Qui dit forte chaleur, vacances scolaires et période festive dit aussi gros risque d’intoxication alimentaire. Le Dr Yasheel Aukhojee affirme que l’été en est la saison de prédilection. Faizal Jawaheer, consultant en hygiène alimentaire, met en garde contre le fastfood. Le département sanitaire du ministère de la Santé commence à intensifier les inspections hors des heures du bureau.
569 cas de gastroentérite ont été recensés rien qu'en une semaine dans les cinq hôpitaux régionaux de l’île. Un phénomène attribuable à des cas d’intoxication alimentaire, favorisés par cette vague de chaleur qui frappe le pays actuellement, affectant ainsi les produits alimentaires. Or, ces chiffres ne seraient que « the tip of the iceberg ». C’est du moins l’avis de Faizal Jawaheer, consultant en hygiène alimentaire.
Selon lui, le nombre de cas d’intoxication alimentaire serait beaucoup plus élevé. « Pour la bonne et simple raison que dans trois quarts des cas, une personne intoxiquée va avoir recours à l’automédication. Il va prendre un médicament pour traiter les symptômes. Ce n’est que lorsque son cas s’aggrave qu’il va prendre l’initiative d’aller consulter un médecin. » Tout comme dans le privé, c’est peu probable que le médecin va prendre l’initiative d’informer le ministère. De ce fait, dit-il, la majorité des cas d’intoxication alimentaire ne sont pas recensés et rapportés.
Avec la période festive, couplée aux vacances scolaires, Faizal Jawaheer souligne que les Mauriciens sont nombreux à privilégier le ‘fastfood’ et le ‘street food’. Ce qui, selon lui, favorise le risque d’intoxication alimentaire. Le consultant avance deux causes majeures : des cuissons qui se font en amont et un processus de décongélation inadéquate. « En cette période de fin d’année, la clientèle est en hausse et bon nombre de restaurateurs préparent leur produits en plus grande quantité à l’avance. En tant normal, il n’y aurait eu aucun souci. Sauf que la vague de chaleur, à laquelle nous sommes confrontés actuellement, favorise la multiplication des microbes qui se fait plus rapidement. En 20 minutes, le nombre s’accroît de manière exponentielle, passant de 1 à 2, puis à 4, 16, 32, 64 et ainsi de suite. » Si dans une certaine mesure, Faizal Jawaheer estime que des restaurateurs peuvent plaider une ignorance des risques potentiels liés à la manipulation des produits alimentaires, il estime cependant qu’il y a aussi un non respect de la base même des règlements d’hygiène voire des mauvaises pratiques. « La mayonnaise: un produit très utilisé dans le 'fastfood', mise dans un ‘dispenser’ qui reste souvent au soleil. Or, les microbes raffolent de la mayonnaise et s'y multiplient rapidement. Lorsqu’il faut réalimenter le 'dispenser', pensez-vous que le restaurateur va le laver ? » Le consultant se demande aussi si les restaurateurs prennent la peine de se laver les mains après avoir été aux toilettes.
La Food Act mérite d’être revue
Renforcer le personnel du département de sanitaire du ministère de la Santé tout en procédant à sa réorganisation et revoir certains aspects de la Food Act. C’est ce que préconise Faizal Jawaheer dans le but d'un meilleur contrôle de l’hygiène alimentaire. Le consultant en hygiène alimentaire est d’avis que certains aspects de la Food Act méritent d’être revus. « Cette loi est calquée sur les normes internationales, mais c’est au niveau de son application et de sa vulgarisation que cela pose problème. Il faut que les officiers puissent maîtriser l’application de la Food Act dans le contexte local. Par exemple, il y a d’autres moyens d’atteindre le même résultat imposé par la Food Act », dit-il.
