Depuis 2019, treize cas de prostitution infantile ont été signalés à la police, selon la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. Bien que des mesures de sensibilisation et des campagnes régulières soient menées, les institutions internationales soulignent un manque de données précises sur ce fléau. La nécessité d’intervenir plus efficacement et d’adopter des stratégies pour contrer cette problématique reste urgente.
Les chiffres sur la prostitution d’enfants ne « reflètent aucune augmentation substantielle ». C’est ce qu’a indiqué la ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être familial, Kalpana Koonjoo-Shah, dans une réponse écrite déposée à l’Assemblée nationale à la suite d’une question parlementaire posée par la députée du Mouvement militant mauricien, Arianne Navarre-Marie. La ministre a précisé que les chiffres officiels de la force policière indiquent que depuis 2019, treize cas de prostitution d’enfants ont été signalés.
Rien pour que les trois premiers mois de l’année, c’est-à-dire du 1er janvier au 1er avril 2024, déjà trois cas ont été répertoriés par la police. La ministre reconnaît cependant que « la prostitution des enfants est malheureusement un fléau social qui a des conséquences néfastes sur de nombreux aspects divers de notre société, que ce soit au niveau individuel, familial ou communautaire ».
Elle a ajouté qu’un contrat a été attribué à une entreprise locale pour réaliser une étude approfondie sur l’exploitation sexuelle commerciale des enfants, qui inclut la prostitution. « Mon ministère se conformera aux recommandations qui y seront formulées », a-t-elle indiqué.
Kalpana Koonjoo-Shah a souligné qu’en tant que « gouvernement soucieux », une intervention soutenue doit être accordée « pour éliminer les effets néfastes en série sur l’enfant et son environnement immédiat ». Dans les faits, la prévention de la prostitution des enfants implique une combinaison de mesures légales, sociales et éducatives.
Aux yeux de la ministre, la Children’s Act de 2020 « est un cadre juridique complet visant à offrir de meilleurs soins, une meilleure protection et une meilleure assistance aux enfants ». Cette loi rend obligatoire pour toute personne, « ayant des motifs raisonnables de croire qu’un enfant avec lequel elle est en contact a été, est en train d’être ou est susceptible d’être exposé à des préjudices, ainsi qu’une disposition spécifique sur la prostitution des enfants et l’accès aux maisons closes », de faire un signalement auprès des autorités.
Plusieurs mesures, dont des campagnes d’information, d’éducation et de communication, ainsi que le renforcement des capacités des intervenants de première ligne au sein et en dehors du ministère, sont régulièrement enclenchées. La ministre a aussi parlé d’assurer « la mise en réseau avec toutes les parties prenantes pertinentes, en particulier la Brigade pour la protection de la famille et les ONG (MFWPA, Pedostop, Association pour la population et le développement, SAFIRE) et une intervention conjointe ». Au niveau des écoles, des campagnes contre l’exploitation sexuelle commerciale des enfants sont organisés par le ministère mais aussi par des ONG tout au long de l’année.
Autre constat des institutions internationales
Si la police, selon Kalpana Koonjoo-Shah, indique qu’il y a eu 13 cas uniquement depuis le 1er janvier 2019, des institutions internationales parlent toutefois d’une situation différente. Dans son rapport présenté en mars de l’année dernière, Mama Fatima Singhateh, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants – y compris la prostitution des enfants, la pornographie enfantine et d’autres matériels d’exploitation sexuelle des enfants –, a tiré la sonnette d’alarme sur la gravité du problème.
Elle reproche aux autorités mauriciennes de pécher par manque de données par rapport aux enfants. « L’étendue actuelle et la prévalence d’abus sexuels et d’exploitation sont inconnues. Ceci est dû à la nature clandestine de ces délits, mais aussi au manque de données sur le nombre de cas rapportés et les enquêtes et poursuites entamées », a-t-elle écrit dans son rapport présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
La Rapporteuse spéciale s’est aussi étonnée que le dernier rapport national qualitatif sur le phénomène d’exploitation sexuelle commerciale des enfants date de 20 ans. En 2003, l’université de Maurice avait préparé le document. Mama Fatimah Singhateh a rappelé qu’à l’époque, elle avait noté 2 300 victimes de prostitution infantile.
L’enquête menée par cette dernière à Maurice du 21 juin au 30 juin 2022 a révélé que le problème reste d’actualité et même que « beaucoup d’interlocuteurs considèrent que le problème de prostitution infantile est grandissant. Il y a un besoin urgent de comprendre la magnitude du phénomène et d’intervenir et d’adopter des stratégies pour l’attaquer ».
En août 2023, l’European Centre for Law and Justice (ECLJ) a, dans un rapport présenté à la 45e Session de l’Examen Périodique Universel des Nations unies, souligné qu’à Maurice, « en particulier, des filles aussi jeunes que dix ans ont été trouvées en train de pratiquer la prostitution. Malheureusement, l’ampleur de cette activité criminelle reste largement méconnue en raison de sa nature clandestine et du fait que Maurice manque de données complètes et fiables ».
L’ECLJ a précisé que « bien que Maurice ait adopté une nouvelle loi sur l’enfance en 2020, le pays manque toujours d’une stratégie pour lutter efficacement contre la vente et l’exploitation des enfants ».
Nombre de cas par année selon la police
Année | Nombre de cas |
---|---|
2019 | 0 |
2020 | 2 |
2021 | 3 |
2022 | 2 |
2023 | 3 |
2024 (du 1er janvier au 1er avril) | 3 |
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !