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Harcèlement scolaire : un défi urgent : Mobilisation des autorités et appel à la responsabilité parentale

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Le harcèlement scolaire reste un problème présent à Maurice. Une rencontre prévue entre le ministère de l’Éducation, la police et d’autres acteurs vise à définir des mesures concrètes pour protéger les élèves. Les experts soulignent aussi le rôle crucial des parents et de la collaboration avec les écoles pour prévenir ce fléau.

« Je ne veux plus aller à l’école », a confié Antish à sa mère deux jours après la grande rentrée scolaire. Quand elle a voulu connaître les raisons de ce refus, elle a appris que son fils était victime de harcèlement scolaire (« bullying »).  « J’ai dû lui tirer les verres du nez pour apprendre qu’un garçon d’une autre classe lui demande son pain et de l’argent. Je suis allée voir la rectrice du collège ainsi que le directeur de la Zone. De plus, j’ai enregistré une plainte au poste de police de la localité », dit-elle.

Devika ignorait que les plus grands élèves allaient désormais s’en prendre à son fils aîné, actuellement en Grade 8. Elle se retrouve maintenant avec deux fils qui ne veulent plus aller en classe. Aux dernières nouvelles, les « harceleurs » ont été sanctionnés et exclus du collège pendant une semaine.

Dans une école primaire de Curepipe, un père de famille a insisté auprès du maître d’école pour changer sa fille de classe. « Ce n’est pas acceptable. Depuis la rentrée, l’institutrice a placé un garçon à côté de ma fille. Je n’ai aucun problème avec ce changement, mais ce garçon lui demande son pain et, lorsqu’elle refuse, il le lui vole. Ce comportement n’est pas normal », indique-t-il.

Mobilisation collective pour enrayer les violences scolaires

Le problème du harcèlement scolaire est pris au sérieux par le ministre de l’Éducation, le Dr Mahend Gungapersad. Il nous informe qu’une rencontre avec les principaux acteurs se tiendra la semaine prochaine. Elle réunira la force policière, la Brigade pour la protection de la famille, l’Ombudsperson for Children et les directeurs des différentes zones éducatives.

« Le harcèlement est un problème sérieux. Certes, nous ne pourrons pas l’éliminer complètement, mais nous devons trouver des solutions pour atteindre cet objectif. Nous ne voulons pas non plus que nos enfants soient stigmatisés », fait-il ressortir.

Parmi les mesures prises, nous apprenons que les recteurs des collèges d’État recevront une circulaire leur demandant un bilan de la situation dans les différents établissements. Le ministre estime que sans intervention, la situation risque de devenir dangereuse, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des écoles. Il insiste sur l’urgence d’agir pour éviter de telles dérives.

Programmes de sensibilisation

La National Education Counselling Service (NECS) a enregistré 184 cas de bullying en 2023 contre 104 en 2024. C’est ce que nous a confié Priya Dussain-Ramsaha, la Head du NECS.

Toutefois, elle souligne que ce sont uniquement les cas rapportés. Cette unité, nous explique-t-elle, est à l’avant-garde de la promotion du bien-être psychologique et social des enfants dans les institutions scolaires de l’île. De la maternelle au secondaire, elle offre un soutien aux élèves et à leurs familles grâce à une variété de services intégrés. 

Le NECS est composé de divers professionnels, notamment une quarantaine de psychologues éducatifs. Ces derniers, ainsi que les travailleurs sociaux éducatifs fournissent un soutien psycho-social aux victimes et auteurs d’intimidation, que ce soit individuellement ou en groupes. De plus, il y a des campagnes régulières pour sensibiliser les élèves des établissements scolaires sur des sujets comme l’intimidation, la gestion de la colère et la promotion de la discipline. 

Depuis 2022, le NECS mène des programmes de sensibilisation pour les élèves de Grade 4, afin de promouvoir la sécurité et le bien-être, contribuant ainsi à la réduction du harcèlement scolaire. Priya Dussain-Ramsaha souligne que ces initiatives permettent au NECS de jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de la santé mentale et du bien-être des élèves. Cela contribue à créer un environnement scolaire plus sûr et plus accueillant pour tous.

Les causes 

Ritesh
Ritesh Rao Poliah, pédagogue, estime que la protection est nécessaire, mais qu'une surprotection devient problématique.

Le pédagogue Ritesh Rao Poliah décrit le harcèlement scolaire comme étant un acte de violence qui montre la résistance, le pouvoir et les autorités. « Selon les statistiques, chaque année, environ 22 % des élèves sont victimes de harcèlement scolaire. Cependant, le type actuel de “bullying” présent à Maurice est un reflet de la société », indique-t-il. Pour lui, la situation est alarmante.

Parmi les causes du harcèlement scolaire, on retrouve le processus de socialisation. Selon lui, dans des familles où les deux parents travaillent, ces derniers ont délaissé leur rôle de transmettre à leurs enfants les bases de la socialisation. Cela inclut des aspects essentiels comme s’habiller, s’exprimer et se comporter correctement en société. « Certains parents s’attendent maintenant à ce que ces responsabilités soient assumées par les écoles et les policiers », fait-il ressortir.

Un autre facteur qui contribue à ce phénomène découle des lois. « Maurice a signé de nombreuses conventions et mis en place plusieurs lois pour protéger les enfants et les étudiants. Protéger, c’est bien, mais quand la même protection aboutit à une surprotection, cela devient un problème », indique-t-il. 

