L’île-aux-Aigrettes, qui fait environ 26 hectares, est officiellement une réserve naturelle depuis 1965. Gérée par la Mauritian Wildlife Foundation, depuis 32 ans, l’île ressemble à Maurice, avant l’arrivée de l’homme. Reportage.
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Pour faire place au développement, Maurice a malheureusement connu un déboisement, qui a entraîné la disparition d’une flore et d’une faune autochtone. Cependant, la nature a su résister, non sans l’aide d’autres hommes qui ont jugé urgent de conserver le trésor d’une biodiversité riche et variée.
Comme un vert bijou, tombé d’un coffret, l’île-aux-Aigrettes se porte aujourd’hui la garante de cet écosystème fragile. Elle permet aux Mauriciens de revivre leur passé en empruntant ses sentiers.
On a beau être en hiver, n’empêche que l’embarquement pour l’île-aux-Aigrettes se fait sous un soleil de plomb. On est dans le sud-est du pays et ce serait normal. Letichia Hilaire, notre guide, profite que le skipper largue les amarres pour lancer une mise en garde. « J’espère que vous avez apporté de l’eau. Parce que c’est une île corallienne et il y fait 3 °C à 4 °C plus chaud que sur la côte. »
Graduellement, on met les gaz pour nous éloigner dans une eau turquoise vers l’île-aux-Aigrettes, qui se trouve à pratiquement un kilomètre de la côte.
Une poignée de minutes plus tard, nous voilà arrivés. Accueillis par des crabes, nous pouvons commencer la visite. En bon guide, Letichia brosse rapidement l’historique de cette île qui a été un des témoins privilégiés de la bataille de Vieux-Grand-Port qui a opposé les Anglais aux Français en 1810.
« L’île a été habitée par les Anglais. Ils y ont fait construire des bâtiments. Aujourd’hui en ruine, ils servent d’habitations pour des tortues. Ailleurs, nous avons rebâti d’autres bâtisses utilitaires, comme celle qui abrite des équipes de scientifiques sur l’île », raconte-t-elle.
Marchant en évitant les grosses racines, notre guide nous conduit à un enclos pour chauve-souris et pour des bébés tortues. « Cette espèce de chauve-souris est unique au monde. Sur l’île, les chauves-souris aident à la dissémination des graines et contribuent ainsi au reboisement de l’île. Plus grands, les bébés tortues que vous voyez en feront de même. À 7 ans, ils seront relâchés sur île comme leurs 25 autres congénères. »
Il faut aussi savoir que l’île est également un repère pour d’autres espèces endémiques. « Il n’est pas étonnant de croiser en route des scinques de Telfair. Ces lézards sont omnivores et trouvent facilement de la nourriture sur l’île. Cependant, il existait jadis des scinques géants. »
Oasis pour les oiseaux
Alors que nous nous enfonçons dans la forêt, Letichia fera subitement halte. « Regardez ! Là ! Sur la branche un pigeon rose, l’un des pigeons les plus rares au monde. Il n’y a pas si longtemps, il y avait que neuf. Grâce à l’invention de la Mauritius Wildlife Foundation (MWF), nous avons pu faire passer sa population à 400. »
En effet, outre les reptiles, l’île est aussi une oasis pour les oiseaux notamment l’oiseau à lunettes et le cardinal. « C’est actuellement la saison des amours pour le cardinal. C’est pour cette raison que les mâles affichent un plumage rouge, afin d’attirer les femelles. Plus discret, l’oiseau à lunettes est également un oiseau endémique. »
De sentier en sentier, dans l’ombre d’un sous-bois, notre guide nous conduit à la découverte de la pépinière. « C’est grâce à l’aide financière d’une banque que cette pépinière a pu être mise sur pied en 1997. À cette époque, on produisait 30 000 à 40 000 plantes endémiques qu’on offrait gratuitement dans les écoles ou encore dans les hôtels. Aujourd’hui la production ne dépasse pas les 4 000 plantes. »
Nous continuons la visite vers la forêt d’ébène ! Des rubans bleus accrochés sur les troncs des arbres nous interpellent. « Ce sont des repères pour indiquer les nids d’oiseau ou la nourriture pour les animaux résidant sur l’île », explique la guide. Onze personnes des scientifiques et des étudiants y vivent également. Selon elle, certains d’entre eux font du « hopper watching ». Ils observent les oiseaux dans leur environnement. Une autre équipe s’occupe des reptiles.
