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Intégrité électorale : un code de conduite obligatoire fait débat

Il est nécessaire d’empêcher tout candidat de s’adonner à des actions pouvant influencer le comportement des votants.

La distribution de couettes par le ministre Alan Ganoo, dimanche dernier, fait polémique. Ce n’est pas la première fois qu’un candidat se retrouve au centre d’une telle controverse à l’approche d’une élection. D’où la proposition d’un code de conduite ayant force de loi pour encadrer leurs actions.

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«Mo donn kwet depi 40 an. » Réplique cinglante du ministre et élu de la circonscription n°14 (Savanne/Rivière-Noire) Alan Ganoo, à la suite de la polémique survenue après qu’il y a procédé à une distribution de couettes dimanche dernier. Là où le bât blesse, c’est que le pays est actuellement dans une année électorale. La question se pose dès lors : un code de conduite ayant force de loi ne devrait-il pas être envisagé pour encadrer les actions des potentiels candidats et créer ainsi un level playing field ?

« Nous sommes à quelques mois des élections générales. Idéalement, le gouvernement devrait introduire une loi empêchant tout aspirant candidat de s’adonner à des actions pouvant influencer le comportement des électeurs », avance l’ancien ministre Anil Gayan. Il déplore le fait que chacun se permette toutes sortes de choses. « Aujourd’hui, ce sont des couettes et demain, cela pourrait être des pièces d’or », ironise-t-il. 

« C’est pourquoi il est important d’introduire une loi permettant à tous les candidats de jouer sur un pied d’égalité », estime Anil Gayan. Pense-t-il que cette distribution de « cadeaux » peut influencer le choix de certains électeurs ? « Je ne crois pas. Cela peut fonctionner, mais uniquement avec un petit groupe de personnes. »

Pour lui, tout cela s’apparente à du « cheap politics ». « C’est pourquoi j’insiste sur le fait qu’il faut une loi avec des sanctions prévues. Il faut que ce soit une loi contraignante. Un simple code de conduite n’est pas suffisant », plaide Anil Gayan.

Un code de conduite serait utile s’il est discuté et accepté par tous les candidats ainsi que par les partis, puis signé par eux-mêmes avant les élections, estime la Senior Lecturer en Media and Communication Christina Chan-Meetoo. « Ce serait en quelque sorte une déclaration sur l’honneur et permettrait de les rappeler à l’ordre en cas d’écart par rapport à un code qu’ils auraient eux-mêmes créé ensemble », précise-t-elle.

Et qu’en pensent les principaux concernés ? Shakeel Mohamed, député du PTr du n° 3 (Port-Louis Maritime/Port-Louis Est) et leader de l’opposition, est catégorique : « Il faut un code de conduite ayant force de loi. » Selon lui, rien n’a empêché jusqu’ici le gouvernement d’introduire une telle loi. « C’est juste que le gouvernement ne veut pas de ce code de conduite » lance-t-il.

Pourtant, Vikash Nuckcheddy, député de la circonscription n°9 (Flacq/Bon-Accueil) et Parliamentary Private Secretary, s’exprime en faveur d’« une loi sur le code de conduite pour les aspirants candidats ». Néanmoins, il estime « malheureux » qu’une loi puisse être nécessaire pour que les candidats potentiels aux suffrages universels se comportent bien lors de la campagne. « Ils devraient, de facto, se comporter de manière exemplaire, qu’il y ait une loi ou pas ! C’est une question de valeur et une culture », martèle-t-il. 

La distribution de « cadeaux », avance Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ, est une pratique « condamnable », que ce soit « durant, ou en dehors d’une campagne ». Il est d’avis qu’il est nécessaire d’introduire une législation interdisant aux candidats de distribuer des « cadeaux ». « Tous les candidats doivent impérativement être appelés à signer ce code de conduite. Les électeurs peuvent formuler une plainte s’ils constatent que les candidats ou élus ne respectent pas la loi. Ce sera à la Commission électorale de saisir la Cour suprême en vue d’une sanction contre le candidat », explique Ashok Subron.