Considérant qu’il y a un fossé entre les autorités et les différents stakeholders concernés, Faizal Jawaheer suggère la mise sur pied d’une table ronde afin de comprendre les problèmes et les défis auxquels ils doivent faire face et essayer de mettre en place des systèmes qui sont «workable » que ces restaurateurs peuvent comprendre et implémenter. Pour améliorer la surveillance, Faizal Jawaheer est d’avis qu’il faut augmenter le nombre de personnel tout en procédant à une réorganisation du département, leur accorder des formations plus poussées et impliquer davantage les autorités locales qui disposent elles aussi d’un département sanitaire. « Il faut aussi concentrer les efforts sur les endroits à risque », précise-t-il.
Les mauvaises pratiques
Kebab. Faizal Jawaheer estime que le poulet exposé toute une journée pourrait favoriser le développement de microbes.
« Ces marchands opèrent du matin au soir et si jamais ne serait-ce qu’un microbe est présent dans le poulet le matin, imaginez le nombre de microbes qu’il y aura à la fin de la journée. Vous êtes-vous déjà demandés ce que fait le marchand de kebab avec le poulet qui reste à la fin de la journée ? Il n’est pas exclu que certains le revendent le lendemain. »
Autre problème abordé par Faizal Jawaheer est le non-respect du processus de décongélation. « Une bonne partie de ces marchands utilisent du poulet congelé et la bonne pratique veut que pour éviter tout cas de contamination, il faut retirer le poulet du congélateur pour le mettre d’abord dans le réfrigérateur. Combien sont-ils à respecter ce processus ? »
Grillade. La cuisson d’un poulet, selon le consultant en hygiène alimentaire, doit se faire à 75 degrés voire plus. « C’est la température nécessaire pour éliminer la salmonelle, mais durant la cuisson, dès que le poulet commence à noircir, le restaurateur le retire du barbecue alors que la température nécessaire n’a pas forcément été atteinte. » C’est ainsi que certains clients se retrouvent parfois avec du poulet saignant.
Dal Puri. Faizal Jawaheer recommande aussi la prudence dans la consommation des ‘dal puri’. « Avez-vous déjà vu un commerçant changer de récipient lorsque les sauces tirent à sa fin ? Non. Ils ne font que les remplir à nouveau. Il est possible de reconnaître que des microbes se soient développés dans une sauce à son goût amer.» Pour diminuer les chances d’être intoxiqué, il recommande d’acheter les ‘dal puri’ le plus tôt le matin et de le garder au réfrigérateur. « Mieux encore : achetez des ‘dal puri’ secs et une fois chez vous, garnissez-les avec ce que vous avez. À éviter de vous trimballer avec, car cela favorise le développement des microbes. »
Alouda. C’est la boisson prisée en cette période de forte chaleur. Faizal Jawaheer indique qu’il faut cependant faire attention au lait exposé trop longtemps à la température ambiante. « Le lait sera contaminé et ne pensez surtout pas qu’en y ajoutant des blocs de glaçon, cela va arranger les choses. » Il faut bien laver les ustensiles utilisés.
Gâteaux à la crème. Les gâteaux à la crème devraient être conservés dans un endroit réfrigéré. « N’achetez pas ces gâteaux à la crème entreposés dans des vitrines dans certains commerces ou qui sont vendus dans des vitrines fixées à l’arrière des motocyclettes. Ce goût amer que vous avez est le signe que des microbes se sont déja développés dans le gâteau.»
Le département sanitaire lance des « Squad Operations »
Le département sanitaire du ministère de la Santé passe à l’offensive. À partir de la semaine prochaine et au-delà des heures de bureau, des Squad Operations seront menées par le personnel de ses 13 bureaux à travers l’île.