Une poignée de secondes ensuite, nous faisons un arrêt. « Vous êtes maintenant dans la forêt d’ébène », dit-elle en regardant autour. Elle raconte qu’il existe actuellement 360 espèces d’ébéniers dans le monde. La plupart de ces espèces sont protégées. Maurice en comptait douze. « Il ne reste que onze espèces. Une espèce a disparu à la suite de la déforestation et du déboisement », ajoute-t-elle.
Ébène
Sur l’île aux Aigrettes, nous sommes entourés d’ébéniers qui ont des dizaines voire des centaines d’années. Ils sont toutefois considérés comme très jeunes. « Un ébénier peut être utilisé dès qu’il atteint les 500 ans ! Uniquement le cœur du tronc, c’est-à-dire, la partie noire est utilisée pour la fabrication des meubles », montre notre interlocutrice.
À l’époque des Hollandais, les ébéniers étaient considérés comme l’or noir. Il coûte toujours les yeux de la tête. Le guide a une explication. « L’ébénier pousse très lentement soit 1 mm par an et comme je vous le disais, il faut attendre 500 ans et plus pour pouvoir s’en servir », poursuit-elle. Plus loin, nous nous arrêtons au pied du seul ébénier mort de l’île. Il a plus de 150 ans. L’ébénier est dioïque. Cela signifie que les fleurs mâles et les fruits femelles se trouvent sur des arbres séparés. Il est aussi considéré comme une plante hétérophile.
Outre les ébéniers, nous croisons également une sculpture de tortue d’origine rodriguaise. Cette espèce appelée « Long neck saddle-back tortoise » n’existe plus. La tortue était tuée pour sa chair et son huile. Elle était une proie facile, car elle avançait à 0,5 km/h. Une tortue pouvait être consommée par pas moins de 25 personnes.
« Auparavant, les visiteurs emportaient les tortues avec eux sur le bateau, afin d’avoir de la viande fraîche. Mais elle n’était pas aussi appétissante qu’elle en avait l’air. Une surconsommation pouvait même entraîner des maladies. Ils utilisaient ensuite son huile pour se soigner. Il fallait extraire l’huile de 500 tortues pour remplir un tonneau », relate-t-elle.
Plus loin, nous tombons nez à nez avec une statuette du dodo. Elle fait 90 % de la taille réelle de l’oiseau. « Le dodo est considéré comme le plus grand pigeon au monde. Il se contentait de manger, dormir et de contribuer à l’écosystème. L’arrivée de l’Homme a détruit son habitat naturel. Il ne pondait qu’un œuf par an et il était consommé pour sa chair. Ses ailes étant petites, le dodo ne pouvait s’envoler », fait-elle ressortir.
Des feuilles crépitent sous nos chaussures alors que nous poursuivons la randonnée. Une halte s’impose devant le latanier bleu. Ses grandes feuilles étaient autrefois utilisées pour les toitures de cabanes. Du jus était extrait de son cœur pour en faire de la liqueur. C’était avant l’utilisation de la canne à sucre.
Nous découvrons également le bois de bœuf et le bois de quivi. Le nectar de ce dernier attire les oiseaux à lunettes. Certaines des plantes font l’objet du marcottage. Il s’agit d’une méthode de multiplication des plantes endémiques sur l’île-aux-Aigrettes et à Maurice.
Graduellement, nous nous dirigeons vers un vestige en blanc. Il hébergeait autrefois un générateur. Aujourd’hui, des panneaux solaires alimentent toute l’île. Plus loin, un kiosque nous invite à reposer nos jambes et à reprendre notre souffle. Nous en profitons pour admirer la vue sur la montagne du Lion, Grand-Port et la vallée de Ferney. Les ruines des fours à chaux et deux canons, qui n’ont jamais été utilisés, sont aussi visibles.
La visite de l’île-aux-Aigrettes se termine dans le musée inauguré le 2 octobre 1998. Des sculptures des différentes espèces notamment le pigeon bleu, le gecko géant, une carapace de tortue et le cœur d’un ébénier de 500 ans, entre autres, sont exposés. Des souvenirs sont également en vente dans la boutique.
Infos pratiques
- Tarif résident : Rs 250 (adulte) et Rs 125 (enfant moins de 12 ans)
- Tarif touriste : Rs 800 (adulte) et Rs 400 (enfant moins de 12 ans)
- Tél. : 5258 8139
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