Au moins 184 personnes ont été tuées ce week-end près de la capitale haïtienne Port-au-Prince, selon l'ONU, au cours d'exactions ordonnées par un "puissant chef de gang" contre des "pratiquants du culte vaudou" d'après une ONG locale. Ce dernier était convaincu que la maladie de son fils avait été causée par ces "adeptes du vaudou", a expliqué lundi un responsable de cette ONG, le Comité pour la Paix et le Développement (CPD).
Le bureau du Premier ministre haïtien Alix Didier Fils-Aimé a "condamné avec la plus grande fermeté le massacre abject perpétré les 6 et 7 décembre 2024 à Wharf Jérémie (dans la commune de Cité Soleil, ndlr) par le chef de gang Micanor Altès, alias Wa Mikanò, et consorts". "Cet acte de barbarie, d'une cruauté insoutenable, a coûté la vie de plus d'une centaine de femmes et d'hommes, principalement des vieillards sans défense", a poursuivi la Primature dans un communiqué sur X.
Plus tôt, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Volker Türk avait indiqué qu'"au moins 184 personnes avaient été tuées dans des violences orchestrées par le chef d'un puissant gang" à Port-au-Prince.
"Ces derniers meurtres portent le bilan des morts en Haïti cette année au nombre faramineux de 5.000 personnes", avait-il souligné lors d'une conférence de presse à Genève (Suisse).
Le chef de l'ONU Antonio Guterres a condamné des actes "terrifiants", appelant les autorités haïtiennes à s'assurer que les responsables soient "traduits en justice", selon son porte-parole.
Haïti, pays pauvre des Caraïbes, pâtit depuis des dizaines d'années d'une instabilité politique chronique. Mais il doit aussi faire face à une résurgence de la violence des gangs, qui contrôlent 80% de la capitale Port-au-Prince.
"Punir cruellement"
Selon l'ONG CPD, le chef de gang qui a orchestré ces meurtres "a décidé de punir cruellement toutes les personnes âgées et les pratiquants vaudous qui, dans son imagination, seraient capables d'envoyer un mauvais sort à son fils".
"Les soldats du gang étaient chargés d'identifier les victimes dans leurs maisons et de les emmener au fief du chef pour y être exécutées", a ajouté l'ONG dans un communiqué.
"Ses sbires ont pourchassé tous les vieillards et adeptes du vaudou vivant à Wharf Jérémie entre vendredi soir et samedi, et les ont exécutés avant de brûler leurs cadavres", a détaillé Fritznel Pierre, un responsable de l'ONG, à la radio Magik 9.
Il a précisé que "des chauffeurs de taxi motos qui ont tenté de prendre la fuite avec des gens ciblés ont été également exécutés". Le bilan est encore provisoire, a-t-il ajouté, la zone étant "difficile d'accès".
Cité soleil est situé à l'ouest de Port-au-Prince, en bord de mer.
"Mon père, 76 ans, a été tué vendredi soir vers 22h. Les bandits ont mis le feu à son cadavre", a déclaré un habitant à l'AFP, joint par téléphone.
"La famille ne peut même pas lui organiser une sépulture puisque nous n’avons pas pu récupérer le corps", a déploré ce témoin, sous le couvert de l'anonymat, disant craindre pour la vie de certains proches encore sur place
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700.000 déplacés
La violence des gangs, déjà endémique en Haïti, s'aggrave depuis février, lorsque des groupes armés ont lancé des attaques coordonnées à Port-au-Prince pour obtenir la démission du Premier ministre de l'époque, Ariel Henry.
Soutenue par l'ONU et Washington, une mission multinationale de soutien à la police menée par le Kenya a commencé à se déployer cet été mais les violences continuent de s'intensifier.
Sur le réseau social X, Sean Savett, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, a exhorté lundi la communauté internationale à "apporter une assistance immédiate en matière de sécurité" à la mission multinationale et aux forces de sécurité haïtiennes.
Il y a aujourd'hui plus de 700.000 personnes, pour moitié des enfants, déplacées par les violences à travers le pays, selon des chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en octobre. S'y ajoutent près de 5.000 personnes ayant fui les attaques ces derniers jours, a fait savoir lundi l'OIM.
D'origine africaine et pilier de la culture du pays, le vaudou est arrivé en Haïti avec les esclaves africains. Il avait été interdit pendant l'occupation coloniale française (indépendance en 1804) et n'a été reconnu comme une religion officielle par le gouvernement qu'en 2003.
© Agence France-Presse
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