Un exercice qui se déroulera quotidiennement jusqu’au 31 décembre. C’est ce qu’a indiqué un haut cadre du ministère de la Santé au Défi Plus. « Le département sanitaire compte 13 bureaux à travers le pays. Chacun établira son propre calendrier de travail et chacun sait les points de vente les plus à risque qui seront ciblés. »
Les nourritures et autres pâtisseries en vente sur les trottoirs, dans les snacks, les marchés, les foires et les ‘food courts’ bénéficieront d’une attention particulière. « Nous privilégions les aliments comme les kebab, les gâteaux à la crème, les glaces, l’alouda et les jus, entre autres », souligne-t-il. Les inspecteurs sanitaires veilleront au grain afin que les règlements soient respectés. « À titre d’exemple, l’endroit où la nourriture est vendue doit être propre. Le restaurateur doit avoir les permis nécessaires. Le personnel doit porter des vêtements propres, ne pas manipuler la nourriture et l’argent en même temps et les aliments ne doivent pas être exposés », dit-il.
Le haut cadre du ministère de la Santé concède qu’il est très difficile de détecter la nourriture empoisonnée lors des contrôles de routine. « Lorsque nous avons des doutes, nous prélevons des échantillons pour les analyser au laboratoire. » En se basant sur les statistiques officielles, il indique que la tendance de l’intoxication alimentaire est à la baisse. « Il y a moins de ‘outbreak’ et la population se montre davantage vigilante sur les nourritures.»
Cependant, le climat reste un facteur qui, dit-il, peut jouer le trouble-fête. « Si vous avez l’habitude, par exemple, de laisser votre nourriture exposée à la température ambiante durant deux heures sans qu'elle soit affectée, avec la chaleur qui prévaut, malheureusement elle peut être contaminée. De ce fait, une pratique qui, en temps normal, est sans conséquences, peut toutefois se révéler néfaste s’il y a une vague de chaleur. »
Procédures en cas d’empoisonnement
Le médecin de l’hôpital est tenu d’informer le département sanitaire du ministère de la Santé quand un cas d’empoisonnement est rapporté. Des officiers se rendront immédiatement à l’hôpital ou au domicile des patients afin de leur poser une série de questions. « L’objectif est surtout de savoir ce qu’ils ont consommé durant les dernières vingt-quatre heures afin d’identifier le ‘common factor’. Ce qui nous permet alors de savoir quel est la ‘contaminated food’ », explique-t-il.
Une fois le restaurateur identifié, une équipe du département sanitaire s’y rend pour une enquête. « Dans un premier temps, il leur est demandé de cesser toute opération et des échantillons sont prélevés pour des analyses en laboratoire. Parallèlement, au niveau de l’hôpital, les patients devront soumettre un échantillon de leur selle à des fins d’analyse. Ce qui nous permettra de faire une corrélation et d’identifier la bactérie. »
Le restaurateur peut faire l’objet de poursuite. S’il est trouvé coupable, i risque une amende ne dépassant pas Rs 2 000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans. « Nous veillerons aussi si des améliorations ont été apportées dans la façon dont il prépare ses aliments », souligne-t-il.
Dr Yasheel Aukhojee : « L'été est la saison de prédilection »
Avec les fortes chaleurs, il faut être très prudent avec tout ce qu’on consomme. C’est la mise en garde du Dr Yasheel Aukhojee, car l’été est la saison de prédilection de l’intoxication alimentaire.
À Maurice, observe-t-il, l'intoxication alimentaire est le plus souvent d'origine bactérienne. Elle est due à une cuisson insuffisante de la viande, des volailles, des œufs, des produits laitiers et des poissons frais (température non-respectée). Il lance une mise en garde concernant la préparation des barbecues qui sont en vogue pendant la période des fêtes. Elle est aussi due à des produits mal préservés – par exemple les sauces, notamment celles du type mayonnaise – qu’on peut voir une journée entière sur les tables de certains ‘fast food’ ou restaurants.
