Après 32 ans d’existence, la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT) est dans une logique de restructuration. Ce qui implique certaines décisions difficiles. C’est un François Woo inquiet pour le secteur du textile à Maurice que nous avons rencontré, vendredi, à son bureau.
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Il y a eu, durant la semaine écoulée, plusieurs rumeurs faisant état de licenciement massif au sein de la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT). Sont-elles fondées ?
Cet exercice de départ (120 personnes âgées de plus de 65 ans ont officiellement quitté la CMT hier, ndlr) a été préparé depuis belle lurette. Il faut comprendre que ceux qui viennent de partir à la retraite ne peuvent plus supporter physiquement le poids du travail. La vie n’est pas facile. S’ils sont là, c’est parce qu’ils ont certainement des obligations familiales. La CMT les a toujours soutenus même s'ils ont atteint ou dépassé l’âge de la retraite. Dans d’autres entreprises, on a tendance à encourager les gens à partir même avant l’âge de retraite.
Mais notre philosophie est différente.
Vous affirmez donc qu’il n’y aura pas de licenciement massif ?
Je ne rassure personne. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut continuer à produire ici pour rien et jeter à la poubelle. Nous n’employons pas des gens uniquement pour les employer. Nous ne sommes en fait qu’un rouleau de transmission. Nous prenons les commandes et vendons les commandes. Mais si les commandes sont à sec, que voulez-vous qu’on fasse ici. Il ne faut pas croire que j’ai une baguette magique. Il faut être rationnel. Mais en revanche, je peux dire que ceux qui atteindront l’âge de la retraite vont partir. Nous ne garderons plus les employés âgés de 65 ans et plus.
Nous perdons des clients parce que nous ne sommes plus compétitifs»
Pourquoi décider subitement d’adopter une telle approche ?
Je n'appellerai pas cela un changement de stratégie, mais il faut bien que la compagnie se restructure complètement par les temps qui courent. Nous révélerons les détails de cette restructuration après. Mais cela ne se fera pas demain matin. Un exercice de restructuration prend du temps et c’est toute une stratégie de réflexion qui se fait au niveau de la direction de la CMT. Il faut aussi bien comprendre l’évolution de l’entreprise. Nous étions 32 ans de cela une petite compagnie avec au départ 20 personnes lorsque nous avons démarré nos opérations à Saint-Pierre. Nous sommes, en 2018, un groupe textile qui emploie 20 000 personnes. Nous sommes à environ 8 000 employés à Maurice et les 12 000 autres sont à l’étranger. La CMT est aujourd’hui une compagnie globale.
Venons-en à présent au salaire minimal. Cette nouvelle mesure pose-t-elle un problème pour la CMT ?
Évidemment ! Comme c’est aussi le cas pour d’autres entreprises. Lorsqu’on décide de se tourner vers l’exportation, il faut réfléchir aux prix qu’on pratique auprès des clients. Les prix doivent surtout refléter la somme totale de nos coûts. Pendant 25 ans, nous avons été des grands têtus en disant que nous n’allions pas bouger. Mais nous avons fini par réaliser que nous sommes en train de perdre des clients parce que nous ne sommes plus compétitifs. Il faut savoir que les clients n’ont pas que Maurice comme fournisseur. Maurice est petit. Ils préfèrent se tourner vers d’autres destinations. Au final, il va falloir suivre la tendance. Cela fait sept ans que nous avons étendu nos activités vers le Bangladesh. Nous comptons 10 000 employés dans ce pays. Nous sommes en train de garder Maurice comme notre quartier général avec des jobs comme le marketing, la vente, la promotion, la finance, l’administration et les techniciens de développement. Nous avons aujourd’hui notre plateforme de production au Bangladesh et à Madagascar. Nous offrons le choix au client.
Est-ce à dire que vous ne produirez plus à Maurice ?
Il y a un exercice de rightsizing qui est en cours. Mais ce n’est pas demain que les clients vont partir. Mais au fur et à mesure que les clients bougeront, nous espérons leur offrir un produit plus compétitif.
Il ne faut pas croire que j’ai une baguette magique. Il faut être rationnel.»
Vos coûts ont augmenté de combien avec le salaire minimal ?
Je n’ai pas ce chiffre avec moi.
À votre avis, la mise en vigueur du salaire minimal a-t-elle été mal planifiée ?
Il nous faut travailler dans la légalité. Si le gouvernement a trouvé que c’est bon de venir avec le salaire minimal, il nous faut comply. Nous ne sommes pas là pour critiquer. Chacun fait son travail.
Nous sommes à la veille des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance du pays, comment voyez-vous l'avenir du textile à Maurice ?
Je vais être direct. La CMT a 32 ans de connaissance et avec la qualité des gens qui nous entourent, je pense que la CMT a un avenir extraordinaire. En ce qui me concerne, je vais bientôt annoncer mon départ. Mais en revanche, j’ai beaucoup de craintes pour notre secteur. L’industrie du textile dépend beaucoup de la politique de l’État.
Qu’est-ce qui motive votre crainte ?
Tout simplement le fait qu’on n’accorde pas suffisamment d’attention au secteur. Quand les choses se passent bien, on ne s’en soucie pas. We never mind. Mais quand les affaires vont mal, c’est autre chose. Quand un secteur est malade, il faut être au chevet du malade pour voir comment l’aider.
Quelles sont, à votre avis, les aides que le gouvernement aurait dû accorder au secteur ?
J’ai mes principes. Je n’ai jamais quémandé quoi que ce soit. Tout le monde sait ce qui se passe dans le monde aujourd’hui. Tout le monde peut comprendre.
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