Ce n’est toutefois pas si simple. Le député Nando Bodha, co-leader de Linion Moris, fait ressortir que s’il est en faveur d’un code de conduite ayant force de loi, encore faut-il savoir ce que comprend ledit code de conduite. « Il faut suivre l’exemple de l’Inde. Je pars du principe que le code de conduite devrait être bien précis afin de démontrer l’entrave commise par le candidat », indique-t-il.

Dans la foulée, Nando Bodha affirme que le Representation of People’s Act doit également être revisité « car les choses ont changé au fil du temps. » « Mais la démocratie exige que le code de conduite soit mis en place. Mieux vaut tard que jamais », ajoute-t-il.

L’avocat et constitution-naliste Milan Meetarbhan pose, lui, la question de savoir « qui et comment les violations du Code seraient sanctionnées » au cas où il y aurait un code de conduite obligatoire. « Ces sanctions pourraient intervenir pendant une campagne électorale et avoir un impact important sur l’issue des élections. Quelle est l’instance indépendante et crédible composée de personnes compétentes et impartiales qui aura les pouvoirs de sanctionner les violations alléguées de façon non-partisane ? » demande-t-il.

Un code de conduite modifié

Nous avons sollicité la commission électorale. On nous a fait comprendre que « le code de conduite contenant peut-être des modifications » sera publié lors des prochaines élections générales, comme c’était le cas lors des scrutins de 2019. Yusuf Aboobaker, le président de l’Electoral Supervisory Commission, a été sollicité pour une déclaration. Mais en vain. 

Géraldine Hennequin-Joulia, fondatrice, Idéal Démocrate : «Ce n’est pas une affaire qui doit être réglée par les autorités publiques»

« Ces distributions tantôt de molletons, tantôt de macaroni sont des méthodes de voyous ! Ni plus, ni moins. Ce sont ces pratiques qui détournent les citoyens de la politique. Elles sont appelées à disparaître », martèle Géraldine Hennequin-Joulia, fondatrice d’Idéal Démocrate (ID). 

Elle explique qu’en général, ce sont les partis qui émettent un code d’éthique pour leurs membres et/ou leurs candidats. « Ce n’est pas une affaire qui doit être gérée par les autorités publiques. Cela relève de questions morales, de valeurs personnelles qui vous guident en tant qu’individu », estime-t-elle.  

Ce que dit le code de conduite de 2019

  • Couverture médiatique équitable : Les médias publics et privés doivent accorder une couverture médiatique équitable à tous les participants aux élections.
  • Comportement éthique : Les candidats et les parties prenantes doivent s’abstenir de tout acte de corruption, respecter les différences et les libertés individuelles, et mener campagne conformément à la loi.
  • Liberté d’expression et d’accès : Les candidats ont le droit d’exprimer leurs opinions politiques et de permettre au public et aux médias d’assister à leurs rassemblements. La diffusion de fausses nouvelles et d’informations diffamatoires pour nuire aux adversaires est interdite.
  • Transparence financière : Les candidats doivent faire preuve de transparence dans leurs finances et dépenses de campagne, en respectant les limites légales.
  • Respect de l’environnement : Les campagnes électorales doivent être menées dans le respect de l’environnement.
  • Encadrement des « baz » : Les « baz » ne doivent pas être sources de nuisances ou de conflits, et la consommation d’alcool et les activités illégales y sont interdites.
  • Comportement des agents électoraux : Les agents électoraux doivent agir avec professionnalisme, impartialité et intégrité.
  • Comportement des candidats en cas de victoire ou de défaite : Ils doivent éviter les démonstrations de force et se comporter de manière à préserver l’intégrité du processus électoral.
  • Respect des lois électorales : Les candidats doivent respecter toutes les exigences des lois électorales et signaler tout acte illégal à la Commission électorale.
 

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