Une intoxication peut provenir également de la mauvaise qualité des fruits et des légumes crus. Soit ils portent des germes, soit des moisissures. « Dès qu'on achète un légume ou un fruit, notre premier réflexe est de le toucher avec les mains : ces manipulations fréquentes peuvent entraîner la transmission de bactéries ou de virus », fait-il ressortir. Un autre risque lié aux fruits et légumes concerne les moisissures : si le stockage entre la récolte et la vente ne s'effectue pas dans de bonnes conditions, des champignons peuvent se développer à leur surface. Or certains d’entre eux fabriquent un véritable poison pour l'homme : les mycotoxines. Certains aliments sont ainsi traités pendant le stockage, afin d'éviter les risques.
Symptômes
En cas d'intoxication alimentaire, il s'agit le plus souvent d'une symptomatologie gastro-intestinale : maux de ventre, diarrhée, nausées et vomissements, fièvre, maux de tête et fatigue. À noter : en général, une intoxication alimentaire touche plusieurs personnes ayant partagé un même repas. L’intoxication alimentaire peut toucher n’importe qui à n’importe quel âge.
Traitements
La durée de l’intoxication dépend de sa cause et de l’état de la personne, mais elle dure généralement de 1 à 3 jours. En une semaine, certaines personnes infectées peuvent être guéries sans traitement médicamenteux particulier. Il faut juste s’armer de patience et attendre que l’estomac « se calme ». Il est donc conseillé d’éviter les aliments solides et, si cela est possible, de boire de l’eau par petites gorgées pour s’hydrater. Il est très important d’avoir l’avis de votre médecin pour les personnes à risques. Pas d’auto-traitement. Selon la cause, les symptômes et l’état du patient, votre médecin décidera de la marche à suivre. Si la déshydratation du patient est trop importante, une consultation médicale doit être envisagée afin de le réhydrater et le nourrir.
Selon la Santé : 65 personnes empoisonnées en 2018
Le nombre de cas d’empoisonnement, recensé au niveau du ministère de la Santé pour l’année 2018, s’élève à 65. C’est ce que révèle le Health Statistics Report 2018.
Durant cette même année, au chapitre de ‘Food Hygiene’, il y a eu 19 035 inspections et 152 745 produits alimentaires qui ont été saisis et détruits. Pour la même période, 414 contraventions ont été émises. Dans 350 cas, les personnes incriminées ont été jugées coupables par la cour.
Sur les 65 cas d’empoisonnement répertoriés, 27 ont été enregistrés durant le mois de mars, suivi du mois de juillet avec huit cas et sept cas chacun en avril et octobre. Un cas seulement a été recensé en décembre.
C’est à Pamplemousses que le plus grand nombre de cas, soit 19, ont été enregistrés, suivis de Flacq et de Rivière-du-Rempart avec quatre et cinq cas. Par contre, 28 cas ont été recensés à Rodrigues. Il y a eu aussi plus de femmes empoisonnées, soit 36 contre 29 pour les hommes. C’est la tranche d’âge dix à 19 ans qui a été la plus touchée.
Tendance à la baisse
Le nombre de cas d’empoisonnement est en baisse comparativement aux années précédentes. 208 cas avaient été recensés en 2017 contre 147 en 2016, 82 en 2015 et 169 en 2014 (voir tableau). C’est le cas également pour le nombre de contraventions émises : 414 en 2018, 449 en 2017, 434 en 2016, 285 en 2015 et 395 en 2014. Le nombre de condamnations en cour connaît la même tendance : 350 en 2018, 354 en 2017, 365 en 2016, 391 en 2015 et 412 en 2014.
De 813 235 en 2014 et 2 005 931 en 2015, le nombre de produits alimentaires saisis et détruits a connu une baisse considérable à partir de 2016: 564 029 en 2016, 947 755 en 2017 et 152 745 en 2018. Quant au nombre d’inspections effectuées, c’est plus ou moins stable au cours de ces cinq dernières années avec 19 035 en 2018, 21 235 en 2017, 20 906 en 2016, 20 388 en 2015 et 19 213 en 2014.
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