouvoir, les scandales s’enchaînent. Quelles explications ?
De très nombreuses raisons. À quelques exceptions, des médiocres parvenus au sommet, par accident, sans préparation aucune. Le dépérissement de l’idée de service à la nation. Le clientélisme au détriment de la méritocratie.
Dans un tel cas de figure, cela favoriserait-il le Parti travailliste (Ptr)et Navin Ramgoolam ? Comment ?
Quatre-Bornes dira. Les résultats de cette partielle auront un impact national déterminant pour la suite des événements. Si Arvin Boolell remporte la victoire, l’idée que le Ptr représente l’alternance va s’installer dans l’électorat. Mais, dans le parti même, va se déclencher une sourde lutte pour le leadership.
XLD est d’avis qu’il y a un rapprochement entre le MMM et le MSM. Est-ce aussi votre avis ?
Le mot « rapprochement » est peut-être prématuré. Mais chacun peut bien voir comme un dégel dans les relations entre les deux partis, même Soodhun a bénéficié d’une certaine indulgence. Malgré les démentis épisodiques, on peut penser qu’une aile du MMM – il n’y a pas de consensus à ce sujet – réfléchit déjà à l’option MSM. Mais si Boolell est victorieux à Quatre-Bornes, si surtout Ramgoolam lui laisse le leadership, toutes les cartes seront rebattues. Cela fait beaucoup de si. Il est probable qu’il sera plus facile pour Boolell de gagner à Quatre-Bornes que de ravir le leadership du Labour à Ramgoolam.
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