Environ 22 % des élèves sont victimes de harcèlement scolaire"

Il ajoute : « Si nous nous posons la question suivante : de quelles ressources et options disposent les écoles et les enseignants pour prévenir le harcèlement scolaire ? ». La conclusion, selon lui, serait que parmi tant d’options disponibles, il n’y a pas d’action durable pour prévenir le harcèlement scolaire. Le pédagogue souligne que les étudiants savent que les enseignants n’ont pas le droit de leur parler sur un ton élevé. De plus, les sanctions auxquelles ils peuvent être soumis sont limitées. Conscients d’être mineurs et protégés par les autorités, ils se sentent invincibles.

Parmi les autres facteurs, on retrouve les médias et la technologie. « Certains étudiants considèrent que le harcèlement scolaire est acceptable et qu’il les rendra célèbres. Par ailleurs, les vidéos récentes qui sont devenues virales montrent que même les filles ne sont pas épargnées », indique-t-il.

Les solutions

Pour le pédagogue, l’école à elle seule est trop faible pour apporter une solution au harcèlement scolaire. Il estime qu’il est grand temps que les parents prennent leur responsabilité première, qu’est celle d’éduquer leurs enfants à la maison. Il explique : « Le gouvernement devrait promouvoir l’Observatoire pour la parentalité à Maurice, où les parents sont conseillés sur la façon de socialiser leurs enfants dès leur plus jeune âge. Les écoles et les autorités locales devraient bénéficier d’une plus grande flexibilité en termes d’actions pouvant être menées pour contrôler ces phénomènes ».

Ritesh Rao Poliah propose que le ministère de l’Éducation révise la Politique sur le comportement des élèves. Il indique : « Selon moi, nous devons réorganiser le Student Behaviour Policy avec des actions et des modalités plus sévères pour lutter contre le harcèlement scolaire. De nombreux concepts, sur le comportement des élèves sont désuets. Or, il faut les adapter aux cas récents afin que les enseignants et les écoles puissent avoir des directives appropriées sur la façon de procéder en cas de harcèlement scolaire ». 

« Un seul cas de harcèlement, c’est déjà trop. Les impacts émotionnels, moraux et physiques qu’il inflige à un enfant dépassent largement ce que montrent les articles et les vidéos », conclut-il.

Le rôle des parents

Pour sa part, le Dr Om Nath Varma, sociologue et pédagogue, souligne l’importance du rôle parental dans la prévention de la délinquance scolaire. Il insiste sur la nécessité de ne pas blâmer les écoles ou d’être trop permissif avec les enfants. Avec la montée de la délinquance, il explique que la société traverse des transformations profondes. C’est pourquoi il insiste sur le rôle crucial des parents dans l’encadrement de leurs enfants.

Selon lui, les nouvelles technologies et réseaux sociaux influencent le comportement et la discipline des élèves. Cependant, c’est l’abus de ces outils qui pose problème. Ainsi, les parents doivent imposer des limites pour éviter une consommation irresponsable de ces contenus. Quand ils échouent dans leur rôle de superviseur, les écoles peinent à maintenir la discipline. D’où l’importance d’une collaboration solide entre parents et écoles pour encadrer les comportements des enfants.

De plus l’éducation aux valeurs comme le respect et la solidarité est cruciale pour la réussite scolaire. Ces valeurs doivent être intégrées dans la vie quotidienne et enseignées par l’exemple, tant à la maison qu’à l’école. 

Selon le pédagogue, il est essentiel que parents et écoles partagent la responsabilité de l’éducation des enfants. Il insiste également sur l’importance d’une éthique scolaire solide et de l’intégration des valeurs humaines pour améliorer leur discipline et leur comportement.

Le rôle des enseignants

En ce qui concerne les enseignants, il souligne qu’il faut des formations continues et des échanges. « Le dialogue est un élément clé entre collègues face aux nouveaux défis. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les éducateurs aient des solutions à toute chose », fait-il ressortir. Il propose ainsi qu’il y ait une plateforme où le dialogue sera privilégié. Cela offrira aux enseignants l’occasion d’échanger sur les méthodes employées pour gérer les cas de harcèlement scolaire et d’autres problèmes rencontrés dans leur profession.

De son côté, l’ancien recteur Soondress Sawminaden estime que le secteur éducatif doit offrir aux élèves un espace pour pouvoir s’épanouir. Il soutient que le leadership est important. « Nous devons avoir de bons leaders au sein de nos établissements et cela ne se fait pas par isolation. Le recteur ne connaît pas tout, mais avec la collaboration des enseignants, parents et élèves, il faut pouvoir développer une vision commune ».

Il souligne que la discipline commence par l’enseignant, qui doit être ponctuel et adopter une tenue appropriée, car il incarne un modèle pour ses élèves.  De nos jours, fait-il ressortir, l’enseignant prend la place du parent à l’école. Il propose de revoir le ratio élèves-enseignants, afin de permettre à ces derniers de mieux identifier les problèmes de comportement chez leurs élèves.

Soondress Sawminaden soutient également que les enfants devraient avoir un espace pour s’exprimer. « Les élèves viennent à l’école en apportant beaucoup de problèmes sur les épaules. Ils sont psychologiques, familiaux, entre autres. En leur donnant l’occasion de s’exprimer dans un environnement adéquat, cela allège les tensions », estime-t-il.

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